Sahel : Emmanuel Macron tourne la page de Barkhane

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Sahel : Emmanuel Macron tourne la page de Barkhane

Deux semaines après la survenue d’un nouveau coup d’État au Mali, le président a annoncé, ce jeudi, la fin de l’opération militaire et la transformation profonde de la présence française au Sahel.
Le Figaro, 10 juin 2021

Par Nicolas Barotte
Mis à jour il y a 4 minutes

Emmanuel Macron a annoncé jeudi soir, lors d’une conférence de presse, « la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure ». « La poursuite de notre engagement (au Sahel) ne se fera pas à cadre constant », a expliqué le chef de l’État. Plus de huit ans après l’intervention militaire française qui avait permis de sauver Bamako des groupes armés djihadistes, le président de la République a décidé d’un retrait progressif des forces françaises. 5100 soldats sont aujourd’hui déployés au Sahel, principalement au Mali, contre les groupes terroristes djihadistes. « Nous amorcerons une transformation profonde de notre présence », a-t-il ajouté en prônant « un changement de modèle ». « La forme de notre présence, sous forme d’opération extérieure, n’est plus adaptée à la réalité des combats », a-t-il poursuivi sans s’engager sur un calendrier ou une réduction chiffrée des effectifs. Un sommet de la coalition pour le Sahel devra en discuter d’ici à la fin du mois. Selon certaines sources, les effectifs pourraient être réduits de moitié d’ici deux ans.

Il s’agit de « tirer les conséquences de ce qui n’a pas fonctionné », a ajouté le chef de l’État. « Le rôle de la France n’est pas de se substituer à perpétuité aux États », du Sahel, a-t-il expliqué en refusant de voir l’armée française « sécuriser des zones » auparavant contrôlées par les terroristes sans réengagement des États, essentiellement du Mali. Quelques mois après le sommet de N’Djamena, où la France appelait à un sursaut politique, la déception est perceptible.

« Un phénomène d’usure »

La liste des reproches que Paris adresse à Bamako est longue. Après le coup d’État dans le coup d’État qui avait réinstallé au pouvoir à Bamako le colonel Assimi Goïta, fin mai, la France avait annoncé la suspension « temporaire et conservatoire » des opérations conjointes avec les forces armées maliennes. Paris attendait des gages de la junte sur le retour d’un pouvoir aux civils. En promettant la tenue d’élections en 2022 et en nommant un premier ministre civil, le putschiste a envoyé des signaux minimes. Mais pas suffisamment pour Paris. « Les choses vont dans le bon sens », a déclaré du bout des lèvres le chef de l’État. Mais il a confirmé la suspension des opérations conjointes tant que toutes les clarifications n’auront pas été livrées. La France refuse notamment toute négociation avec les groupes terroristes, ce qu’envisage le nouveau pouvoir malien. Emmanuel Macron a aussi estimé que la Communauté des États africains d’Afrique de l’Ouest avait commis « une erreur » en reconnaissant le pouvoir du colonel Goïta. « C’est une mauvaise jurisprudence », a-t-il dit. Au Tchad, la France s’est en revanche engagée aux côtés du pouvoir qui a succédé à Idriss Déby, décédé brutalement au printemps.

Depuis plusieurs mois, la France cherchait un moyen de sortir du piège de Barkhane : une guerre sans fin, sans défaite ni victoire, qui épuise les crédits militaires et les soldats. « Force est de constater qu’il y a un phénomène d’usure », a convenu Emmanuel Macron en refusant néanmoins de lier sa décision à l’échéance présidentielle. Paris craignait d’être prisonnier d’un scénario à l’afghane. Les Européens seront toujours présents au Sahel en 2030, mettait en garde le mois dernier dans Le Figaro le chef d’état-major des armées, le général Lecointre.

Emmanuel Macron n’a pas annoncé un départ définitif et complet de la France du Sahel. Le plan de sortie se veut progressif. La future présence française au Mali s’organisera autour de deux axes. Un premier pilier poursuivra la coopération avec les partenaires locaux. La mission EUTM de formation, pilotée par l’Union européenne, en sera l’axe central. L’autre pilier se concentrera sur la lutte antiterroriste. Elle sera structurée autour de la force Takuba. Plusieurs pays comme l’Estonie, la République tchèque et la Suède y participent déjà. D’autres pays comme l’Italie ou la Serbie avaient manifesté un intérêt. Composée de forces spéciales, Takuba a pour mission de former et d’accompagner au combat les armées locales. L’armée française demeurera « la colonne vertébrale » de Takuba, a dit Emmanuel Macron en évoquant « plusieurs centaines de soldats ». Si Barkhane se termine, la France n’a pas encore quitté le Sahel.

https://www.lefigaro.fr/international/sahel-macron-serait-sur-le-point-d-annoncer-une-reduction-d-effectifs-de-barkhane-20210610

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