La Visite du Secrétaire General des Nations Unies à Bangui changera-t-elle l’impuissance volontaire de la Minusca ?

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Depuis le 24 mars 2012 où la Séléka a pris le pouvoir en Centrafrique, le pays est entré dans un cycle de violence sans précédent. Aujourd’hui, l’on constate largement au-delà d’un million de personnes tuées et de nombreux biens publics comme privés pillés et vandalisés. Malgré la présence sur le terrain de 12 000 hommes, militaires et policiers de la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation de Centrafrique (MINUSCA), la violence s’est étendue à l’ensemble du pays sans actions réelles pour la stopper.

Une situation catastrophique

Le processus Désarmement, Démobilisation et Redéploiement (DDR) est enlisé car les incitations négatives sont plus importantes que les incitations positives pour les groupes armés. Le gouvernement semble hésiter à accepter les revendications des chefs de groupes armés (amnistie, participation au gouvernement et aux institutions de sécurité). Et de leur côté, les représentants des groupes armés ont tout intérêt à faire durer les discussions sur le DDR : ils sont rémunérés à chaque réunion en absence de toute force coercitive avec carte blanche pour s’adonner à une prédation violente dans les zones sous leur contrôle.

La stratégie onusienne de paix en Centrafrique repose sur les mêmes principes que ceux énoncés par le Conseil de sécurité pour le Mali, le Sud-Soudan ou la République démocratique du Congo : la réconciliation par le dialogue, la lutte contre l’impunité, la lutte contre le trafic d’armes et de ressources naturelles, etc. D’un pays à un autre, malgré les différences de contexte, les résolutions répètent les mêmes idées et les mêmes techniques de pacification (DDR, réforme du secteur de la sécurité, cour pénale spéciale, etc.). Alors qu’en RCA, la MINUSCA dispose de moyen humain très suffisant et est dotée du droit d’employer la force en vertu du chapitre VII de la charte des Nations unies, elle demande habilement aux autorités centrafricaines déjà fragilisée l’obligation de protéger sa population exposée au pires violences (Résolution 2301 du 26 juillet 2016 du Conseil de Sécurité des Nations Unies).

L’urgence d’un changement de paradigme

C’est dans cet environnement très chaotique que va séjourner Antonio Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies avec toile de fond le renouvellement du mandat de la Minusca qui arrive à expiration le 15 novembre 2017et à la clé une augmentation du nombre des soldats de la Minusca de 900 hommes comme souhaité par le Président Faustin Archange TOUADERA lors du 72ème Assemblée Générale des Nations Unies. Ceci est louable.

Du point de vue de la Société Civile centrafricaine et de sa composante qui est la Coalition Nationale des Organisations de la Société Civile pour le New Deal en RCA (CNOSC/New Deal), membre de la Plateforme de la Société Civile pour la Consolidation de la Paix et le Renforcement de l’Etat (CSPPS), la visite de Monsieur Guterres ne contribuera qu’à faire perdurer l’impuissance volontaire de la MINUSCA si elle n’encourage pas à répondre à trois questions essentielles, parmi tant d’autres, qui se présentent comme des faiblesses de l’action actuelle de la MINUSCA qui induit une crise de confiance de la population envers elle :(i) la composition de la MINUSCA qui s’est progressivement construite à plus de 90% par des contingents musulmans ; (ii) l’action des certains contingents orientée uniquement vers la protection de la plus part des groupes armés jugés par ces contingents comme appartenant à une minorité alors qu’ils sont fortement engagé dans le conflit ;(iii) le manque de professionnalisme de certains contingents et de réactions adaptées et appropriées des forces de la MINUSCA face aux tueries de masse et la protection des civiles victimes des conflits armés.

Pour l’heure, la CNOSC/New Deal ne voit ni sortie de crise proche ni solution durable pour la crise centrafricaine tant qu’il n’y a pas de forte pression sur le gouvernement et une fermeté vis-à-vis des groupes armés et que le Conseil de Sécurité continuera d’opter pour l’impuissance volontaire tout en se donnant la bonne conscience de faire quelque chose : la population continuera à mourir comme des mouches devant l’indifférence de la communauté internationale.

Faute d’intérêts à s’accorder rapidement sur le DDR, et en sachant que l’entrée au gouvernement de certains membres des groupes armés qui ont consolidé leur base économique ne peut être une solution durable au conflit, le Secrétaire Général des Nations Unies et le Conseil de Sécurité font face à deux alternatives :

  1. Soit-on se contenter d’un statu quo violent et d’une partition certaine de la RCA. Ce choix, qui sera le scénario congolais qui se répéterait en Centrafrique, sera financièrement lourd de conséquence et conduira à l’enracinement des groupes armés et à la création d’une zone de turbulence incessante au centre de l’Afrique.
  2. Soit profiter du séjour de Monsieur Guterres pour bouger les lignes pour une solution négociée en regagnant de l’influence sur les parties au conflit. Cela implique de faire de telle sorte qu’au niveau de l’ONU la force légitime et la diplomatie aillent de pair. Il s’agira de cesser de croire que DDR et le seul dialogue vont apporter la paix. Il faudra nécessairement agir sur l’économie de guerre des groupes armés, conditionner le soutien au gouvernement à des actions concrètes au lieu de promesses vides et joindre la force à la négociation.

Pour la CNOSC/New Deal, seul le deuxième scénario justifiera la visite louable de Monsieur GUTERRES aux yeux de cette population, sans voix, qui se fait massacrée tous les jours etqui ne se sera pas aux audiences qu’accordera le Secrétaire Général lors de son séjour. Ce scénario va aussi justifier la mémoire des nombreux soldats des contingents de la MINUSCA qui ont versé leur sang pour que revienne la paix en RCA.

CNOSC/New Deal demande à toutes les parties prenantes de changer de paradigme : abandonner l’impuissance volontaire et opter pour un dialogue inclusif orienté vers les vraies questions de paix et y associer une force coercitive légitime, adaptée et appropriée.

 

La Coordination Nationale

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