CENTRAFRIQUE: DÉTOURNEMENTS MASSIFS DES DENIERS PUBLICS AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE: Mme MARIE-NOËLLE KOYARA DOIT PRENDRE SES RESPONSABILITÉS

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CENTRAFRIQUE: DÉTOURNEMENTS MASSIFS DES DENIERS PUBLICS AU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE: Mme MARIE-NOËLLE KOYARA DOIT PRENDRE SES RESPONSABILITÉS
Le ministère de la Défense nationale et de la restructuration de l’armée est en train de s’écarter du bon chemin à cause de la mauvaise gestion du nerf de la guerre, à un moment où le peuple attend de son armée des résultats pour enfin connaître la paix. Et pour cause.
Un travail d’investigations fait par la Haute autorité chargée de la bonne gouvernance (HACBG) nous amène à penser et à dire qu’il y a des Centrafricains qui ont décidé de mettre le pays définitivement à genou, de saper les efforts visant à relever le pays et à le mettre sur le chemin du progrès, de présenter une bonne image du pays en faisant de la bonne gouvernance un impératif éthique, administratif et politique. Ceux-là n’ont pas peur de voler ou de détourner les fonds de l’Etat mis à disposition pour des actions d’intérêt public.
Informée de la pratique systématique de détournements des fonds publics au ministère des Armées, la HACBG a effectué une mission de « vérification de gestion des deniers publics alloués au ministère de la Défense nationale et de la restructuration des Armées portant sur la période du premier Janvier 2017 au 31 août 2018 », lit-on dans le Rapport d’investigations produit à la fin du travail. Ce document met en exergue une pratique de détournements systématiques et orchestrés de l’argent de l’Etat mis à la disposition dudit ministère. « Le montant cumulé des fonds non justifiés s’élève à Un milliard deux cent trente sept millions neuf cent soixante-dix-neuf deux cent quatre-vingt-douze francs (1.237.979.292 F).
(…) Les faits examinés étant caractéristiques de détournements de derniers publics et de faux et usage de faux, l’équipe d’enquête propose la saisine du Parquet Général compétent aux fins d’une suite judiciaire », lit-on dans le Rapport d’investigations dont la rédaction du journal MEDIAS+ a pu obtenir copie.
Le cas du ministère de la Défense nationale et de la restructuration de l’armée est préoccupant parce qu’il donne à penser qu’il y a un groupe de personnes qui, au sein de la Grande muette, ne veulent pas que la sécurité revienne dans le pays. Les fonds mis à la disposition de ce ministère sont gérés à l’arabe, comme une épicerie ou dans un club d’amis, chacun faisant de l’argent de l’Etat ce qu’il veut, sans peur.
Face à cette situation, la ministre de la Défense nationale Marie-Noëlle Koyara doit prendre ses responsabilités.
Pour mémoire et afin que nul n’en ignore, voici publiée l’intégralité du Rapport d’investigations de la HACBG.
Damoclès Diriwo

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Unité-Dignité-Travail
********
HAUTE AUTORITÉ CHARGÉE DE LA
BONNE GOUVERNANCE
*****
PRÉSIDENCE
*****
RAPPORTEUR GÉNÉRAL
*****
GROUPE DE TRAVAIL
*****

N°___HABG/P/RG/GT.18 Bangui, le

RAPPORT D’INVESTIGATIONS

AFFAIRE: Ministère de la Défense Nationale

Courant septembre 2018, plusieurs dénonciations émanant du Ministère de la Défense Nationale faisant état de malversation financières ont été portées à la connaissance de la Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance. A cet effet, deux (2) chèques CBCA n°370809 et 3708032 et un (1) chèque Ecobank n°8096819 des montants respectifs de 50.000.000 F; 8.000.000 F et 58.000.000 F tirés de mission le 11 avril 2018 ont été remis pour corroborer ces dénonciations
En application des dispositions combinées des articles 28 alinéa 2 et 35 de la Loi n°17.005 du 15 février 2017, portant composition, organisation et fonctionnement de la Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance, il a été mis en place un groupe de travail aux fins d’investigations sur les faits dénoncés.
La mission se compose des Hauts Commissaires:
-Gertrude Adèle Christe OUADDOS, Vice-présidente de la HABG, Cheffe de mission;
-Salomon APANO NDOMA, Chef de mission adjoint;
-Barthélémy Claude MADOZEIN, Rapporteur;
-Joseph Junior ZONGAVODET, Membre;
-Germaine DERO, Membre.
L’équipe de travail avait pour tâches la vérification de gestion des deniers publics alloués au ministère de la Défense nationale et de la restructuration des Armées portant sur la période du premier Janvier 2017 au 31 août 2018. Elle a débuté ses travaux le 03 octobre 2018.
Il y a lieu de noter qu’en raison des charges du Haut-Commissaire Barthélémy Claude MADOZEIN, le Haut-Commissaire Salomon APANO-NDOMA l’a suppléé en qualité de Rapporteur.

1- LES FAITS
La Direction Générale du Commissariat des Armées est une composante du Ministère de la Défense Nationale et de la Restructuration des Armées, chargée des logistiques et des finances. Elle est la porte d’entrée et de sortie des deniers des Armées et se compose de quatre (4) directions: la direction du budget, la direction de la trésorerie, la direction des soldes et pensions et la direction de l’approvisionnement.
Chaque direction exprime ses besoins qui sont soumis à la Direction Générale du Commissariat, laquelle engage les dépenses.
Les dépenses essentielles concernant l’alimentation des corps de troupes; formations; déploiements; l’alimentation Etat-Major et les fonds spéciaux.
En principe, les fonds spéciaux sont gérés directement par le Ministre aux fins de renseignements, tandis que les deniers destinés à l’alimentation-formation-déploiements relèvent de la compétence de l’Etat-major et les autres services.
Cependant, depuis 2016 les différents derniers sont gérés directement par la Ministre de la Défense et son Directeur de Cabinet qui confient systématiquement les montants des sommes allouées au Chef de Service Administratif et Financier.
Par ailleurs, les différents comptes bancaires du Département sont aussi gérés de la même manière, amputant ainsi la Direction Générale du Commissariat des Armées de ses prérogatives. Seuls les documents y relatifs sont transmis à la Direction Générale du Commissariat des Armées.
Ces agissements ont suscité la colère dans le milieu de la Direction Générale du Commissariat des Armées car de nombreuses dépenses ne correspondaient nullement à leur nature économique ou ne justifient pas.
Ainsi, la Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance a ouvert une enquête au cours de laquelle les personnes ci-dessous ont été entendues.

II- LES AUDITIONS
Du 03 octobre 2017 au 06 mars 2018, plusieurs personnes ont été entendues et des pièces ont été produites au dossier.
Dans sa déposition le 03 octobre 2018, le Médecin-Colonel Joseph KETTE, Directeur Général du Commissariat des Armées, affirme qu’en dates des 11 et 12 avril 2018, des montants d’une somme totale de 116.000.000 F ont été respectivement retirés sur les comptes du Ministère de la Défense Nationale logés à la CBCA et à Ecobank. Il s’agit des chèques CBCA n°3708094 et 3708032 du 11 avril 2018 pour des montants respectifs de 50.000.000F et 8.000.000F, et du chèque Ecobank n°8096819 de la même date d’un montant de 58.000.000F. Ces chèques sont signés et les montants ont été remis directement au Ministre de la Défense Nationale et au Directeur de Cabinet. Ces sommes sont sorties à l’insu du Directeur du Commissariat des Armées. Les documents y relatifs ont été remis au Directeur du Commissariat des Armées, suite à son exigence, par le Sous-lieutenant PARITOINE Aristide Bernardin. Les justificatifs de dépenses de ces fonds ne sont pas fondés.
Ainsi, s’agissant de la somme de 58.000.000F, contrairement aux motifs du retrait, il n’appartient nullement au Ministère de la Défense de déployer les troupes. Quant à la libération du Camp Beal, elle a été gérée directement par la Primature. Il s’agit d’un double emploi.
Concernant les 50.000.000F, objet du chèque n°3708094, il n’y a jamais eu d’anniversaire des Forces Armées Centrafricaines (FACA). Les frais dédiés à l’anniversaire étaient budgétisés et se chiffraient à 13.000.000F. Cette festivité prévue le 1er avril 2018 n’a jamais eu lieu.
Le site de Bérengo a été pris en charge par la Présidence de la République. Aucun aménagement n’a été sollicité auprès du Ministère de la Défense.
S’agissant de la somme de 8.000.000F déchargée par le Chef de Service Administratif et Financier pour des raisons de « sécurité », il s’agit d’une nébuleuse. Le cabinet du Ministre s’est ainsi arrogé illégalement les compétences du Commissariat des Armées.
De même, le retrait de 30.000.000F effectué le 31 octobre 2017 ne se justifie pas. Le Capitaine LAWET, interrogé sur les mêmes faits, déclare que le 30 mars 2018, la somme de 5.507.575F retirés sur le compte trésor de la Défense Nationale avait été consacrée à la cérémonie de fin de formation qui s’est tenue le 31 mars 2018. Le retrait de 50.000.000F sur le compte Ecobank pour les mêmes fins n’est pas fondé. Il en est de même des 8.000.000F retirés sur le compte CBCA alors que la somme de 3.081.000F avait été utilisée dans cette opération dite « SOUKOULA » qui a eu lieu le 07 avril 2018. Il précise que la somme de 100.000.000F avait été retirée par chèque n°020522 le même jour sur le compte de la Défense Nationale et remise au Chef de Cabinet particulier du Premier Ministre dans le cadre de cette même opération « SOUKOULA » à titre d’« action gouvernementale ».
L’Adjudant-chef PARITOINE Aristide Bernardin, Chef de service de la comptabilité déclare qu’il n’est qu’un exécutant. C’est à ce titre qu’il a perçu et remis la valeur des trois (3) chèques précités au Chef de service administratif et financier dans son bureau et en présence constante du Directeur de Cabinet le 12 avril 2018 à 16 heures. Il a procédé de la même manière en remettant 30.000.000F le 31 octobre 2017; 20.000.000F le 20 novembre 2017; 2.203.000F et 1.350.000F le 27 novembre 2017. Etant donné qu’il ne gère pas les sommes remises, il se contente de prendre les pièces comptables pour justificatifs.
Le Lieutenant BAGGA Lilliade Nathalie, Chef de service administratif et financier reconnaît avoir déchargé le 12 avril 2018 la somme totale de 116.000.000F, objet de trois (3) chèques CBCA et Ecobank. A sa connaissance, cette somme n’a pas été utilisée pour les motifs sus-évoqués, lesquels ont été ordonnés par le Directeur de Cabinet. Celui-ci lui a enjoint d’utiliser 16.000.000 F pour les dépenses diverses. Le reliquat lui a été remis sur instructions de Madame la Ministre.
Elle reconnaît avoir reçu les différentes sommes évoquées par l’Adjudant-chef PARITOINE dans le même contexte et estime que seules les pièces de caisse peuvent les justifier.
Quant au Capitaine OUANSABA Joëlle, Cheffe du bureau du Commissariat des Corps des Armées, elle affirme être chargée de gérer les ressources matérielles HCCA (Habillement, Couchage, Campement, Ameublement) et les derniers d’alimentation des troupes en détachement ou de garde. A ce titre, elle perçoit en principe directement les fonds au Trésor Public. Mais cette règle n’est pas respectée. Dans le cadre de ses fonctions, elle n’a reçu que les sommes de 120.000.000 F en 2016; 144.000.000 F en 2018. Elle avait même constaté que des chèques émis à titre de fonds spéciaux étaient débités sur le compte crédit alimentation. Ce qu’elle avait contesté auprès de Monsieur Séraphin SELESSON, Chef de service de dépôt et consignations du Trésor Public.
A l’exception de ces montants perçus, elle conteste avoir reçu les sommes retirées aux dates suivantes:

-20 janvier 2017 : 2.116.385 F
-30 mars 2017 : 2.116.385 F et 1.110.550 F
-30 août 2017 : 70.913.500 F
-27 octobre 2017 : 15.319.500 F
-03 novembre 2017 : 28.537.550 F
-10 novembre 2017 : 26.537.550 F
-29 novembre 2017 : 30.000.000 F
-21 décembre 2017 : 7.900.000 F
-29 décembre 2017 : 10.865.385 F
-08 février 2018 : 99.720.000 F
-11 avril 2018 : 100.000.000 F
-19 avril 2018 : 3.081.500 F
-30 avril 2018 : 10.588.000 F
-07 juin 2018 : 870.000 F
-16 juin 2018 : 13.800.000 F
-12 juin 2018 : 1.173.500 F
-20 juin 2018 : 1.987.000 F
-23 juin 2018 : 2.205.000 F et 6.355.075 F
-06 juillet 2018 : 3.032.240 F
-23 juillet 2018 : 1.923.077 F
-29 août 2018 : 15.512.850 F et 1.912.075 F
TOTAL

Le Lieutenant GUITERMBI Max Xavier, Directeur de trésorerie déclare qu’il était intérimaire depuis mai 2016 avant d’être confirmé en septembre 2017. A ce titre, il gère les Services des régies d’avances et des recettes exceptionnelles, le Service de la comptabilité et le Service des dépenses. En fait, cette direction n’existe que de nom car toutes les opérations sont exécutées par le Cabinet ministériel. Aussitôt que l’argent est décaissé, il est immédiatement remis au Cabinet du Ministre. Parfois, certaines opérations sont faites à son insu et les documents ne lui sont transmis qu’après par le Chef de service administratif et financier, le Lieutenant BAGGA Lilliade Nathalie. D’ailleurs, il ne détenait pas le chéquier du Ministère car tous les chèques sont co-signés par Madame la Ministre et le Directeur de Cabinet. Ce n’est qu’à partir de juin 2018 que les opérations bancaires sont régulièrement exécutées, suite à la nomination du nouveau Directeur Général du Commissariat des Armées.
Interrogé sur les décaissements faits les 03, 10 et 29 novembre 2017, des montants de 28.537.550 F, 26.537.550 F et 30.000.000 F, l’intéressé déclare ne les avoir jamais reçus. Quant aux sommes de 7.900.000 F et 10.865.385 F retirés les 21 et 29 décembre 2017, il affirme avoir reçu injonction de s’abstenir de toute perception car elles seraient destinées à l’Etat-Major des Armées.
En dates des 19 avril 2018, 07, 22 et 03 juin 2018, il a retiré respectivement 3.081.000 F ; 13.800.000 F ; 1.987.500 F, et le 23 juin, 2.205.000F et 6.355.075 F qu’il a remis soit directement à Madame la Ministre, soit à son Cabinet par l’intermédiaire du Lieutenant BAGGA Lilliade Nathalie.
Le 11 avril 2018, cent millions de francs (100.000.000 F) ont été décaissés sur le compte du Département de la Défense, sur instructions et au profit de la Primature. Quant aux sommes de 10.585.000 F; 1.743.500 F et 3.032.240 F décaissés les 30 avril, 12 juin et 06 juillet 2018, il ignore leurs origines et leurs destinations.
Le Colonel KOZEMBROU Elie, Directeur Général du Commissariat des Armées a décrit le fonctionnement des services placés sous sa supervision. Il affirme que les dépenses doivent correspondre à leurs natures économiques, sauf dérogation accordée par le Ministre des Finances. Après l’expression des besoins des services, la direction du budget et de la prévision élabore le budget à exécuter. Avant sa prise de fonction, tous les comptes trésor et bancaires étaient gérés par le cabinet ministériel. Sur son insistance, la Direction Générale du Commissariat des Armées a recouvré sa compétence.
Interpellé sur le retrait de la somme de 15.512.800 F, le Capitaine SAMBA Clotaire expose qu’en sa qualité de Directeur de budget et de la prévision, il n’a fait qu’engager et suivre cette dépense et d’en informer le Directeur de trésorerie, le Capitaine GUITERMBI. C’est ce qu’il a fait en lui remettant le chèque aux fins de retrait de la valeur.
Le nommé Séraphin SELESSON déclare qu’en sa qualité de Chef de service des dépôts et des consignations, il reçoit un programme d’emploi signé par la Ministre de la Défense, le Directeur Général du Trésor, l’ACCT, et la valeur est payée suivant la date de programmation.
En principe, les fonds spéciaux, l’alimentation, la formation et les dépenses obligatoires sont décaissées hebdomadairement sur les comptes y relatifs. Mais il arrive que le gestionnaire des crédits l’autorise à prélever sur une autre ligne de dépenses. Dans ce cas, les instructions sont données à un très haut niveau au point qu’il est obligé de s’exécuter, malgré sa résistance. A titre d’exemple: le retrait de la somme de 19.500.000 F, objet du chèque n°030434 du 15 février 2017, avait été autorisé sur les taxes de sûreté aéroportuaire au Trésor public. Or, ces taxes sont versées sur un compte bancaire domicilié à la CBCA et ne peuvent être prélevées à titre de fonds spéciaux au niveau du Trésor Public.
Il y a lieu de mentionner que malgré les multiples invitations de la mission, les principaux intéressés cités au cours des investigations n’ont daigné se présenter pour exposer leurs observations ou arguments. Il s’agit de:
-Madame Marie-Noëlle KOYARA, Ministre de la Défense Nationale et de la Restructuration de l’Armée ;
-Monsieur Arcadius BETIBANGUI, Colonel Directeur de Cabinet dudit ministère ;
-Monsieur Ghislain Junior MORDJIM, ancien Directeur de Cabinet de la Primature ;
-Monsieur Guillaume GBAMOU, ancien Secrétaire Particulier du Premier Ministre.
L’équipe en a conclu à un refus caractéristique d’entrave à la justice et en a tiré les conséquences qui s’imposent.

III- CONSTAT GÉNÉRAL
L’équipe de travail a constaté plusieurs anomalies dans la gestion des derniers publics mis à la disposition du Ministère de la Défense nationale. Ainsi, on note:
• L’accaparement par le Cabinet ministériel de l’ensemble des opérations des dépenses en violation du principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable ;
• Le dépouillement de la Direction Générale du Commissariat des Armées de ses prérogatives ;
• Le Service administratif et financier du Ministère s’est subrogé à la Direction de trésorerie en gérant directement les derniers destinés aux dépenses essentielles ;
• Les retraits bancaires sont exécutés à l’insu du Commissariat des Armées lequel se contente d’archiver les pièces pour comptabilisation ;
• L’Etat-Major chargé de recevoir les fonds nécessaires à l’alimentation, la formation et le déploiement est écarté des dépenses ;
• Des dépenses privées sont effectuées sur ces derniers. Tel est le cas du remboursement de la somme de 46.000 F fait le 06 mai 2018 pour l’installation des toiles de tente à l’occasion du mariage du député de Bouar I ;
• Les dépenses n’obéissent pas, pour la plupart, à leurs natures économiques. C’est le cas des fonds spéciaux qui pourtant budgétisés, sont alimentés par les crédits alimentation, formation et déploiement ou sur les taxes de sûreté aéroportuaire ;
• De nombreuses dépenses ne sont pas justifiées par des factures (billet d’avion, caisse d’avance, frais de carburant, travaux publics, remboursement des frais de mission ;
• Les motifs de certains retraits bancaires ne correspondent pas aux réalités. Il en est ainsi des chèques CBCA n°3708094 et 3708032 de 50.000.000 F et 8.000.000 F, et chèque Ecobank n°8096819 d’un montant de 58.000.000 F, tous émis le 11 avril 2018.

IV-ANALYSE DES PIÈCES
Cette analyse s’articule autour des retraits bancaires et retraits effectués sur le compte Trésor du Ministère de la Défense Nationale.

A – Retraits bancaires

1- Compte Ecobank
• Chèque n°8096815 du 31 octobre 2017 d’un montant de 30.000.000 F émis pour effectuer des dépenses diverses. Les pièces justificatives ne sont pas probantes, à défaut de facture. A titre d’exemple, il est joint aux justificatifs une facture relative aux billets aller-retour Bangui – Paris – Bangui, lesquels billets ont été réglés par le Trésor Public et non la valeur du chèque.
D’ailleurs, les pièces fournies au dossier révèlent des dépenses totales de quarante-trois millions sept cent six mille six cent francs (43.706.600 F), dépassant largement le montant retiré. Il y a lieu d’en déduire que ces pièces sont fournies précipitamment pour les besoins de la cause ;
• Chèque n°8096817 du 20 novembre 2017 d’un montant de 20.000.000 F pour rembourser la caisse construction dépôt stockage matériels russes. Aucune pièce n’a été fournie. Ce même jour, un autre retrait du même montant sera effectué sur le compte du Ministère de la Défense domicilié à la CBCA.
• Chèque n°8096816 du 24 novembre 2017 d’un montant de 2.203.000 F. Cette somme destinée aux besoins d’une délégation AMDAFOCK n’est pas justifiée car les bénéficiaires demeurent inconnus. Par ailleurs, les pièces jointes comme justificatifs mentionnent des dépenses diamétralement opposées à la nature économique du retrait ;
• Chèque n°8096814 du 20 novembre 2017 de 17.360.000 F justifié car émis au profit de MINAIR représenté par OUSMAN GARBA ABOUBAKAR ;
• Chèque n°8096819 du 11 avril 2017 d’un montant de 58.000.000 F. Motifs du retrait: déploiement des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), libération et aménagement du Camp BEAL. Les motifs de ce retrait sont contradictoires aux dépositions et pièces du dossier.
En effet, il résulte du dossier que le déploiement des troupes relève de la compétence de l’Etat-Major. Or, aucune pièce n’a démontré la mise à la disposition du commandement militaire une partie de cette somme. Ce qu’ont confirmé les témoins KETTE Joseph et BAGGA Lilliade Nathalie.
Par ailleurs, la libération du Camp BEAL serait directement gérée par la Primature.
On remarque que toutes les pièces ne font état, ni de déploiement des troupes ni de libération du Camp BEAL, et se chiffrent à 12.296.521 F, soit un écart de 45.030.479 F non justifié.
D’ailleurs, dans sa déposition du 11 novembre 2018, le Lieutenant BAGGA Lilliade Nathalie, Cheffe de service administratif et financier affirmait avoir réceptionné la totalité de la valeur de 116.000.000 F dont 16.000.000 F étaient consacrés aux dépenses diverses. Ce qui contredit les pièces justificatives.

2- Compte CBCA
• Chèque n°3708031 du 24 novembre 2017 d’un montant de 1.350.000 F destinés aux obsèques du Colonel NGBOYA. Dépense justifiée car la valeur a été remise à la famille du défunt ;
• Chèque n°3708093 du décembre 2017 de 20.000.000 F destinés aux dépenses diverses. Cependant, les dépenses effectuées sont chiffrées à 21.347.792F. Ces dépenses dépassent la valeur du chèque, ce qui dénote une vaine tentative de justification. Aucune facture valable n’a été fournie pour démontrer la moralité des dépenses ;
• Chèque n°3708032 du 11 avril 2018 d’un montant de 8.000.000F émis « pour la sécurité »; retiré pour l’opération « SOUKOULA », ce motif est contesté par certains témoins qui allèguent que non seulement ladite opération s’est déroulée le 07 avril 2018 au km5, mais encore qu’une somme de 3.081.000F avait déjà été débloquée pour cette mission ;
• Chèque n°3708094 du 11 avril 2018 pour aménagement et formation Bérengo et anniversaire de l’Armée Nationale. Montant: 50.000.000F.
Contrairement à ces motifs, cette somme a été remise à Madame la Ministre de la Défense le 02 mai 2018. La décharge fait état de la réhabilitation des sites militaires de KASSAI, Camp BEAL, Bouar et le Ministère de la Défense Nationale. Aucune facture ne figure au dossier, encore moins le simple devis estimatif des travaux. Il ressort même des témoignages concordants que le montant destiné à l’anniversaire de l’Armée Nationale était budgétisé à hauteur de 13.000.000 F, lequel anniversaire était prévu le 1er avril 2018. De même, l’aménagement du site de Bérengo a été pris en charge par la Présidence de la République.

B- Retraits compte Trésor
• Chèque n°030434 du 15 février 2017. Montant: 19.500.000 F. Cette somme est en inadéquation avec le montant hebdomadaire de 2.115.385 F prévu au budget. Selon le témoin SELESSON, cette somme prélevée à titre de taxes de sûreté aéroportuaire sur le compte Trésor. Or, les taxes de sûreté aéroportuaires sont versées sur le compte bancaire du Ministère de la Défense domicilié à Ecobank. La nature économique de cette dépense doit être justifiée;
• Chèque n°025517 du 26 janvier 2018. Montant: 1.923.077 F. Il s’agit d’un double emploi du chèque n°025516 du même montant retiré le même jour;
• Chèque n°025508 du 07 mars 2018. Montant: 1.692.308 F. Double emploi car le montant initial hebdomadaire de ce fonds spécial a déjà été perçu suivant le chèque n°025507 du 07 mars 2018 dont le montant est de 1.923.077F;
• Chèque n°020934 du 06 juin 2018. Montant: 1.923.077 F. Ce montant doit être justifié étant entendu qu’il a été perçu le 31 mai 2017 donc antérieurement à son émission. Par ailleurs, ce même montant a été retiré le même jour suivant un autre chèque n°020904;
• Chèque n°020829 du 26 juillet 2018. Montant: 2.576.000 F non justifié car non conforme au montant hebdomadaire de 1.923.077F;
• Chèque n°020850 du 03 août 2018. Montant: 5.507.575F non justifié;
• Chèque n°020987 du 10 août 2018. Montant: 7.692.908 F non justifié.
TOTAL: 40.814.945 F

C- Autres dépenses non justifiées
Il résulte des pièces du dossier et des auditions que de nombreux retraits de fonds au niveau du Trésor ont été remis directement au Cabinet du Ministre et sont utilisés suivant les instructions du Chef de Département ou/et du Directeur de Cabinet. Il en est ainsi de:
-Chèque n°030499 du 08 janvier 2017 : 99.720.000 F
-Chèque n°014789 du 30 mars 2017 : 1.110.550 F
-Chèque n°041267 du 03 août 2017 : 70.313.500 F
-Chèque n°086720 du 27 octobre 2017 : 15.313.500 F
-Chèque n°044955 du 3 novembre 2017 : 28.537.550 F
-Chèque n°044994 du 10 novembre 2017 : 26.537.550 F
-Chèque n°040032 du 21 décembre 2017 : 7.900.000 F
-Chèque n°115872 du 29 décembre 2017 : 10.865.385 F
-Chèque n°020618 du 19 avril 2018 : 3.081.500 F
-Chèque n°020651 du 30 avril 2018 : 10.586.500 F
-Chèque n°020574 du 13 juin 2018 : 1.743.500 F
-Chèque n°015876 du 29 mai 2018 : 870.000 F
-Chèque n°020938 du 07 juin 2018 : 13.800.000 F
-Chèque n°020870 du 22 juin 2018 : 1.987.500 F
-Chèque n°020871 du 23 juin 2018 : 2.205.000 F
-Chèque n°020782 du 06 juillet 2018 : 6.335.075 F
-Chèque n°020784 du 06 juillet 2018 : 3.032.240 F
-Chèque n°026093 du 24 août 2018 : 15.512.800 F
-Chèque n°026094 du 28 août 2018 : 1.912.075 F

Enfin un retrait d’une valeur de 100.000.000 F a été effectué sur la ligne Alimentation Etat-Major, objet du chèque n°020522 du 11 avril 2018 et remis au Chef de Cabinet Particulier du Premier Ministre sortant, nommé GBAMOU Guillaume, à titre d’«Action gouvernementale».
Convoqués pour être interrogés, ni GBAMOU Guillaume, ni sieur MORDJIM Ghislain Junior, Directeur de Cabinet de la Primature, n’ont daigné se présenter aux heures et dates indiquées.
Un acompte de loyer machine génie militaire à Nola Société Zanga/Sangha a versée la somme de 150.000.000 F CFA en espèces à Madame KOYARA Marie Noëlle.

V – CONCLUSION
Le montant cumulé des fonds non justifiés s’élève à Un milliard deux cent trente-sept millions neuf cent soixante-dix-neuf mille deux cent quatre-vingt-douze francs (1.237.979.292 F). Les personnes susceptibles d’être mises en cause sont:
-Madame Marie-Noëlle KOYARA, Ministre de la Défense Nationale;
-Colonel Arcadius BETIBANGUI, Directeur de Cabinet du Ministère de la Défense Nationale;
-Lieutenant BAGGA Lilliade Nathalie, Chef de service administratif et financier dudit Ministère;
-Monsieur GBAMOU Guillaume, Chef de Cabinet particulier sortant du Premier Ministre sortant;
-Monsieur MORDJIM Ghislain Junior, Directeur de Cabinet sortant du Premier Ministre sortant.
Les faits examinés étant caractéristiques de détournements de derniers publics et de faux et usage de faux, l’équipe d’enquête propose la saisine du Parquet Général compétent aux fins d’une suite judiciaire.
En application de la loi 17.005 du 15 février 2017 à son article 36 alinéa 3: « Cependant, lorsque les faits relèvent de la compétence de la justice, le Président de la Haute Autorité chargée de la Bonne Gouvernance saisit le Parquet Général près la Cour d’Appel par le rapport de l’Assemblée plénière ».
-Le Haut-Commissaire Chargé de l’enquête,
(é) Gertrude Adèle Christe OUADDAOS;
-Le Rapporteur,
(é) Salomon APANO NDOMA ;
•Membres:
(é) Haut-Commissaire Barthélémy Claude MADOZEIN ;
(é) Haut-Commissaire Joseph Junior ZONGAVODET ;
(é) Haut-Commissaire Germaine DERO


Source: MEDIAS+

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