Université de Bangui : Touadéra, l’octroi des sept (7) véhicules est – il un besoin prioritaire pour les étudiants ?

0
192
Don de sept (7) véhicules à des chefs d’établissement à l’université de Bangui ? Voilà encore des dépenses de prestige, à l’exemple de l’augmentation des crédits ouverts dans la loi de finances rectificative de 2018, alloués à la présidence et à la primature et destinés à la prise en charge des fonds spéciaux, des frais de missions à l’étranger et à l’achat des véhicules de l’Etat !
Telle est la réponse d’un expert budgétaire et d’un analyste averti de la vie politique centrafricaine, au lendemain d’une cérémonie organisée à la présidence de la République et au cours de laquelle  le président Touadéra a remis sept (7) véhicules de fonction à des chefs d’établissement à l’université de Bangui. Pour faciliter leur déplacement et leur permettre de travailler dans des conditions dignes de ce nom, selon la presse présidentielle.
Un geste bien apprécié par le Pr Olga Diane Mbomboyongo, vice – recteur de l’Université de Bangui en ces termes au micro de la presse présidentielle : « ce geste de bonne foi du chef de l’État en faveur des enseignants du supérieur est une marque de confiance et de considération particulière qu’il porte à leur institution, c’est un soulagement au regard des tracasseries de transport qu’ils rencontrent au quotidien ». A ce sujet, rappelons qu’il y a déjà quelques mois une première donation en véhicules a été faite en faveur de cette institution.
Mais, si pour les professeurs d’université, bénéficiaires de ces moyens roulants, l’euphorie est évidemment à son comble, cette offre est bien au contraire très mal accueillie dans le milieu des spécialistes des questions budgétaires et de certains professionnels des médias. Pour ces derniers, elle passe tout simplement à leurs yeux pour l’illustration la plus parfaite de la mauvaise perception faite de la notion d’allocation stratégique des ressources par Touadéra et ses meilleurs budgétaires qui sont aux commandes des affaires de la cité depuis plus de deux (2) ans. Et pour cause.
Selon des principes fondamentaux du droit budgétaire et les règles des finances publiques, les dépenses de fonctionnement et d’investissement des différents départements ministériels, des collectivités locales, des institutions de l’État, des entités périphériques, des sociétés d’état et autres ne peuvent pas être engagées sans avoir été préalablement inscrites dans la loi de finances. A ce titre, elles sont censées revêtir un caractère prioritaire, conformément aux politiques nationales du développement, soutenues par le gouvernement devant l’assemblée nationale et contenues dans un document intitulé «  programme de politique générale ».
Ainsi, tel que développé ci – dessus, ce geste du président de la République pour être régulier et conforme à la règle de la transparence budgétaire, ne peut être que le fruit d’une dépense prévue et engagée ou d’une donation. Et c’est justement d’un don en nature de sept (7) véhicules dont il est question comme il a été souligné un peu plus haut. Et c’est à ce niveau que le débat devient intéressant puisqu’il laisse entrevoir en filigrane l’importance que joue la notion des besoins prioritaires dans l’exécution de telle ou telle dépense en faveur de toute institution de l’État, comme l’université ou l’enseignement supérieur en l’espèce. En un mot, est – ce que l’achat de ces sept (7) véhicules ou leur donation était bel et bien une dépense prioritaire pour cette institution, prévue et inscrite dans la loi de finances 2018 ?
Dans l’affirmative, ce qui semble la réponse plausible à cette interrogation, qu’elle soit prise en charge par le BEC ou supportée par une aide financière extérieure, cette dépense ne peut pas constituer  une dépense prioritaire pour l’université de Bangui, au regard des montagnes des difficultés en matières infra-structurelles, matérielles, logistiques, informatiques et didactiques auxquelles elle est sérieusement confrontée depuis plus de 40 ans. Devant cette situation déplorable voire même pathétique, tout budgétaire digne de ce nom et tout homme politique avisé et ayant une vision à court, moyen et long termes pour ce secteur d’activités, réfléchirait par deux (2) fois avant d’opter pour ce type de dépenses somptueuses, ostentatoires et sans bénéfice pour cette institution  et ses étudiants.

Mais, alors qu’ailleurs et dans d’autres pays en crise comme le nôtre, et du fait de l’argumentaire sus – évoqué, les maigres ressources  et les aides financières extérieures allouées par des partenaires internationaux, sont orientées annuellement vers les travaux de construction ou de réhabilitation des infrastructures de base que sont, en ce qui concerne l’université ou l’enseignement supérieur, les amphithéâtres, les équipements mobiliers et informatiques, les bibliothèques, et les  salles d’études, en République centrafricaine, elles servent plutôt à être dilapidées dans l’exécution des dépenses de prestige. Ainsi utilisées, elles apparaissent comme la réponse la plus efficace et plus efficiente à des demandes émotives et charnelles de certains amis, parents, connaissances et bien entendu maîtresses, bombardés du jour au lendemain à la tête de ces institutions et envers qui l’on est redevable par pur sentiment. Elles ne sont pas de ce fait porteuses de croissance et génératrices de gains futurs pour la collectivité et le pays. Matérielles, elles sont périssables comme une fleur de rose à la tombée du jour, non sans avoir préalablement créé de nouvelles charges en termes de carburants, d’entretien et de maintenance, avec le risque de constituer in fine des dettes, s’agissant des dons comme en l’espèce, pour des générations à venir.
Fervent défenseur de cette pratique qui consiste à s’approprier de l’essentiel des crédits ouverts chaque année dans la loi des finances et à les utiliser comme bon lui semble à des fins personnelles, égoïstes et catégorielles, le mathématicien de Boy – Rabé a préféré tout simplement opter pour cette dernière approche afin de satisfaire les appétits de certains enseignants du supérieur qui ont soutenu « intuitu personae » sa candidature pendant les dernières élections et se projeter ainsi dans l’optique des échéances du 2021, en caressant l’espoir de bénéficier de leur part du retour de l’ascenseur dans les urnes, le moment venu.
En agissant de la sorte et  en sa qualité de président de la République et de garant de la destinée de tout un peuple qui lui en a confié la gestion dans les urnes, il y a déjà plus de deux ans, Touadéra  vient une nouvelle fois de démontrer « urbi ac orbi »  son refus délibéré et tout volontiers de veiller au scrupuleux respect des principes élémentaires de la discipline budgétaire, de l’allocation stratégique des ressources et de la prestation efficace et efficiente des services publics. Par conséquent,  il ne fait désormais plus aucun doute qu’il n’en a cure du bien – être de son peuple et du devenir des générations montantes par une option claire et nette pour l’allocation des maigres ressources du pays et des donations reçues dans des secteurs d’activités prioritaires. Le contraire nous aurait étonnés fort étrangement.
Car s’il devait en être autrement, face à l’état de délabrement total, de déliquescence et de vétusté dans lequel se trouve la seule université de toute la République, construite depuis 1970 et fréquentée par plus 25. 000 étudiants qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles, les crédits alloués à l’achat de ces sept (7) véhicules auraient servi à autre chose plus rentable et plus bénéfique pour les apprenants et la collectivité dans les années à venir.
Comme nous l’avons souligné ci – dessous, ils auraient  peut – être permis d’acquérir de matériels didactiques en faveur des étudiants qui manquent de tout et dont l’usage pourrait s’étaler sur plusieurs années. Ils auraient peut – être permis de réaliser des travaux de construction de nouvelles salles de classes et leurs dotations de tables – bancs et de matériels informatiques. Pensée de cette manière et exécutée dans ces domaines autres que celui des véhicules, cette dépense aurait été tout simplement un meilleur investissement pour la nation tout entière, car elle aurait constitué  de substantiels et intarissables terreaux dans lesquels des futurs cadres de ce pays auraient puisé leur savoir et des connaissances.
Malheureusement, tel n’a pas été le cas. Pour la simple raison que pour Touadéra et les meilleurs budgétaires qui l’entourent, investir dans les domaines porteurs de croissance et générateurs de richesses que sont la santé, l’éducation, les routes et la sécurité, ne constitue pas leurs priorités. Leurs priorités, c’est plutôt affecter les crédits de l’État et les dons dans l’exécution des dépenses de prestige sans impact réel à court, moyen et long termes sur la vie de la nation, même si une partie de ces crédits comme celui des véhicules en l’espèce, devra tôt ou tard être remboursée comme dettes par des générations montantes qui n’en ont tiré aucun bénéfice.
La rédaction

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici