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Un second mandat pour Touadéra, dans une Centrafrique en bien mauvais état

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Un second mandat pour Touadéra, dans une Centrafrique en bien mauvais état

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Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, réélu pour un second mandat, sur une affiche de campagne, à Bangui, le 5 janvier 2021.  PHOTO / FLORENT VERGNES / AFP
Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, réélu pour un second mandat, sur une affiche de campagne, à Bangui, le 5 janvier 2021.  PHOTO / FLORENT VERGNES / AFP

Faustin-Archange Touadéra, le chef d’État centrafricain sortant, vient d’être proclamé vainqueur de la présidentielle. Mais c’est un pays à genoux, en proie à une nouvelle offensive rebelle, qu’il continue à diriger. Pas de quoi pavoiser, met en garde cet éditorialiste guinéen.

Si cette attitude triomphaliste est compréhensible de la part de ses soutiens, il serait toutefois plus sage que le vainqueur lui-même appréhende tout cela avec un peu plus d’humilité. Car au regard du contexte dans lequel se sont tenues les élections et en raison des défis auxquels le pays reste confronté, il serait plus sage d’envisager le prochain mandat sous le prisme des responsabilités que sous celui d’un triomphalisme qui serait quelque peu surfait.

Panne de légitimité

Tout d’abord, parce que seule la moitié des bureaux a été prise en compte. En termes de légitimité, ce n’est déjà pas si fameux. Or, il s’y ajoute qu’en raison de l’environnement qui prévalait le jour du scrutin [les groupes rebelles 3R ont lancé une offensive en province, rendant les opérations impossibles dans de nombreuses localités] et les jours qui ont précédé, les accusations de fraudes massives et notamment par le biais d’un recours “massif” au vote par dérogation, ne sont pas nécessairement dénuées de sens.

Certes, en Afrique, les opposants sont connus pour être notoirement de mauvaise foi. Mais il convient néanmoins d’admettre que le 27 décembre dernier, l’atmosphère volatile qui régnait à Bangui et dans le reste de la Centrafrique est de nature à justifier toutes les suspicions.

Ceci étant, il est très peu probable que les récriminations de l’opposition soient entendues. Pour autant, au-delà des chiffres qui lui sont alloués et des félicitations qu’il ne tardera pas à recevoir, le président Faustin-Archange Touadéra devrait se rendre à l’évidence. Les tensions qui menacent aujourd’hui le pays requièrent une attitude autre que celle de l’autocélébration.

Un pays sous tutelle

De l’indépendance que la RCA a obtenue un certain 13 août 1960, il ne reste plus grand-chose. Aujourd’hui, le pays est comme sous tutelle d’une multitude de puissances aux intérêts divergents. À tel point qu’il est évident que le président Touadéra ne tient pas en place en raison de l’adhésion de ses compatriotes à son programme de société : son maintien à la tête du pays ne dépend que du soutien qu’il reçoit à la fois de la Minusca [mission des Nations unies], des mercenaires russes, des renforts rwandais et de la seconde chance que la France semble lui accorder.

Il s’y ajoute que plus des deux tiers du pays échappent au contrôle de l’État. Attirés par les richesses du pays et profitant de la déliquescence de l’État, des dizaines de groupes armés se sont répartis le pays en des zones d’influence qu’ils contrôlent et exploitent à leur guise. Ce qui, pour les pauvres Centrafricains qui n’ont pas le privilège de vivre à l’intérieur de la forteresse qu’est la capitale Bangui, se traduit par des extorsions et autres abus en tous genres.

Quant au développement, c’est là un concept totalement inconnu de certaines régions centrafricaines. Des régions isolées les unes des autres par l’inexistence d’infrastructures routières. Voilà le tableau dont hérite le président sortant pour son second mandat. Autrement dit, aucun motif de réjouissance.

Une union des cœurs

S’il n’est pas concevable qu’il cède au chantage des groupes qui comptent sur la force de l’épée pour prendre part au partage du gâteau, le président sortant devrait toutefois très vite engager une dynamique de discussion au moins avec ses principaux concurrents politiques. Avec eux, il lui faudra discuter non pas de la composition du futur gouvernement, mais du bilan désastreux du pays en 60 ans d’existence.

Il leur faudra commencer par admettre que ce bilan, ils en sont tous comptables. Et partant, il leur faut taire leurs divergences, pour ensuite fédérer leurs énergies et leurs intelligences pour essayer de remettre la RCA sur la voie dont elle s’est écartée depuis longtemps. Orgueil et fierté personnelle devront donc être rangés au profit d’une union des cœurs pour que la RCA sorte enfin de l’ornière. Telle est la mission exclusive du président Touadéra au titre de ce second mandat.

Boubacar Sanso Barry
Aujourd’hui

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