TRANSITION POLITIQUE AU MALI

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TRANSITION POLITIQUE AU MALI

La difficile équation

La CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) persiste et signe quant au respect par les Etats membres, de ses grands principes. L’un d’eux, c’est l’accession au pouvoir par la voie des urnes. C’est pourquoi, l’organisation sous-régionale a du mal à digérer l’accaparement du pouvoir par la force, de la junte malienne. Certes, la CEDEAO a  voulu faire preuve de réalisme politique en tournant la page Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), mais elle est restée pratiquement intraitable quant à sa position de voir la transition pilotée par des civils qui seront d’office disqualifiés pour la présidentielle à venir. Outre cela, la CEDEAO plaide pour une transition qui ne dépassera pas une année. Ces exigences ont été affichées clairement par l’ensemble des chefs de l’Etat de la CEDEAO. C’était le vendredi 28 août dernier, à l’occasion de leur deuxième visioconférence depuis la chute de IBK. Par voie de conséquence, elle a maintenu l’essentiel de ses sanctions contre le Mali. C’est dans ce contexte que les militaires qui ont osé manger le fruit interdit, tentent de prendre langue avec les acteurs politiques et ceux de la société civile pour discuter de la situation. Ainsi, des acteurs politiques parmi lesquels des partisans du défunt régime, avaient été conviés à la table des échanges. Cette idée a irrité au plus haut point les ténors du M5. Ces derniers craignent une récupération du changement et donc de la junte pour leurs adversaires d’hier. Conséquence, les putschistes ont annulé leur rendez-vous avec l’ancienne majorité. En revanche, les militaires ont reçu à leur quartier général de Kati, une forte délégation du M5. Pour une opération de rattrapage, c’en était une. Car, les rapports de forces font qu’aujourd’hui, le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) ne veut prendre aucun risque en se mettant à dos le puissant mouvement de contestation qui a, peut-on dire, créé les conditions objectives de la chute de IBK. Le face-à-face entre les deux parties a eu lieu le samedi dernier. Apparemment, elles se sont quittées sur une bonne impression. En tout cas, les propos de Issa Kaou Djim de la CMAS, le mouvement de l’Imam Mahmoud Dicko, permettent de le dire. Extrait : « Je dirais que le malentendu a été dissipé et nous allons avancer dans  l’intérêt du peuple malien ». Il faut noter cependant que le M5 n’est pas partant pour manger n’importe quel pain. Il entend peser de tout son poids dans la conduite de la transition. En d’autres termes, ce que ses leaders souhaitent, c’est l’organiser en tandem avec la junte au pouvoir. En tout cas, ils militent pour une transition au sein de laquelle ils ne seront pas seulement consultés.  Et dans un document qui n’est pas encore officiel, le M5 propose des organes de transition qui seront pilotés par des civils. Dans le même document, le M5 propose 18 et 24 mois pour la durée de la transition. Sur ces deux points, l’on note pratiquement une convergence de vues entre la position de la CEDEAO et celle du M5. Il reste à savoir ce que dira la junte. En tout cas, elle ne s’est pas exprimée après sa première rencontre avec ceux qui ont visé la cible pour qu’ils l’abattent. Et l’on attend la junte en particulier sur ces points. Elle y est d’autant plus attendue que bien des partisans de l’ancien président, lui suggèrent une transition de trois ans dont elle assurera la direction. Et à ce que l’on dit, IBK ne serait pas hostile à cela. En tout cas, ce dernier préfère cette formule à tout autre scénario qui verrait les camarades de l’Imam Mahmoud Dicko jouer les premiers rôles dans la transition. L’un dans l’autre, l’on peut affirmer sans grand risque de se tromper que la solution à l’équation malienne, s’annonce difficile. D’abord, au plan interne, l’on peut s’attendre à un clash entre la junte et le M5, d’une part, et, d’autre part, entre les partisans de l’ex-président et les contestataires  du M5 pour conflits d’intérêts. Il n’est pas exclu qu’au sein même de la junte, il y ait du grabuge lié à des frustrations. Ce qui viendrait compliquer une situation déjà explosive et précaire. Au plan externe, l’on peut craindre que les Maliens se braquent contre la CEDEAO au point de provoquer la rupture. En effet, la position de l’instance communautaire, de voir les civils jouer les premiers rôles dans la transition et celle selon laquelle cette dernière ne doit pas aller au-delà de 12 mois, peuvent ne pas convenir à la situation du Mali. Car, le pays est tellement déglingué qu’un an pourrait être insuffisant pour le remettre sur les deux pieds. Et à force de vouloir faire du fétichisme autour de ses textes, la CEDEAO risque d’aggraver le mal malien. Certes, l’armée malienne n’est pas un parangon de la vertu mais il faut reconnaître que les civils  ont beaucoup péché en politique. L’Immaculée conception n’existant pas dans ce domaine, il est fort probable que l’on n’arrive pas à dénicher l’oiseau rare chez les civils, susceptible de mettre tout le monde d’accord quant au port auquel il faut désormais arrimer le Mali. Pour éviter donc l’éternel recommencement, il faut éviter d’aller trop vite en besogne. Et pour autant que les putschistes soient de bonne foi, et l’on peut pour le moment leur accorder le bénéfice du doute ; une transition kaki peut opérer les réformes qu’il faut pour une renaissance démocratique du Mali. Cet exercice, Amadou Toumani Touré l’avait réussi après avoir renversé le régime fétide de Moussa Traoré. En tout cas, à l’occasion d’un « café citoyen » organisé le samedi dernier pour réfléchir à la transition politique, les participants, pour la plupart des chercheurs, ont estimé qu’il y a une focalisation extrême du débat sur la durée et les acteurs de la transition au détriment de son contenu. Et ils n’ont pas forcément tort.

 

« Le Pays »

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