Tchad : le journaliste emprisonné entame une grève de la faim, son procès renvoyé

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Reporters sans frontières (RSF) est vivement préoccupée par les conditions dans lesquelles s’est ouvert ce lundi le procès en appel d’un directeur de publication tchadien emprisonné depuis près de six mois. Jugé par une chambre spéciale, il ne s’est pas présenté à son audience et a décidé d’entamer une grève de la faim.

Martin Inoua Doulguet a de bonnes raisons d’être inquiet. Le directeur de publication de Salam Info, condamné en septembre 2019 à trois ans de prison ferme pour “diffamation” et “association de malfaiteurs informatiques”, et emprisonné depuis près de six mois dans des conditions exécrables, a décidé d’entamer une grève de la faim pour “protester contre les manipulations diverses” dont son dossier judiciaire fait l’objet depuis le début de la procédure.

Ce lundi 2 mars, son procès en appel s’est ouvert dans des conditions ‘“hallucinantes” d’après l’un de ses avocats, Emmanuel Ravanas, qui avait fait le déplacement depuis Paris. Joint par RSF, il a indiqué que l’audience s’était tenue directement “dans le bureau du procureur général de la République” et qu’il n’avait pas eu l’occasion de faire valoir ses observations concernant la procédure. Initialement enrôlé à la première chambre d’instruction, l’affaire a finalement été renvoyée devant une chambre spéciale, la quatrième, placée directement sous l’autorité du président de la Cour d’appel et dans laquelle intervient le procureur général de la République, sans que ce changement ne soit motivé par un quelconque motif. En l’absence du prévenu, l’affaire a été renvoyée au 12 mars. “Vu la manière dont les choses se sont passées, il est évident que l’on souhaite maintenir notre client en prison, déplore son avocat qui a déclaré envisager d’entamer à son tour une grève de la faim aux côtés du journaliste.

“Alors que ce journaliste croupit déjà depuis des mois dans des conditions de détention abominables et qu’il a été condamné à une peine de prison ferme dans un dossier monté de toutes pièces, tout semble de nouveau réuni pour qu’il ne puisse pas bénéficier d’un procès juste et équitable qui aboutirait nécessairement à sa libération, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Un dossier récupéré par une chambre spéciale, un avocat dûment mandaté non autorisé à s’exprimer, une audience dans le bureau du procureur général de la République, un harcèlement qui pousse le journaliste à mettre sa santé en danger pour se faire entendre, cette situation est extrêmement préoccupante. Nous demandons aux autorités tchadiennes de lui garantir un procès équitable afin qu’il soit libéré dans les plus brefs délais”.

Initialement poursuivi pour diffamation par une ancienne ministre de la santé pour avoir relayé les arguments d’une membre de sa famille qui l’accuse d’agression sexuelle, Martin Inoua Doulguet avait déjà fait l’objet d’un premier procès qui n’avait d’autre but que de le faire condamner à une peine de prison. Le droit de la presse n’autorisant pas les peines privatives de liberté pour les délits de presse au Tchad, les charges avaient été requalifiées en “association de malfaiteurs informatiques” sans qu’aucun élément ne ne soit présenté par le ministère public pour étayer des accusations qui n’avaient même pas été formulées par la plaignante.

Les inquiétudes concernant l’état de santé du journaliste se sont renforcées en décembre lorsque RSF avait révélé qu’il dormait à même le sol dans une cellule de fortune construite par les prisonniers, sans accès à des toilettes propres et avec des droits de visite limités. Aucune mesure n’a été prise depuis lors pour qu’il puisse bénéficier de conditions de détention décentes.

La semaine dernière, RSF a également appris que le compte Facebook du journaliste avait été piraté et que des messages avaient été supprimés.

Le Tchad occupe la 122e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019.

Source : Makaïla Guébla

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