Staline, Hitler, Bokassa… à la table des tyrans

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Staline, Hitler, Bokassa… à la table des tyrans

03 juin 2024 à 09:19 – mise à jour 03 juin 2024 à 09:54

Par Sophie Moens
La Première

« Dis-moi ce que tu manges, je te dirais comment tu tyrannises ! » Le journaliste politique Christian Roudaut s’intéresse depuis quelques années aux assiettes des puissants de ce monde. Des tables de l’Elysée, en passant par Washington, les petites manies alimentaires des décideurs comme une loupe grossissante de ces personnalités tenant le monde. Dans son ouvrage A la table des tyrans, aux éditions Flammarion, il s’est attelé cette fois, au rapport des tyrans à la table : un miroir surprenant du totalitarisme. Extraits choisis de l’émission « Bientôt à Table ! » sur La Première.

Ces dictateurs ont pour point commun, ou presque, d’avoir manqué de nourriture durant une période de leur vie ou l’enfance. « Venus de milieux modestes voire pauvres, Staline, Mao, Bokassa, ou Saddam Hussein, ont vécu des débuts de vies marquées par les gargouillis de faim. »

En réchappe Hitler. Issu de la petite-bourgeoise, il connaît néanmoins plus tard les jours sans pain, expérience qu’il met d’ailleurs en scène dans Mein Kampf. « Il y a toute la métaphore du peuple allemand qui crève de faim et Hitler qui en est la main nourricière », rapporte Christian Roudaut, décrivant même le dictateur du IIIe Reich comme un expert, avant l’heure, de la gastro-manipulation-politique.

Les ventres plein ne font pas la révolution
Sans faire de psychologie de comptoir, l’auteur pense y trouver une genèse aux ambitions futures : « Il est évident que la faim a joué sur leur destin. Leur origine sociale et cette expérience de la plus forte des privations, devenant un réel moteur de leur combat. »

Exemple criant : Saddam Hussein, l’homme fort d’Irak. Une enfance de crève-la-faim, né chez des paysans désargentés. Arrivé au pouvoir, les ordres du parti baasiste sont d’ailleurs très clairs : les frigos de la nation doivent vomir de nourriture ! « Le symbole d’une nation repue, prospère sous l’autorité éclairée de son guide ! » Le leader en est alors convaincu : les ventres pleins ne cherchent pas à faire la révolution. Calmer toutes velléités du peuple en remplissant les panses. Lors des années noires, le régime bassiste fera même disperser de la nourriture dans différents marchés afin que la quête du pain ne devienne un casse-tête. De son côté, Saddam Hussein affiche un chauvinisme alimentaire, faisant même venir par avion les denrées locales lors de ses voyages officiels. Il aime manger, laissant à ces chefs le loisir de lui cuisiner des repas locaux, mais attention aux faux pas : les cuistots sont sous la sellette. Réprimandes, retenues sur salaires… Dans le meilleur des cas. Ne jamais fâcher un dictateur…

La dureté avec laquelle le tyran traite ses semblables n’a d’équivalent que la douceur avec laquelle il cajole son nombril et sa bedaine.

Chérir l’estomac du dictateur pour mieux tyranniser ensuite. « Tous ces tyrans se bâfraient en laissant crever de faim des millions de personnes. Staline, l’ogre, en est un exemple criant. » Staline aime manger, boire, fumer et le dit à qui veut l’entendre « Faire maigre par solidarité au peuple relèverait de sensiblerie, la grande famine de 1932-1933 (au nom de la collectivisation des terres, ndlr) ne lui a d’ailleurs jamais ôté l’appétit… » note le journaliste.

Projet politique, idéologique de Staline : « Du passé faisons table rase » qui ne relève pas de la simple métaphore. « L’estomac des masses populaires est l’affaire du parti ! Il s’agit de réinventer la table où faire circuler la nouvelle fraternité ouvrière. En construisant l’homme soviétique, en sculptant les ventres et les esprits lors des repas en commun sur les sites de productions ! »

Comprenez que le restaurant d’usine collectif doit devenir un lieu d’éducation politique peu importe d’ailleurs que la pitance soit infâme. Bref, tous unis dans un même idéal, attablés autour d’un même repas.

In vodka veritas
À la table de Staline, un mélange de cuisine russe et de plats géorgiens composés de poissons locaux, d’esturgeons, de champagne et de vodka. L’homme aime enivrer ses hôtes, l’hospitalité étant le cadet de ses soucis. Pour faire parler : la torture ou la saoulerie ! Rien de tel pour délier les langues.

Le végétarisme d’Hitler
Le maître du IIIe Reich, n’aimait rien, pouvant se contenter d’une simple bouillie d’avoine. Autre étrangeté, au pays de la saucisse et charcuterie, l’homme affiche des penchants pour le végétarisme. Difficile d’en expliquer la cause : « Les méfaits de la viande sur la santé pour cet hypocondriaque très certainement et sans doute aussi la visite dans des abattoirs en Ukraine qui auront fini de le révulser. »

Dîner de sacre et craintes d’empoisonnement
Jean-Bedel Bokassa et les bouffonneries du président à vie de la République centrafricaine.

Bokassa, n’a jamais été un goinfre, mais rien n’est jamais trop beau pour l’Empereur. 1977, jour de l’auto-sacre, un couronnement calqué sur celui de Napoléon. Des festivités pour 7 milliards de francs CFA, des tables prévues pour 2500 invités, 60.000 bouteilles de vins, de champagne. Tout y est clinquant, démesuré ! Choc du monde sur ce déballage ostentatoire. « Avec ce grand dîner d’apparat, il règle ses comptes avec le passé. Ce dîner trahi le désir refoulé de reconnaissance, révélant les délires mégalomaniaques d’un homme emmuré dans la folie des grandeurs ! »

Jusqu’à la fin de ses jours, Bokassa craindra aussi l’empoisonnement alimentaire. Angoisses largement partagées par ses homologues dictateurs : testeurs, convives « cobaye »… Le trépas au repas attendra pour ces tyrans de l’histoire.

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