Sommet extraordinaire de la Cemac : voici les exigences du FMI

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Les présidents des six pays de l’Afrique centrale se réunissent virtuellement le 18 août, à l’invitation de Paul Biya et sur l’insistance du FMI. Revue des réformes demandées par l’institution en échange de nouveaux programmes de financement.
Il a regagné Yaoundé le 16 août, après un séjour privé en Suisse de plus d’un mois. Et pour cause, Paul Biya convie, deux jours plus tard, ses pairs de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) à un sommet extraordinaire, pour débattre de la situation économique de la zone. Comme en décembre 2016…

À la différence que cette fois, crise sanitaire oblige et les contraintes de calendrier aidant (les fêtes de l’indépendance du Congo et du Gabon ont lieu les 15 et 17 août), la rencontre de Yaoundé se fera en virtuel. Comme il y a six ans, des invités spéciaux y sont conviés, à l’instar de Bruno Lemaire (France), Kristalina Georgieva (FMI), Akinwumi Adesina (BAD), qui délivreront des communications, et Ousmane Diagana (Banque mondiale).

Des engagements politiques pris par les gouvernements

Le sommet extraordinaire de la Cemac sera l’occasion de faire le point et – éventuellement – d’avancer sur un calendrier de réformes requises par le FMI et les partenaires multilatéraux des pays de la Cemac. Le 21 mai, une réunion tripartite virtuelle, présidée par Louis Paul Motaze, ministre des Finances du Cameroun et président du Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale, a rassemblé les représentants des gouvernements, de la Banque centrale et des « partenaires techniques et financiers » (FMI, Banque mondiale, BAD…).
Ils ont notamment évoqué les étapes devant mener au lancement de la deuxième phase du Programme des réformes économiques et financières de la Cemac (PREF-Cemac). Les « engagements politiques » pris durant cette cession de mai ont fait l’objet de discussions au conseil d’administration du FMI le 30 juin dernier.

Approuvé en 2016, ce programme-cadre bénéficie de l’accompagnement du FMI et d’autres bailleurs de fonds. Le FMI a noté que durant la première phase, « la mise en œuvre des recommandations [s’est] avérée parfois difficile », blâmant « le manque d’adhésion, notamment au niveau le plus élevé, à un programme de réformes solide et stratégique ». Aussi en vue de la nouvelle phase – la « deuxième génération » – de ce programme, les équipes du Fonds ont établi une liste serrée de réformes ainsi qu’un calendrier assez détaillé pour leur mise en œuvre.

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Assainir l’utilisation des ressources publiques

Ainsi, pour faire le ménage dans l’utilisation des ressources publiques, le FMI demande aux États de la Cemac d’instaurer des Cours des comptes – la Guinée équatoriale traîne encore les pieds – d’ici à la fin de l’année. Ils devront également renforcer les capacités de ces institutions, qui doivent être également munies de nouveaux instruments de contrôle et être aux standards INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques), d’ici à la fin de 2024.
Plus immédiatement, le Fonds réclame que des Comptes uniques du Trésor (CUT) soient mis en place et fonctionnels dans tous les pays de la Cemac d’ici à la fin 2021/mi-2022. « Une nouvelle plateforme informatique de gestion des CUT sera pleinement opérationnelle d’ici novembre 2021 », s’est engagée la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale)  auprès des équipes du Fonds, tandis qu’un recensement de « l’ensemble des comptes à transférer » vers les comptes uniques doit être conduit, « pour que ces derniers deviennent pleinement opérationnels, probablement d’ici fin 2021 ».

PUBLIER LES ÉTATS FINANCIERS VÉRIFIÉS DE TOUTES LES ENTREPRISES PUBLIQUES D’IMPORTANCE SYSTÉMIQUE

Parallèlement – et « à court terme » – les pays de la Cemac sont pressés de « publier les critères de sélection des projets et les entrepreneurs retenus » pour l’attribution des marchés publics. Ils devront également « publier les états financiers vérifiés de toutes les entreprises publiques d’importance systémique ». Dans un délai d’un an, des « solutions automatisées de dédouanement des marchandises » devront être déployées et ce sur la base d’un « code communautaire de procédures fiscales », accompagné d’un « observatoire régional ». D’ici deux à trois ans, les pays de la zone devront également « renforcer les capacités de surveillance du commerce du pétrole en suivant les flux et en échangeant les données avec les pays importateurs ».

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D’ici à la fin de l’année, la BEAC devra elle supprimer les injections hebdomadaires de liquidités dans le système bancaire, lancées en réponse à la crise du Covid-19, et s’abstenir de prolonger « son programme d’achat de titres de dettes publiques lorsqu’il arrivera à expiration en septembre ». À la fin mai, la Banque dirigée par le Tchadien Abbas Mahamat Tolli avait racheté plus de 188 milliards de F CFA de titres émis par le Cameroun, le Tchad, le Congo et le Gabon.

Rapatriement des devises du secteur extractif

Toujours en ce qui concerne le système financier, le FMI presse les régulateurs de mettre en œuvre l’exigence de rapatriement des devises des entreprises du secteur extractif, quitte à leur permettre de bénéficier de comptes en monnaie étrangères auprès de la BEAC. Un resserrement progressif des exigences prudentielles du secteur bancaire est également requis, tandis qu’une nouvelle vague de recapitalisation des banques en difficultés, voire une consolidation de cette industrie, ne sont pas exclues.

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La rencontre du 18 août vise aussi à faire le point après le double choc (sanitaire et économique) lié la pandémie du covid-19 dont les ravages se font encore ressentir. La croissance communautaire a plongé à -2,6 % du PIB en 2020, contre une hausse de +1,9 % un an plus tôt. Du fait d’un recul des recettes pétrolières de -30 % sur la période, les déficits jumeaux (budgétaire et courant) se sont également détériorés, se fixant respectivement à -2,1% et -5,2 % du PIB régional.
« En dépit des progrès encourageants réalisés dans la mise en oeuvre de la première phase » du PREF-Cemac, les économies de la zone « demeurent fortement vulnérables aux chocs exogènes et subissent particulièrement les effets de la crise de Covid-19 », ont reconnu les ministres réunis le 21 mai.

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Si le Cameroun et la RCA l’ont évitée, la récession a surtout frappé le Congo et la Guinée équatoriale, privés de l’aide d’urgence du FMI, dont les soldes budgétaires se sont respectivement situés à -7,8 % et -4,9 % du PIB. « Cette deuxième crise s’est abattue sur la région avant que les amortisseurs budgétaires et extérieurs n’aient eu le temps de se remettre complètement de la précédente, et il risque de réduire à néant les gains difficilement acquis depuis le premier choc », alerte le Fonds.
La dette publique a bondi de six points en un an, pour se situer à 58,1 % du PIB régional. Le Congo (>100 % du PIB) et le Gabon (73 %), où elle dépasse la norme communautaire de 70 % de la richesse nationale, préoccupent les investisseurs. Du reste, les chefs d’État devront valider un nouveau mécanisme de sanctions pour les gouvernements qui ne respectent pas les règles de surveillance multilatérale. Adopté en janvier par leurs ministres, ce mécanisme concerne, outre la dette publique, le déficit budgétaire doit être positif ou nul, l’inflation en-dessous de 3 % et sans arriérés de paiement.

Réserves de change

Les réserves de change de la zone suscitent également des inquiétudes, dans la mesure où les États y ont puisé pour faire face aux effets de la crise sanitaire. Alors qu’elles correspondaient encore à quatre mois d’importations au premier semestre de l’année écoulée, leur niveau a chuté par la suite, au point où les objectifs de fin 2020 et de juin 2021 (2,8 milliards d’euros) n’ont pas été respectés. Si l’horizon de 3,2 milliards d’euros à la fin de cette année paraît toutefois à portée, c’est parce que la zone s’attend à bénéficier de 1,12 milliard d’euros de financement extérieur.

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Il faut pour ce faire que les pays membres concluent de nouveaux accords, dits de seconde génération, avec le FMI, comme l’ont récemment fait le Cameroun et le Gabon, afin de libérer les appuis budgétaires provenant de différents bailleurs de fonds. Le Congo et le Tchad seront, au cours du sommet, fortement encouragés à suivre leurs pas, tandis que la Centrafrique et la Guinée équatoriale devront remettre leurs programmes ayant dérapé sur les rails.
En proie depuis décembre à une seconde vague de la pandémie et confrontée à des défis sécuritaires en RCA, au Cameroun et au Tchad, la Cemac est loin d’être sortie de l’ornière. Seule lueur dans ce sombre tableau, l’institution de Bretton Woods et la commission de la Cemac prédisent un retour de la croissance cette année, même si pour cette dernière, le Congo et la RCA n’échapperont pas à une récession. Simple prédiction par temps d’incertitudes…

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Jeune Afrique

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