Smaïl Chergui, la voix des mercenaires du Groupe Wagner, continue sa campagne de déstabilisation de la RCA sur RFI

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Régime de transition en Centrafrique: «Cette approche-là n’est pas acceptable»

Smaïl Chergui, commissaire Paix et sécurité de l’Union africaine (UA), le 13 avril 2018. Samuel HABTAB / AFP

En Centrafrique, l’opposition demande que le président Touadéra cède la place à un régime de transition d’ici 2020. Réaction ferme du commissaire paix et sécurité de l’Union africaine, Smaïl Chergui.

RFI : Vous rentrez de Bangui, mais, malgré l’accord de paix du mois de février, les violences continuent, est-ce que c’est inquiétant ?

Smaïl Chergui : Je pense que, selon l’évaluation que nous avons faite depuis la signature de l’accord de février dernier, les violations et les violences ont plutôt baissé. C’est vrai que nous avons quelques points chauds, comme ceux qui sont intervenus dans la région du mouvement des 3R [près de Paoua], ou dernièrement à Birao, mais les statistiques sont vraiment encourageantes, nous avons beaucoup de vies humaines qui ont été préservées ces derniers mois et, certes on aurait aimé qu’il n’y ait pas de violences du tout, mais en tous les cas, depuis la signature de l’accord, nous avons constaté qu’il y avait moins de violence. Nous avons aussi constaté qu’il y a des avancées, qui ne sont peut-être pas du niveau que nous aurions souhaité, mais à ce stade il y a déjà tous les Comités de mises en œuvre préfectoraux, au moins quinze d’entre eux sont sur place, quatorze Comités techniques de sécurité sont également fonctionnels et nous avons surtout noté qu’il y a un déploiement des forces de défenses et de sécurité dans plusieurs parties du territoire. Le fait que tous les préfets maintenant sont déployés et le fait que 66 sous-préfets sur 71 ont été déployés… Ce retour de l’administration publique est un signal qui ne trompe pas, y compris à Birao dans quelques jours, où il y aura un déploiement de la gendarmerie, de la police et de l’armée. Cela veut dire que les services de l’État ont commencé réellement à reprendre les choses en main, ce sont des avancées qu’il faut prendre en compte. Donc durant cette visite, nous avons non seulement fait ces constats, mais nous avons aussi fait le constat de ce qui aurait pu être fait, qu’il s’agisse des mouvements qui continuent encore à entretenir certains barrages illégaux ou des attaques sur les gens, qu’il s’agisse de non-adhésion totale au processus de DDR. Mais peut être le retard le plus urgent à combler, c’est celui du déploiement des unités spéciales mixtes de sécurité, les USMS, qui constituent réellement un élément essentiel de l’accord dans la mesure où il va promouvoir une certaine intégration, amener les éléments du mouvement à travailler avec les FACA. Le lancement de ces USMS nous donnera l’occasion d’avoir des observateurs sur place, un outil légal d’action en faveur de la protection des institutions de l’État et de la promotion de la paix dans ces régions-là.

Alors les USMS, ce sont les unités spéciales mixtes de sécurité, c’est-à-dire en fait des patrouilles mixtes, moitié forces armées, moitié anciens rebelles, mais pour l’instant ça ne marche pas…

En fait, le président de la République doit conduire à l’ouest du pays le lancement de la première USMS, donc c’est vraiment le lien qui va montrer que tous les fils de ce pays peuvent s’intégrer, travailler ensemble et promouvoir la sécurité de leur pays.

Autre problème, les pays voisins. À Birao dans le nord-est de la Centrafrique, les rebelles s’entredéchirent et ils se ravitaillent au Soudan voisin, notamment à Nyala au sud du Darfour…

C’est absolument important que cette situation évidemment soit traitée avec les pays voisins et dès le début, si vous vous rappelez, notre démarche était aussi d’inclure dans l’effort tous les pays voisins, et ils y ont répondu. La preuve, nous avons jusqu’ici déjà tenu la Commission mixte avec le Cameroun, avec le Congo-Brazzaville et très bientôt en novembre avec le Tchad. Donc effectivement ces frontières, c’est une donnée réelle et sur laquelle évidemment nous appelons les pays à travailler. Et de fait cette question, nous l’évoquons ici au moment où nous sommes actuellement au Soudan. Je crois qu’il y a une très bonne volonté de part et d’autre, donc je vous rejoins pour dire qu’il faut absolument que tous ces mouvements ou toutes ces infiltrations, si elles sont confirmées, tous ces trafics d’armes qui pourrait aussi exister ne sont pas de nature à travailler, ni pour la sécurité de la Centrafrique, ni pour celle des pays voisins.

Et c’est une donnée dont vous parlez avec les nouvelles autorités soudanaises, avec le conseil souverain de Khartoum ?

Je crois que nous avons déjà approché les plus hautes autorités du pays et je crois que c’est une des questions, y compris la tenue prochaine de la Commission mixte entre le Soudan et la République centrafricaine, donc nous avons déjà l’accord de principe.

La présidentielle en République centrafricaine, c’est à la fin de l’année prochaine, mais dans l’opposition, beaucoup disent qu’il sera impossible de faire campagne à l’intérieur du pays et qu’il vaut mieux mettre en place un régime de transition d’ici 2020…

Je crois que les Nations unies, l’UE et l’Union africaine, nous nous sommes exprimés à l’unisson sur cette question, considérant que cette approche-là n’est pas acceptable. C’est un glissement dont on ne sait pas où il mènera encore le pays. Je pense qu’il y a eu un processus électoral crédible qui a amené le président Touadéra actuellement, donc l’opposition est dans son rôle de critiquer le gouvernement, mais de là à nous ramener encore en arrière, une nouvelle transition, je pense que les trois organisations auront catégoriquement rejeté cette approche, tout comme on a rejeté à l’unisson le report des élections.

Il n’empêche, beaucoup d’opposants centrafricains reprochent au président Touadéra d’avoir conclu un pacte avec les groupes armés afin de pouvoir faire campagne l’année prochaine dans les territoires que contrôlent ces groupes armés, alors que les autres candidats resteront bloqués à Bangui.

Moi, il me semble que le moment venu, avec la MINUSCA, quand le processus électoral sera avancé, je crois que nous nous emploierons à mettre un processus qui permettra à tous les candidats d’avoir un libre accès, un égal accès aux électrices et électeurs centrafricains.

Pour la paix en Libye, l’ONU veut organiser d’ici quelques semaines une conférence entre tous les pays qui soutiennent militairement les belligérants, c’est-à-dire notamment la Turquie, l’Égypte, les pays du Golfe. Est-ce que vous soutenez cette initiative ?

Je ne sais pas si vraiment on a besoin de tenir une conférence avec tous ces pays qui interfèrent ouvertement dans les affaires libyennes. Est-ce qu’il n’aurait pas fallu exiger que l’embargo décrété par le Conseil de sécurité soit immédiatement mis en œuvre et qu’il soit assorti de mesures adéquates pour ceux qui n’y répondraient pas ?

À l’Assemblée générale des Nations unies, il y a deux semaines, vous avez demandé au Conseil de sécurité de remplacer l’actuel monsieur Libye de l’ONU par un monsieur Libye commun à l’ONU et à l’Union africaine, pourquoi cette proposition ?

Je crois que, depuis huit ans, les Nations unies gèrent ce dossier et malheureusement on n’arrive pas à avancer. Bien plus, la situation se complique. Donc c’est de bonne foi que nous avons dit : « associons-nous aux Nations unies, qui certes a fait un travail, mais on voit qu’il n’aboutit pas, et qu’on puisse avoir une personnalité conjointe qui soit de très grande dimension, de très grande probité, cela nous permettra ensemble d’agir mieux, peut-être d’élever la voix quand il le faut ensemble et surtout d’arrêter ce schisme qui est en train de s’élargir entre les Libyens, et vraiment d’arrêter l’arrivée massive des armes très meurtrières, très avancées, et son impact qui est terrible. »

Voulez-vous dire que l’actuel monsieur Libye de l’ONU Ghassan Salamé a beaucoup travaillé, mais n’a pas réussi et qu’il faut peut-être qu’il passe la main ?

Je crois qu’il a certainement travaillé, mais la situation est complexe, elle est difficile, c’est pour cela que nous voulons joindre nos efforts à ceux des Nations unies. Si par exemple elles veulent le nommer lui comme représentant conjoint, peut-être qu’on va examiner la question et peut être arriver à un accord, c’est vous dire que ce n’est pas tellement sa personnalité elle-même, mais nous voulons réellement être partie prenante pour la recherche de la solution à laquelle je pense que nous pourrons apporter certaines sensibilités en tant qu’Africains.

Pour vous, le bon profil, c’est quelqu’un de consensuel qui soit à la fois le représentant de l’ONU et de l’Union africaine ?

Absolument et nous avons en tête une très grande personnalité qui est connue. Déjà en 2011, il était sur le dossier. Donc, si d’aventure cette idée est acceptée par le Conseil de sécurité, je pense que nous serons très heureux de matérialiser, de concrétiser cette possibilité, et de nous mettre au travail ensemble.

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RFI

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