Rwanda: le chanteur Kizito Mihigo assassiné en prison?

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Rwanda: le chanteur Kizito Mihigo assassiné en prison?

Par Marie-France Cros.

La version officielle du « suicide » du chanteur rwandais Kizito Muhigo convainc de moins en moins de Rwandais. Surtout après la diffusion, sur les réseaux sociaux, de la photo d’un homme lui ressemblant beaucoup, étendu au sol, perdant son sang, les mains ligotées derrière le dos.

Le décès du chanteur, âgé de 38 ans et populaire au Rwanda, a été annoncé lundi par la police rwandaise comme un « suicide » dans sa cellule de la prison de Remera. Une version contredite par la diffusion sur les réseaux sociaux d’une photo d’un homme lui ressemblant beaucoup, baignant dans son sang sur un sol en mauvais ciment et les bras ligotés derrière le dos.

Un chanteur populaire

Tutsi âgé de 12 ans lors du génocide des Tutsis de 1994 (un million de morts), Kizito Mihigo avait réussi à fuir au Burundi, où il avait tenté de s’engager dans le Front patriotique rwandais (FPR, alors rébellion; aujourd’hui au pouvoir), qui l’avait refusé. Il était rentré au pays en juillet 1994, lors de la victoire du FPR sur les génocidaires, où il avait repris sa scolarité avant d’entrer au séminaire. Il s’était lancé dans le chant religieux, très populaire en Afrique centrale, et s’était produit en Europe, notamment en Belgique, où il a vécu quelques années.

Rentré au pays en 2011, il était vu comme un chanteur « pro-régime » et prônait la réconciliation entre Tutsis et Hutus. En 2014, après avoir sorti une chanson qui mettait sur le même pied le génocide des Tutsis et les actes de vengeance commis contre des Hutus, il n’avait pas assisté à la commémoration du 20ème anniversaire du génocide bien qu’il fut un habitué des cérémonies officielles.

Complot contre le gouvernement

Peu après, il avait été arrêté sur accusation vouloir renverser le gouvernement et tuer le président Paul Kagamé, et d’avoir des liens avec l’alliance entre le RNC (Rwanda National Congress, des dissidents tutsis armés du FPR) et les FDLR (mouvement armé extrémiste hutu issu des génocidaires) réfugié au Kivu (Congo).  Il avait plaidé coupable et demandé l’indulgence du tribunal. Human Rights Watch et la FIDH (Fédération des ligues de défense des droits de l’homme) avaient jugé le procès politiquement motivé. Condamné à 10 ans de prison en 2015, il avait bénéficié en 2018 d’une grâce présidentielle l’obligeant à se présenter une fois par mois au parquet et à demander une autorisation au ministère de la Justice s’il voulait quitter le pays.

La semaine dernière, il a été réarrêté alors qu’il tentait de passer clandestinement la frontière avec le Burundi pour y rejoindre des groupes armés anti-Kigali, selon les autorités rwandaises. Reconnu par des paysans, il aurait tenté d’acheter leur silence mais avait été livré à la police. Selon ses proches, il voulait quitter le Rwanda mais ne planifiait pas de rejoindre la lutte armée.

Human Rights Watch a demandé une enquête sur les circonstances de sa mort envisageant qu’il ait pu subir de mauvais traitements ou être tué en détention.

Source : https://afrique.lalibre.be/

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