REELECTION DE ALASSANE DRAMANE OUATTARA : une victoire au goût amer

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REELECTION DE ALASSANE DRAMANE OUATTARA

Une victoire au goût amer

94,27% des suffrages exprimés ! C’est avec ce score stalinien qui ne laisse que la portion congrue à ses concurrents dont le suffrage obtenu oscille entre 0,99% et 1,99%, que le président sortant qui était candidat à sa propre succession, Alassane Dramane Ouattara (ADO), remporte l’élection du 31 octobre dernier. Selon toujours les chiffres officiels proclamés par le président de la Commission électorale indépendante (CEI), Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, le taux de participation s’élève à 53,90%, pourcentage qui confère une légitimité certaine au vainqueur de la compétition malgré le chapelet d’incidents qui ont émaillé le scrutin.  Et voilà qui ne devrait pas manquer d’occasionner de véritables scènes de joie dans le camp du pouvoir qui devait tenir le scrutin malgré les menaces.  Cette victoire d’ADO n’a cependant rien de surprenant. L’homme avait plus d’une longueur d’avance sur ses concurrents qui ont appelé au boycott du scrutin. En effet, non seulement il bénéficiait de la prime au   sortant, mais aussi nul ne conteste véritablement l’embellie économique qui a résulté de ses deux premiers mandats. Mais comme le dit la sagesse populaire, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ».

 

Il faut craindre que le Sphinx de Daoukro ne devienne le Jean Ping ivoirien

 

En effet, cette victoire du candidat du Rassemblement des Houphouétistes pour la   la démocratie et la paix (RHDP) laisse un arrière-goût amer.  Non seulement l’élection et les jours qui l’ont précédée, ont été endeuillés de nombreux morts, mais aussi le pays en sort profondément divisé. En effet, l’opposition politique qui a tenté par tous les moyens de faire barrage au scrutin, déclare qu’elle n’en reconnait pas les résultats et pire, annonce l’ouverture d’une transition politique qui devrait aboutir à de nouvelles élections. Cette situation n’est pas sans rappeler la partition qu’avait connue la Côte d’Ivoire pendant la période trouble de la guerre civile. Dans ce pays où les stigmates des crises électorales et de la guerre civile tardent à se refermer, on peut nourrir de sérieuses inquiétudes pour la paix et la cohésion sociale. Cela dit, l’on peut se demander si l’affolement du thermomètre politique voulu par l’opposition, n’est pas juste une montée des enchères pour contraindre le pouvoir à ouvrir un dialogue   dans le but de trouver un modus vivendi pour apaiser les tensions politiques dans le pays.  De fait, de quels moyens disposent réellement Henri Konan Bédié (HKB) et ses compagnons de lutte pour appliquer la feuille de route qu’ils se sont donnée face à un Alassane Dramane Ouattara qui se voit conforté par la nouvelle légitimité que lui confèrent les résultats de l’élection et le satisfecit global délivré par les observateurs de la CEDEAO. Sans être dans le secret des dieux, cette voie prise par les opposants, paraît pour le moins risquée. Et pour cause. D’abord, l’expérience des gouvernements parallèles en Afrique, a toujours tourné court. L’exemple de Jean Ping au Gabon est là pour le rappeler et il faut donc craindre que le Sphinx de Daoukro ne devienne le Jean Ping ivoirien. Ensuite, l’option de l’opposition a peu de chances de prospérer parce qu’elle n’a aucune légitimité et ne peut se référer à aucune base légale et cela, dans un contexte international où les prises de position en faveur d’un camp ou de l’autre, sont dictées plus par les intérêts économiques que la promotion véritable de la démocratie.

 

Le ton doit être à l’apaisement et au dialogue

 

Et enfin, l’on peut se demander comment un gouvernement, fût-il de transition, peut fonctionner sans l’appareil d’Etat. En tout état de cause, quand bien même la tentation est grande, l’ancien-nouveau président ne doit pas céder à la provocation en faisant recours à la force pour s’imposer à cette opposition dont les principaux leaders sont des «has been » qui cherchent des prétextes pour expliquer leur plus que probable malheureuse sortie de la scène politique ivoirienne qu’ils ont longuement prise en otage.  Car, non seulement ADO enlaidirait sa réputation déjà écornée par cette élection qui est perçue par de nombreux observateurs, comme un passage en force. Mais aussi,  il se détournerait de ses priorités qui sont de conforter l’essor économique amorcé par le pays et de corriger les ratés de la réconciliation nationale. Le ton doit donc être à l’apaisement et au dialogue pour réparer les ressorts cassés du « gentleman agreement » qui avait permis la sortie de crise au pays.  Mais encore faut-il que l’opposition accepte, dans cette dynamique, la main tendue du pouvoir.  Cela dit, pour parvenir à cette paix des braves, la communauté internationale a un rôle important à jouer. Mais pour réussir, elle-même   doit  vaincre les démons de la contradiction qui la hantent. En effet, alors que les observateurs de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) donnent un satisfecit global au scrutin, certaines structures comme la mission électorale de l’EISA et du Centre Carter pointent du doigt les nombreux incidents qui ont émaillé le cours du processus électoral. Ces deux structures concluent en qualifiant le scrutin « de non inclusif,  qui laisse un pays fracturé ». Est-il nécessaire de rappeler que ce jugement sans appel, peut pousser à la radicalisation des positions ?

 

« Le Pays »

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