RDC : le M23 avance, le gouvernement piétine

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RDC : le M23 avance, le gouvernement piétine

ll y a tout juste 10 ans, à quelques semaines près, les rebelles du M23 s’emparaient de la ville de Goma. Le 20 novembre 2012, la rébellion faisait son entrée dans la capitale provinciale du Nord-Kivu, sans rencontrer de réelles résistances. L’occupation de Goma n’avait duré que quelques jours avant que les rebelles ne se replient sous la pression internationale et soient défaits un an plus tard, en novembre 2013. Aujourd’hui, l’histoire semble se répéter. Depuis fin 2021, le M23 a repris les armes pour demander au gouvernement congolais de respecter les accords de réintégration de ses combattants.

Mois après mois, semaines après semaines, les rebelles se sont emparés de nombreuses localités du Nord-Kivu, jusqu’à prendre le contrôle de la ville frontière de Bunagana, en juin dernier. Après plusieurs trêves plus ou moins respectées, les rebelles ont considérablement avancé leurs pions ces derniers jours, en s’emparant ce samedi des localités de Rutshuru-centre et Kiwanja, deux villes stratégiques situées sur la route nationale 2, un axe stratégique vers la ville de Goma.

Le M23 à 30 kilomètres de Goma

Dans la capitale du Nord-Kivu, les nouvelles en provenance du front, suscitent l’inquiétude de la population et rappellent les mauvais souvenirs de 2012. Certains habitants, peu nombreux, ont décidé de quitter la ville et des manifestations spontanées demandaient ce dimanche « le respect de l’intégrité du territoire congolais ». Des drapeaux rwandais ont été brûlés pour dénoncer le soutien du pays voisin à la rébellion. A Goma, on redoute de voir débarquer une nouvelle fois le M23. Les villes de Rutshuru et de Kiwanja, passées sous contrôle rebelle, se trouvent à 70 kilomètres de Goma, et des éléments du M23 ont déjà été repérés ce week-end à Rugari, située à seulement 30 kilomètres de Goma.

A Kanyaruchinya, à la périphérie de Goma, l’organisation des Nations unies pour les réfugiés indiquait qu’au moins 1.500 personnes étaient arrivées de Rutshuru depuis le 21 octobre. Toujours selon l’agence onusiene, les violences entre l’armée congolaise et les M23 ont déjà causé le déplacement d’au moins 186.000 personnes. Les ONG internationales présentes sur place se disent très préoccupées par les besoins humanitaires exacerbés par les nouveaux affrontements dans le Rutshuru.

Kinshasa tâtonne

Les nouvelles défaites de l’armée congolaise et les avancées du M23 mettent les autorités congolaises dans une situation de plus en plus délicate. Le président Félix Tshisekedi a tenu ce samedi un Conseil supérieur de défense pour tenter d’apporter des solutions à la dégradation de la situation sécuritaire au Nord-Kivu. Le chef de l’Etat a tout d’abord décidé d’expulser l’ambassadeur rwandais à Kinshasa, Vincent Karega. Une mesure qui répond surtout à la forte pression populaire, mais qui reste avant tout symbolique. Le gouvernement va également « restreindre l’accès du territoire congolais au Rwanda », envoyer une mission humanitaire pour venir en aide aux populations déplacées et « accroître la force de frappe » de l’armée. Des mesures qui risquent d’être sans effet immédiat sur le front, face à l’avancée des rebelles vers Goma.

Une triple impasse

Le président Tshisekedi se trouve actuellement dans une triple impasse : militaire, diplomatique et politique. Militaire avec une armée mal équipée et mal commandée, qui n’arrive pas à faire la différence sur le terrain. Les troupes, si valeureuses soient-elles se plaignent du manque d’équipements, de munitions et de nourritures. Elles accusent également leur hiérarchie d’incompétences et de cruels problèmes de coordinations. Le 26 octobre, les forces spéciales, qui n’étaient qu’à 3 kilomètres de Bunagana, ont dû se replier, victimes de « tirs amis » de leur propre unité d’artillerie. « Le professionnalisme de l’encadrement fait défaut » nous indique une source militaire.

Félix Tshisekedi se trouve également dans une impasse diplomatique puisque, pour l’instant, rien n’est sorti des processus de paix de Nairobi et de Luanda. Notamment la fameuse force régionale promise par la communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), qui se fait toujours attendre. Le Kenya semble, en effet, beaucoup enclin à y apporter une forte contribution. « Qui va payer ? » a récemment demandé Luanda. Enfin, l’impasse politique a été créée par les autorités congolaises elles-mêmes en qualifiant le M23 de « groupe terroriste », s’interdisant ainsi toute future négociation sans risquer de se décrédibiliser auprès de son opinion publique. Félix Tshisekedi n’a donc, pour l’instant, qu’une seule carte en main, l’option militaire, avec sa propre armée comme soutien. Une carte bien faible au vu de l’avancée des rebelles du M23 de ces dernières heures.

Christophe Rigaud – Afrikarabia

Christophe RIGAUD

A propos de

Journaliste, directeur du site Afrikarabia consacré à l’actualité en République démocratique du Congo (RDC) et en Afrique centrale.

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