RCA : Le régime de Bangui et la tentation du troisième mandat

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Ce qui ressemblait hier à un discours de crieurs publics, est désormais plus qu’une évidence. Le (non) dialogue républicain de Bangui a savamment alimenté les velléités de la sibylline démarche d’un passage au troisième mandat, voire une présidence à vie. Mais, jusqu’où ce régime ira-t-il dans sa logique ?

« Les meilleurs savent passer le relais », avait déjà si éloquemment déclaré le célèbre éditorialiste Jean-Baptiste Placca. Et encore, aucune Nation n’a jamais été bâtie par un seul homme.

Quand vous demandez à GOUANDJIKA les raisons de cette course effrénée vers la modification de la Constitution, il vous dira qu’il milite simplement pour la révision de certains articles de la Constitution, hormis celui qui fixe le mandat présidentiel à deux. Et quand même, il ajoute que cela permet de remettre tous les compteurs à zéro, c’est-à-dire d’ouvrir ainsi la possibilité d’une nouvelle candidature du Président Touadéra, a-t-on lu quelque part sur Facebook.

Quand vous demandez encore à Héritier Doneng, ce DIRCAB au passé peu glorieux, il vous dira que lui, milite pour la révision de l’article 154 de la Constitution, qui selon lui, contiendrait des dispositions du régime de transition, et la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif (cf article 2 du Code civil).

Un combat avec deux motivations diamétralement opposées. C’est ça qu’on appelle cohérence. Finalement, les deux réformistes se prennent pour l’ensemble du Peuple centrafricain, et toute la République devrait fonctionner selon leurs calculs politiques mesquins.

Évidemment que les dieux rendent fous puis aveugles les dirigeants politiques qu’ils veulent perdre. C’est à se demander si ceux qui nous gouvernent ne sont pas dans les deux cas, avec cette suicidaire tentative de modification de la mère des lois, la Bible de la République.

Pourtant, le Chef de l’État Centrafricain n’a encore rien dit dans tout ça ?

C’est sûrement mal connaitre le Tsar de Bangui, qui, à ses habitudes, a toujours appliqué la théorie machiavélique de « simulation-dissimulation ». Vous l’aviez bien vu, le jour du lancement du dialogue dit républicain, dire, qu’aucun sujet ne doit être tabou. A la suite, ses affidés ont repris cette « rhétorique » pour l’envoyer plein-la-figure aux militants de la société civile que même le débat sur la modification de la Constitution ne doit être tabou. Touadéra lâche juste les ogres du pouvoir afin de faire le test d’opinions, demain, lui-même, convoquera un référendum constitutionnel pour la cause. La suite des événements nous le dira…

Est-ce justement pour ça que le Présidium du dialogue a dit renvoyer le débat sur la Constitution à la compétence de la Présidence de la République (première institution du pays) et l’Assemblée nationale (haute représentation du Peuple) ?

Le fait que le Présidium renvoie le débat à la compétence de ces deux institutions, ne résout pas le problème. Vous savez très bien qu’en Centrafrique, le pouvoir est dirigé, depuis un certain temps, par un club de vieux amis. Nul ne rappellera à l’autre ses responsabilités, pour que, comme dans toute démocratie, le pouvoir arrête le pouvoir. Et d’ailleurs, pour avoir prouvé à suffisance, leur aptitude à s’aplatir devant Touadéra, plus personne ne fait désormais confiance à ceux qui dirigent les institutions publiques en Centrafrique.

Or, toute société politique est évolutive, et l’actuelle Constitution présenterait certaines insuffisances qu’il faut corriger…

Si on change la Constitution, ce doit être pour l’améliorer dans l’intérêt général du Peuple. Avec le régime de Bangui, il existe trop de subtilités et de vices, que toute l’opinion s’accorde à dire que ces stratagèmes viseraient à prolonger le bail de l’homme du 30 Mars, au grand mépris des défis qui s’imposent à la vie de la Nation.

Et donc, doit-on s’attendre au pire si l’actuel régime va au bout de ses idées ?

Il s’y rendra. Mais, à l’opposé de la Guinée Conakry ou de la Côte d’Ivoire où il a été aussi question de troisième mandat, marqué par des violences inouïes, pour l’un, et soldé par un coup d’État pour l’autre, le chaos politico-sécuritaire surgira immanquablement en Centrafrique, au lendemain de la décision d’aller de façon officielle vers le troisième mandat. Les conséquences vont être violentes et dramatiques.

Que faire alors ?

Le Président de la République doit se résigner à écouter les chants de sirène de ses ouailles qui n’hésiteront pas à le laisser, seul, face à son destin, lorsque surviendront les conséquences d’une telle initiative contre-nature. Quand on nous exhibait Alpha Condé lors de sa chute, c’était bien à l’absence de ses Conseillers. Lui, seul, capturé tel un « requin » (coïncidence ?) par les nouveaux maîtres des lieux. Le Président de République devra donc le faire, comme on l’a suggéré dans notre première lettre ouverte. C’est-à-dire, convoquer une grande concertation nationale, réellement inclusive, débattre avec toutes les forces vives de la Nation, même les plus extrémistes, de l’opportunité de modifier certaines dispositions de la Constitution. Si cela rencontre l’agrément de la majorité, alors on appréciera. Mais jusque-là, ces crocs à dents n’ont absolument rien à voir avec le sort du Peuple pour qui on se bat, car vivant à majorité dans l’extrême pauvreté.
Dommage !!!

Par Ben Wilson NGASSAN (Écrivain-journaliste)

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