RCA : « LE 17 JANVIER 2024, LA COUR CRIMINELLE A IRRÉGULIÈREMENT FAIT SIÉGER DES JUGES QUI ONT TENU UN PROCÈS EN BARBARIE CONTRE ABDOU KARIM MECKASSOUA »

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RCA | ‘‘LE 17 JANVIER 2024, LA COUR CRIMINELLE A IRRÉGULIÈREMENT FAIT SIÉGER DES JUGES QUI ONT TENU UN PROCÈS EN BARBARIE CONTRE ABDOU KARIM MECKASSOUA ’’

BANGUI (RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE), 08 FÉVRIER 2024. En Centrafrique, il incarne les espoirs de millions de gens qui ont perdu la foi en la justice. Le célèbre avocat, défenseur des droits de l’homme, par ailleurs homme d’État, Maître Nicolas Tiangaye, est l’invité de @RcaAxiome. Il aborde les affaires politico-judiciaires rocambolesques de l’heure – Dominique Yandocka et Karim Meckassoua – qui souillent la réputation de la République.

@RcaAxiome : Il n’est pas nécessaire de vous présenter puisque votre parcours est connu de tous : Avocat à la Cour, ancien bâtonnier, défenseur des droits de l’homme, homme politique… comment se portent vos affaires ?

Maître Nicolas Tiangaye : Mon cabinet, de même que ceux des autres confrères, de manière générale, est fortement tributaire du marasme économique dans lequel est plongé la République centrafricaine depuis plusieurs années déjà. Toutefois, individuellement et collectivement, nous mettons tout en œuvre, les uns et les autres, pour maintenir à flots nos activités et continuons à défendre les intérêts de ceux qui recourent à nos assistances juridiques et judiciaires, car tel est le sens de notre mission dans la société.

Avec votre casquette d’homme politique, vous avez été de tous les combats pour la défense de la Constitution du 30 mars 2016 et la promotion de l’État de droit. Fin 2023, le Bloc Républicain pour la défense de la Constitution (Brdc) dont vous êtes membre, a présenté un bilan sombre de la gouvernance de Faustin Archange Touadera. Que lui reprochez-vous concrètement et quelle est la part de responsabilité de l’opposition dans cette situation ?

Vous comprenez bien que pour dire quelle est la part des uns et des autres dans une action, il faudrait au préalable que les uns et les autres soient dans l’action, participent à l’action et agissent conformément au cadre légal qui définit préalablement la place, le rôle, les droits et obligations des uns et des autres. Refaites vous-même la lecture de l’article 31 de la constitution du 30 mars 2016 et vous y trouverez les pistes de réponse à votre question. Vous pourrez ainsi identifier le vrai responsable, la personnalité publique qui n’a jamais donné une chance à la promotion de la culture démocratique dans ce pays. Le Président Touadera, sans aucune hésitation, est bel et bien celui qui n’a jamais permis à ce que les partis politiques concourent réellement à l’animation de la vie politique dans ce pays.

Qui, au regard de la loi et des principes de la République avait et a le devoir de créer et d’entretenir la manifestation de l’expression plurielle des opinions dans les prises de décisions pour faire vivre la démocratie, en République centrafricaine ?

Nous sommes en Centrafrique, dans le cadre d’un régime semi présidentiel. Alors, qui dans le cadre de ce régime a la charge d’entretenir les conditions de la vie démocratique et de favoriser sa propagation, si ce n’est celui qui exerce la fonction de président de la République, chef du pouvoir exécutif ? Il est au moins une chose certaine, malgré la liquidation des acquis démocratiques par le président Touadera et son parti le MCU, les partis politiques de l’opposition démocratique ne baisseront jamais les bras et se battront avec détermination pour la restauration de la Constitution du 30 mars 2016, la sauvegarde des libertés publiques et le respect des droits humains. C’est ce à quoi nous appelons la Nation.

Pensez-vous que la détermination de l’opposition démocratique à restaurer la Constitution du 30 mars 2016 est à l’origine de la vague de répression qui vise tous ceux qui émettent un avis contraire à la ligne défendue par le pouvoir ?

Vous l’aurez compris. En régime de terreur, le tyran n’a d’assurance que lorsqu’il est craint, par l’effet de la terreur qu’il répand ou plutôt croit répandre. L’histoire de l’humanité en général, et celle de Centrafrique en particulier, nous enseignent que certains procédés de police politique n’ont jamais freiné, le moment venu, la détermination des populations de persévérer dans leur lutte contre le despotisme et la dictature.

Justement, sur la question des libertés individuelles et de la justice, le député Dominique Éphrem Yandocka a été arrêté le 15 décembre dernier par un commando, au mépris de l’immunité que lui confère son statut de parlementaire. Il est accusé par le Parquet de Bangui d’avoir mobilisé des ressources en vue de renverser le régime en place. Ces accusations sont-elles fondées ?

Le député Yandocka est un prisonnier politique. Il faut savoir que monsieur Yandocka a été arrêté arbitrairement au mépris de la protection que lui confère son immunité parlementaire. La procédure de flagrance a été abandonnée par le Procureur de la République qui, dans ses balbutiements, a requis l’ouverture d’une information judiciaire. La Défense de Yandocka exige comme préalable à son interrogatoire par le juge d’instruction, la levée de son immunité parlementaire. À cet égard, une demande de mise en liberté d’office a été introduite le 9 janvier 2024 auprès du Doyen des juges d’instruction.

Dans la requête adressée au doyen des juges le 9 janvier 2024, vous avez demandé la mise en liberté d’office du député au motif que son dossier est vide. Cependant, le parquet affirme disposer des preuves contre Yandocka…

De quelles preuves s’agit-il ? Si le procureur avait réellement des preuves matérielles ou testimoniales, monsieur Yandocka aurait déjà été jugé, de manière expéditive, dans le cadre d’une audience de flagrant délit. C’est bien justement parce que le procureur de la république ne dispose d’aucune preuve, qu’il a été contraint d’abandonner sa procédure initiale de flagrance, pour saisir un juge d’instruction afin de mener des investigations.

Peut-on faire confiance à la justice centrafricaine dans le cadre de ce dossier ?

Le dossier de monsieur Yandocka étant désormais dans le cabinet du juge d’instruction, il faut rappeler qu’il s’agit d’un magistrat du siège, supposé être indépendant, à charge pour lui de libérer immédiatement le député Yandocka, dans l’attente des suites éventuelles d’une demande de levée de son immunité parlementaire.

Que vous dit Dominique Yandocka lui-même pour se défendre des accusations portées contre lui ?

Je suis lié par le secret professionnel et ne peux mettre sur la place publique mes entretiens avec mon client. La seule chose que je puis vous dire c’est que mon client est victime d’une cabale politique.

Donc, pour vous, quelqu’un tire les ficelles dans l’ombre…

Je vous répète et vous affirme, D o m i n i q u e Yandocka est un prisonnier politique. On est entrain de lui préparer un procès en sorcellerie.

Une autre affaire judiciaire qui défraie la chronique est l’affaire Abdou Karim Meckassoua. Le 17 janvier 2024, l’ancien président de l’Assemblée nationale a été condamné par contumace à des travaux forcés à perpétuité et la confiscation de ses biens. Est-ce que cette sentence est excessive ?

Il faut savoir que c’est depuis 2018 que Karim Meckassoua est victime d’une cabale politico-judiciaire. D’abord déchu de son perchoir de président de l’Assemblée nationale, en violation du règlement intérieur de cette institution, il sera attrait devant la Cour des comptes avec moult propagandes en détournement de deniers publics. La Cour des comptes va l’absoudre et le blanchir de l’infamie qu’ils ont construite de toute pièce contre lui. En 2021, sur la base d’un avis de poursuite judiciaire non prévu par le code de procédure pénale et qui s’est avéré être un faux en écriture public, ce qui est un crime prévu et puni par l’article 351 du Code pénal, commis par le juge d’instruction Narcisse Ted Issa Bendengba, la Cour constitutionnelle, sous la férule de son président Jean Pierre Waboue, aux ordres du pouvoir en place, a rendu une décision inique de déchéance de monsieur Meckassoua, et ce, contre sa propre jurisprudence antérieure solidement établie. L’arrêt de la Cour criminelle du 17 janvier 2024 prononçant la condamnation par contumace d’Abdou Karim Meckassoua n’a pas la valeur d’une décision de justice.

À cette date, l’Affaire Meckassoua c/Ministère public n’était pas en état d’être jugée. En effet, prévoyant le passage en force qui se tramait dans les arcanes du pouvoir, j’avais rendu public l’état de la procédure pour prendre à témoin chaque centrafricain et chaque c e n t r a f r i c a i n e sur la violation grossière du droit qui se préparait au niveau politique. Voilà pourquoi le 16 janvier 2024, j’ai publié un communiqué de presse pour dire que l’affaire Meckassoua est frappée de deux recours qui ont un caractère suspensif. (Article 195 du code de procédure pénale et article 21 de la loi organique n°611/1995 du 23 décembre 1995 portant organisation et Fonctionnement de la Cour de cassation). Le premier recours est dirigé en appel, contre l’ordonnance de prise de corps du 29 décembre 2023, prise par le doyen des juges d’instruction ; Le deuxième recours est un pourvoi en cassation, dirigé contre l’ordonnance de contumace n°01/024 du 2 janvier 2024, prise par le Premier président de la Cour d’appel de Bangui, Président de la Cour criminelle. Ainsi, en tout état de cause et au regard du caractère suspensif desdits recours, l’audience de la Cour criminelle du 17 janvier 2024, en procédure de contumace, ne peut plus être maintenue et se tenir jusqu’à épuisement de l’ensemble des recours affectant ladite affaire Meckassoua c/ Ministère Public. Vous constatez donc que le 17 janvier 2024, la Cour criminelle est passé outre, Monsieur Pessiré, premier Président de la Cour d’appel de Bangui, président de la Cour criminelle a osé réunir la Cour criminelle, a irrégulièrement fait siéger des juges et ils ont tenu un procès en barbarie contre Abdou Karim Meckassoua.

À vous entendre, rien n’est encore joué dans cette affaire ?

Tout à fait et rassurez-vous. La procédure n’est pas encore terminée. Nous avons déjà déposé des mémoires ampliatifs au soutien des recours que nous avons formés dans les délais légaux. Nous vous informons enfin que l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 19 décembre 2023 fait l’objet d’un recours en rétractation.

Est-ce que le sort de Karim Meckassoua n’est pas scellé après sa condamnation ?

Dans notre système judiciaire, il n’appartient pas au citoyen ou au justiciable de démontrer ou de prouver son innocence. Or, jusqu’à présent et en droit l’accusation n’a toujours pas démontré ni prouvé la culpabilité de monsieur Abdou Karim Meckassoua.

Qui visez-vous en particulier lorsque vous évoquez une parodie de condamnation ?

Je réitère que les juges qui sont intervenus dans cette affaire n’ont pas dit le droit et n’ont pas respecté leur serment. En ce qui concerne une interférence du politique dans le judiciaire, je rappelle que c’est un grand intellectuel africain, Saint Augustin philosophe et chrétien de l’Antiquité tardive (354-430 ap. J.C.) qui avait écrit que la seule différence entre un bandit et un roi était la question de justice.

Maître Tiangaye, les juges centrafricains sont-ils aux ordres des politiques ?

Malheureusement, je ne suis pas le seul à le constater. Cet avis est largement partagé par l’opinion publique.

Un dernier mot ?

Je demande aux juges centrafricains de suivre l’exemple de leurs prédécesseurs et de rendre justice et non des services aux hommes politiques.

@RcaAxiome

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