Qui est Eugène Blaise Nsom, trublion de la BEAC en guerre contre Abbas Tolli ?

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Le Camerounais, DG du contrôle général à la banque centrale, a décidé de saboter la sortie du Tchadien, en constatant la « vacance » au poste de gouverneur depuis le 7 février.

« Cela tourne à la vendetta personnelle », s’exclame un cadre de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), à propos de la dernière sortie d’Eugène Blaise Nsom. En tant que directeur général du contrôle général (DGCG) de la banque centrale régionale commune au Cameroun, au Gabon, au Tchad, au Congo, à la Centrafrique et à la Guinée équatoriale, le dirigeant camerounais a adressé le 6 février un courrier aux autres membres du gouvernement de la banque pour constater « l’arrêt d’activité » d’Abbas Mahamat Tolli. S’appuyant sur des dispositions des statuts de l’institution, il conclut à la vacance du poste
de gouverneur depuis le 7 février au matin.

La réplique du Tchadien ne s’est pas fait attendre. Tout en dénonçant le « comportement autoritaire » de son collaborateur, le banquier central qualifie son initiative de caduque. « Depuis un certain temps, le DGCG dépasse de manière répétitive les limites de ses compétences et empiète sur les responsabilités réservées au gouvernement et au gouverneur par les statuts de la banque », signale-t-il dans sa missive du 7 février à l’intention des autres membres au gouvernement de l’institut d’émission que Jeune Afrique a également consultée. Avant d’ajouter : « Il instrumentalise le dispositif de
contrôle de la Banque à des fins de règlements de compte personnels. »

Fin de non-recevoir

Abbas Tolli fait certainement référence au bras de fer épistolaire l’ayant opposé à Louis Paul Motaze, le minisça marchetre camerounais des Finances, entre novembre 2020 et janvier 2022, à propos de la prorogation d’activité de Nsom au poste de directeur national de la BEAC au Cameroun. Au cours de cet échange, le gouverneur sortant a certes accordé une rallonge d’un an, mais a opposé une fin de non-recevoir à une seconde dispense, arguant de ce que les cadres prennent leur retraite à 60 ans, d’après les textes. Contraint de céder
son siège en août 2022, Eugène Nsom ne rebondira qu’en mars 2023, lorsque son pays le propose comme DGCG pour un mandat de cinq ans.

Eugène Blaise Nsom, 63 ans, a-t-il décidé de saboter la fin de mandat du gouverneur ? « Il est habité par la rancœur et veut l’humilier à tout prix. Alors que le principe de la continuité du service exige que le gouverneur reste en poste jusqu’à la désignation de son successeur », arguent les partisans d’Abbas

Tolli qui se réfèrent à la commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) dont le mandat des commissaire avait échu en octobre 2022 – ils furent remplacés plus de six mois plus tard. « Il n’y a rien de personnel dans sa démarche. Il a motivé son initiative en s’appuyant uniquement sur des textes, dont les statuts de la banque », soutient-on dans l’entourage du Camerounais.

« La faute revient aux autorités camerounaises qui, se doutant bien de ce qui se passerait, l’ont proposé lors du dernier sommet des chefs d’État. On peut même estimer que, les ayant fait perdre la face à propos du poste de directeur national, elles ont décidé de lui fourrer Nsom dans les pattes en guise de vengeance », commente un analyste. Dès sa prise de service, Eugène Nsom conteste effectivement une décision d’Abbas Tolli visant à placer l’Équato-Guinéen Ivan Bacale Ebe Molina, ancien DG des études et produit de la BEAC, à la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Plus tard, il s’oppose au début de la formation des admis au controversé concours de recrutement des agents d’encadrement supérieur, après la publication des résultats par le banquier central.

« Monsieur bons offices »

Proche de Louis Paul Motaze, cet administrateur civil longiligne, aussi discret qu’élégant, est en cour au palais d’Etoudi. Le natif d’Ebolowa, capitale de la région du Sud dont est originaire Paul Biya, y a travaillé au côté du défunt Martin Belinga Eboutou, qui fut directeur du cabinet civil, avant de rejoindre la BEAC en 2014. Une arrivée mal perçue par certains de ses compatriotes, cadres maison parce que sortis de son centre de formation, qui considèrent le tout premier directeur général du Trésor du Cameroun comme un « corps
étranger ». Le tout, sans toutefois remettre en cause la compétence de celui qui a débuté sa carrière à la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), sous la protection de Pierre-Désiré Engo, un ex-baron du régime Biya qui a dirigé l’organisme de sécurité sociale, avant de s’envoler pour Poitiers, en France, où il a obtenu ses diplômes en monnaie et finance.

Eugène Blaise Nsom a-t-il pris l’initiative de trop ? Il s’est en tout cas cette fois mis à dos le vice-gouverneur de la BEAC. Le Congolais Michel Dzombala, désigné comme lui lors du sommet des chefs d’État de la Cemac de mars 2023, utilise une partie de son énergie pour contenir cette Cocotte-Minute qu’est devenu le gouvernement de la BEAC, en essayant de jouer au « monsieur bons offices » auprès des protagonistes. Les deux hommes se connaissent. Ils ont été directeurs centraux à la banque centrale, avant de prendre le contrôle de la direction nationale de leurs pays respectifs. Mais cette fois, Michel Dzombala qualifie l’action de son collègue de « diktat qui va au-delà des prérogatives que vous confèrent les textes de la banque centrale », pour décider que les dispositions de sa missive « ne seront pas exécutées par les responsables de la banque centrale ».

Déjà-vu

Devant un climat aussi délétère, les regards se tournent vers Faustin-Archange Touadéra, l’actuel président de la conférence des chefs d’État, et ses pairs, d’autant qu’ils ont su gérer un précédent du genre. En janvier 2010, l’Équato-Guinéen Lucas Abaga Nchama, alors désigné gouverneur, essuie en permanence la bravade du Camerounais René Mbappou Edjenguélé, alors directeur général des études, finances et relations internationales. Ce qui tend l’atmosphère au sein de l’équipe dirigeante et oblige les chefs d’État à ramener de la quiétude, en balayant les autres membres qui en étaient à leur troisième année de mandat sur les cinq autorisées.

Les dirigeants des pays membres de la communauté vont donc trancher lors du prochain sommet pour réinstaurer de la quiétude au sein du gouvernement de la banque. Ce d’autant qu’il faudra, outre celui de gouverneur, également pourvoir au poste de directeur général des études, finances et relations internationales, actuellement vacant du fait de la présence d’Abbas Tolli, et qui devrait revenir à un Tchadien. Une chose est certaine, le peu d’empressement dont ils font preuve pour changer les responsables communautaires arrivés en fin d’exercice et les couacs induits par la collégialité dans la gestion de
l’institut d’émission ne sauraient les exonérer.

JA

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