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Quand Touadéra reconnait lui – même que les choses se compliquent et que de graves violences se préparent

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Interview

«Il y a de graves violences qui se préparent»

Le président centrafricain, Faustin-Archange Touadera, appelle la communauté internationale à lever l’embargo sur les armes pour, dit-il, permettre à l’armée de regagner du terrain

Dans le pays encore traumatisé par les affrontements intercommunautaires de 2013-2014, les cris d’alarme se multiplient en cette fin d’année pour dénoncer le retour de la violence dans plusieurs régions. Actes de vengeance téléguidés par des seigneurs de guerre qui règnent sur de vastes territoires, affrontements entre groupes rivaux : ce sont souvent des incidents sporadiques liés à des enjeux très locaux, qui n’en sont pas moins meurtriers. Et soulignent l’impuissance de la communauté internationale comme du gouvernement à reprendre le contrôle du pays. La solution est-elle de lever l’embargo sur les armes imposé au plus fort de la crise de 2014 ? C’est ce que semble penser le président Faustin-Archange Touadera, qui a reçu Libération à Bangui.

Quelle est la situation en Centrafrique aujourd’hui ?

La priorité, c’est toujours la sécurité et la paix. Avec l’aide de certains de nos partenaires étrangers, nous avons lancé la reconstruction de l’armée, qui s’était complètement effondrée en 2014, lors de la dernière crise. Nous sommes également en train de mettre en place un programme de DDR (désarmement, démobilisation, réintégration) pour les groupes armés, qui devrait être opérationnel au début de l’année prochaine. Nous avons enfin soutenu l’initiative de l’Union africaine pour le dialogue avec les 14 groupes armés qui ont signé l’accord de mai 2015. Mais comme on a pu le voir à Alindao, certains groupes armés continuent d’alimenter la terreur.

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Les dernières tueries à Batangafo fin octobre et à Alindao mi-novembre ne montrent-elles pas justement les limites du processus de paix en cours ?

Certains seigneurs de guerre ont en effet visiblement plus intérêt à continuer à piller le pays plutôt que d’aller au dialogue. Il y a eu Batangafo et Alindao, et actuellement des groupes armés se préparent à attaquer la ville de Bambari. Le gouvernement avait décidé d’y organiser cette année les journées mondiales de l’alimentation. Elles n’ont pas pu avoir lieu pour l’instant à cause de ces menaces. Il y a de graves violences qui se préparent. Et tout le monde le voit sans rien faire…

Les députés ont exigé, vendredi, une levée totale de l’embargo. Vous associez-vous à cette demande ?

Mais je l’ai toujours demandé ! L’embargo a été imposé en 2014 à un moment où le pays était dans une situation difficile. Aujourd’hui, les institutions sont en place, nous sommes en train de reconstruire l’armée. La mission de l’Union européenne a déjà formé trois bataillons. Il y a dix jours, la cinquième promotion de 400 hommes formés avec l’aide de la Russie s’est également achevée. Mais nous n’avons toujours pas d’armes pour ces hommes.

Votre collaboration avec la Russie, qui a obtenu une levée partielle de l’embargo il y a un an, suscite également beaucoup d’interrogations…

C’est simplement un soutien pour nous aider. Les Russes nous ont proposé un don de 5 000 armes individuelles. Ce don a ensuite été morcelé par le Conseil de sécurité en trois livraisons. Tous les Etats membres avaient approuvé la première livraison de 1 000 armes. Ce n’est pas suffisant. Pourquoi la deuxième livraison a-t-elle été bloquée ?

Dans leur lettre ouverte au Conseil de sécurité, les députés sous-entendent que certains Etats membres sont à l’origine de ces blocages. Qui sont ces pays ?

Je ne vais pas donner de noms. Moi j’ai écrit à tous les présidents des Etats-membres du Conseil de sécurité. Pour leur demander ce qui se passe. C’est comme s’il y avait une volonté de nous maintenir dans la violence. J’ai personnellement le sentiment qu’on veut déstabiliser ce pays.

Maria Malagardis

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