PROMESSE DE RESPECT DE LA SEPARATION DES POUVOIRS EN GUINEE

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PROMESSE DE RESPECT DE LA SEPARATION DES POUVOIRS EN GUINEE

On prend la junte au mot

Dans le cadre des concertations entre les nouvelles autorités de Guinée et les forces vives du pays, c’était au tour des magistrats d’être reçus par le nouveau maître de Conakry, le colonel Mamady Doumbouya. A l’issue des échanges, les hommes en toge ont affirmé avoir été satisfaits de l’entretien qu’ils ont eu avec le chef de la junte. « Nous sortons d’ici très satisfaits et très confiants en nous-mêmes parce qu’on nous a dit, qu’on ne doit plus avoir peur de quoi que ce soit. Il n’y a plus de chasse aux sorcières, il n’y aura plus de peur et une autorité exécutive ne va plus se mêler aux décisions rendues par les cours et tribunaux », s’est réjoui Alpha Saliou Barry, directeur national des Affaires civiles et du sceau au ministère de la Justice. Alors, va-t-on vers un nouveau départ ?   Un vent de liberté va-t-il bientôt et enfin souffler sur la Justice guinéenne qui n’a franchement jamais brillé par son indépendance vis-à-vis des pouvoirs en place, depuis l’existence de la Guinée en tant qu’Etat-nation ? L’institution, c’est connu, a toujours servi d’instrument aux mains des différents régimes qui se sont succédé, depuis le règne de Sékou Touré jusqu’à celui du Pr Alpha Condé. Ce dernier aura utilisé l’appareil judiciaire guinéen à des fins malsaines, en imposant, contre vents et marées, son funeste et très contesté troisième mandat au peuple de Guinée.  C’est dire si la promesse de la junte au pouvoir, de faire de l’indépendance de la Justice, une réalité en Guinée, a été globalement bien accueillie par leur peuple. Et cela se comprend ; une séparation effective des pouvoirs, ne fera que du bien à ce pays qui doit, en partie, ses malheurs et errements à la très forte mainmise de l’Exécutif sur l’appareil judiciaire de Guinée.  

Gageons que les fruits tiendront la promesse des fleurs

Cette triste réalité n’est pas étrangère, hélas, au fait que de nombreux crimes économiques et de sang qui jalonnent l’Histoire de ce pays, sont restés jusque-là impunis. A l’instar de l’inoubliable boucherie du 28 septembre 2009, dont les auteurs n’ont toujours pas été identifiés et punis conformément à la loi.  Et quid, de la suite qui sera donnée aux sanglantes répressions des Guinéens farouchement opposés au 3e mandat d’Alpha Condé ?  En tout état de cause, la Guinée doit avancer, notamment pour se conformer aux exigences de l’Etat de droit dont Mamady Doumbouya et compagnie semblent vouloir jeter les bases. L’impunité sera-t-elle un lointain souvenir au pays du Fouta-Djalon ? La séparation des pouvoirs s’inscrira-t-elle désormais dans le champ du concret en Guinée ? On prend la junte au mot. Pour autant qu’il soit sincère et déterminé, dans sa volonté d’imprimer une empreinte nouvelle à la Justice guinéenne, le nouveau pouvoir est en mesure de faire bouger les lignes. Quitte à ce que celui qui lui succédera s’emploie à s’engager dans le chemin qu’il aura tracé. C’est un impératif capital qu’il faudra, du reste, inscrire dans le marbre. Certes, à l’étape actuelle des choses, l’on ne peut pas dire que la junte dispose de la légitimité requise pour entreprendre des réformes de nature à engager l’avenir de la Nation. Mais elle devrait pouvoir compter sur une forte adhésion du peuple guinéen, à ses décisions, si celles-ci répondent aux aspirations de ce peuple.  Et ce serait déjà ça de gagné !  Dans ces conditions, il serait difficile pour le régime d’après, de remettre en cause les acquis d’autant qu’ils emportent une forte adhésion populaire.   Reste à savoir à présent si derrière cette promesse de respect de la séparation des pouvoirs, ne se cachent pas des desseins inavoués et inavouables.  On peut, en effet, se demander si le colonel Doumbouya ne cherche pas seulement à s’attirer la sympathie de la corporation, en vue de compter comme alliés, les juges, au cas où il serait animé de l’intention de se pérenniser au sommet de l’Etat.  L’avenir nous le dira.   Toutefois, on peut s’attendre au meilleur d’autant que le nouveau maître de la Guinée ne rate jamais l’occasion de marteler ceci, s’adressant à ses compagnons d’armes : « Nous n’avons pas droit à l’erreur ». Sans doute le colonel Doumbouya mesure-t-il le poids de la responsabilité qui est le sien, devant l’Histoire. Cela dit, l’indépendance de la Justice ne se décrète pas. Celle-ci s’acquiert d’abord et avant tout, dans l’esprit.   Quel que soit donc le combat de la junte pour une justice indépendante, les juges    n’acquerront leur liberté que si et seulement s’ils y croient d’abord et y travaillent.  En tous les cas, les vents s’annoncent favorables.   Pour l’ensemble des juges intègres de Guinée, y compris les rares hommes de droit qui en ont eu pour leurs frais, en dénonçant   les dérives de Alpha Condé dans sa course obstinée vers un 3e mandat, de belles perspectives d’un renouveau de la Justice, s’ouvrent à la faveur de la transition.  Gageons que les fruits tiendront la promesse des fleurs.

 Par CBS

Le Pays

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