Pourquoi l’ex-rebelle Baba Laddé a (encore) été arrêté au Tchad

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Pourquoi l’ex-rebelle Baba Laddé a (encore) été arrêté au Tchad

L’ancien chef de groupe armé a été arrêté lundi 26 décembre à N’Djamena. Auparavant à la tête des Renseignements généraux tchadiens, il était au cœur de tensions entre les diplomaties tchadienne et centrafricaine.

Par Mathieu Olivier
Mis à jour le 28 décembre 2022 à 13:08

Baba Laddé vient de passer une deuxième nuit en détention à N’Djamena. Interpellé le 26 décembre, l’ancien chef de groupe armé est toujours incarcéré dans les locaux de l’Agence nationale de sécurité (ANS, les services de renseignement tchadiens). Aucune communication officielle n’a encore été faite par les autorités au sujet de son arrestation.

« Désinformation et intoxication »

Selon nos informations, la détention de Baba Laddé fait suite à des tensions entre le Tchad et la Centrafrique. L’ancien rebelle, qui a longtemps opéré en RCA, avait fait circuler il y a peu une mise en garde contre de supposés projets d’attaques des ambassades française et américaine à Bangui par les partisans du président Faustin-Archange Touadéra (FAT).

Selon ce document, adressé le 21 décembre aux représentants de la France et des États-Unis à N’Djamena, Blaise Didacien Kossimatchi, leader de la Galaxie nationale centrafricaine et proche de FAT, aurait préparé l’agression de représentations de Paris et Washington en Centrafrique, avec la complicité de mercenaires russes du groupe Wagner d’Evgueni Prigojine.

#Tchad#Centrafrique : le document qui serait à l’origine de l’arrestation de Baba Laddé, ancien rebelle et ex-patron des Renseignements généraux. Il y évoque le Centrafricain Blaise Didacien Kossimatchi, proche du président Touadéra, et Vitali Perfilev, chef de #Wagner à Bangui.
11:31 AM · 28 déc. 2022
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Bangui avait aussitôt réagi à ces allégations de Baba Laddé. Un communiqué signé par la ministre centrafricaine des Affaires étrangères, Sylvie Baïpo-Temon, dénonçait ainsi d’« incessantes propagandes déstabilisatrices » et une « grande campagne de désinformation et d’intoxication », orchestrées par Baba Laddé et visant à créer « une atmosphère de psychose » à Bangui.

« Quelqu’un d’assez précieux »…

Né au Tchad, près de Bongor, Mahamat Abdoul Kadre Oumar – alias Baba Laddé, « père de la brousse » en langue peule, et ancien chef du Front populaire pour le redressement (FPR) – a longtemps combattu en terres centrafricaines, dans la région de Bambari. Il y avait pour bras droit l’actuel chef de groupe armé Ali Darassa, lequel s’oppose toujours à Faustin-Archange Touadéra.

Plusieurs fois nommé à des postes officiels au Tchad – conseiller du Premier ministre Joseph Djimrangar Dadnadji en 2013, puis préfet en 2014 –, il était chaque fois retourné à la rébellion avant de négocier une nouvelle reddition. L’une de ses dernières manœuvres en date lui avait valu d’arriver, après le décès d’Idriss Déby Itno, en 2021, à la tête des Renseignements généraux tchadiens.

… et de « très encombrant »

Il y avait passé à peine une année, avant d’hériter début 2022 du poste de secrétaire général adjoint au ministère de la Sécurité publique. « Ses liaisons avec les rebelles peuls de la région en font quelqu’un d’assez précieux pour le pouvoir tchadien, même s’il s’y est fait beaucoup d’ennemis et qu’il peut être très encombrant, car difficile à contrôler »,
explique notre source à N’Djamena.

L’arrestation de Baba Laddé est-elle un message d’apaisement des autorités tchadiennes à l’attention de leurs voisines centrafricaines ? « Dans la période de transition actuelle à N’Djamena, le président Mahamat Idriss Déby Itno cherche à avoir une relation aussi apaisée que possible avec Bangui et Faustin-Archange Touadéra », assure un proche de la présidence tchadienne.

« Mahamat Idriss Déby Itno a besoin de se focaliser sur sa politique intérieure et sur la préparation de la présidentielle de 2024, à laquelle il compte se présenter. Il n’a aucun intérêt à voir monter des tensions régionales qui auraient des impacts dans le sud du Tchad et qui pourraient en outre impliquer les Russes et les mercenaires de Wagner », résume une source diplomatique à N’Djamena.

Les diplomaties des deux pays se sont en effet rapprochées ces dernières semaines autour de dossiers touchant à la sécurité de leur frontière commune et au cas de l’ancien président François Bozizé, résidant dans la capitale tchadienne. Mahamat Idriss Déby Itno et Faustin-Archange Touadéra partagent l’ambition de lui trouver un nouveau lieu d’exil, éloigné
de Bangui et N’Djamena.

« Secrets gênants » et « affirmations fantaisistes »

Depuis l’interpellation de Baba Laddé, ses proches ont démenti sur les réseaux sociaux la version selon laquelle le document qu’il avait écrit le 21 décembre serait à l’origine de ses déboires. « Bien naïf celui qui croit que ce petit document sur les menaces des extrémistes centrafricains contre les civils occidentaux est la raison de l’arrestation », ont-ils ainsi écrit.

L’estimant victime d’un complot orchestré par « une clique de l’administration tchadienne », ses soutiens affirment que le « père de la brousse » est actuellement détenu car il serait en possession de renseignements compromettants sur le pouvoir en place à N’Djamena, où
Mahamat Idriss Déby Itno aurait lui-même été « pris en otage ».

Selon les proches de l’ex-chef de guerre, Baba Laddé détiendrait des informations selon lesquelles certaines personnalités auraient été corrompues grâce au « versement de milliards de dollars par la Russie ». « Nous dévoilerons peu à peu ces secrets gênants jusqu’à [sa] libération », ajoutent-ils. « Des affirmations purement fantaisistes », d’après une source gouvernementale tchadienne.

Jeune Afrique

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