PARCOURS DE FAUSTIN-ARCHANGE TOUADERA JUSQU’A SON ATTERISSAGE FORTUIT AU PALAIS DE LA RENAISSANCE

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Faustin-Archange Touadéra est né à Bangui le 21 avril 1957.
Son père est un chauffeur peul qui a travaillé à Bangui pour la société de transports SDV. Faustin Touadéra a été élevé par sa maman Ngbaka-Mandja, originaire de Damara.
Touadéra est marié à Brigitte (née Béléma), Tina-Marguerite (née Guessa-Babet avec laquelle il a eu trois enfants) et aussi plus discrètement avec Catherine Azouyangui. Cette dernière qui est ingénieur agronome et Directrice Générale Comité Inter-Etats des Pesticides de l’Afrique Centrale (CPAC) en poste à Yaoundé (elle fut nommée à ce poste en novembre 2012 avec l’appui de Fidèle Gouandjika alors Ministre de l’agriculture) l’a soutenu au moment de son exil en attendant que ses comptes à Bangui soient débloqués.
UN UNIVERSITAIRE MOINS BRILLANT SELON LES PERSONNES DE SA CATEGORIE
Touadéra a été scolarisé au collège Barthélémy Boganda. Il obtient son baccalauréat en série C en 1976. Il entre ensuite l’Université de Bangui et décroche en 1981 sa licence avant de partir pour la Côté d’Ivoire où il fréquente les bancs de l’Université d’Abidjan jusqu’à l’obtention d’un diplôme de maîtrise en mathématiques. Touadéra poursuit ensuite ses études supérieures en France à l’Université des Sciences et Technologies de Lille (Lille I) où il obtient un Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) en mathématiques puis un doctorat sous la direction de Daniel Gourdin en travaillant sur les « problèmes de Cauchy matriciels C∞[infini] et dans les espaces de Sobolev à caractéristiques multiples. »
De retour à Bangui, il intègre l’Université de Bangui en 1987 en qualité de maître assistant de mathématiques. En 1989, il devient inspecteur de mathématiques cumulant ses fonctions avec la qualité de vice-Doyen de la faculté des Sciences. A partir de 1992, il exerce ses fonctions à l’Université avec celles de Directeur de l’École Normale Supérieure (ENS), ceci jusqu’en 1996. En 2000, Touadéra devient maître de conférences et Doyen de la Faculté des Sciences Université de Bangui jusqu’à sa nomination comme recteur de l’université de Bangui en 2004. Il soutient en parallèle une thèse supervisée par Marcel Dossa à l’Université de Yaoundé I en travaillant sur la « résolution globale d’une classe de systèmes hyperboliques non linéaires sur un cône caractéristique ». Sa gestion en qualité de recteur est assez complaisante envers l’association nationale des étudiants centrafricains. Le recteur Touadéra est discret et laisse surtout le soin à son ancien collaborateur à l’ENS, Simplice Sarandji, de se confronter aux revendications des étudiants et des professeurs dans la gestion quotidienne de l’Université. Et devient Professeur avec un titre gracieusement offert sans respecter le parcours méritant d’un professeur du CAMES.
ET SURTOUT UN PREMIER MINISTRE FAIBLE, CORROMPU ET INEFFICACE
Le 22 Janvier 2008, le recteur Touadéra est nommé Premier Ministre par le président Bozizé. Touadéra restera à la Primature cinq longues années jusqu’au 12 janvier 2013 ce qui est à ce jour le record en termes de longévité à ce poste dans l’histoire de la République Centrafricaine.
Parfait inconnu du monde politique, sa nomination intervient dans un contexte de crise sociale, marquée par des mouvements de grèves qui entraînent la démission d’Élie Doté. Bozizé recherche alors un collaborateur loyal et sans ambition plutôt qu’un véritable chef de gouvernement. Touadéra s’appuie comme à l’Université sur Simplice Sarandji (alias le colérique), devenu son directeur de cabinet et aussi sur Firmin Ngrebada (alias l’alcoolique matinal), son chef de cabinet adjoint.
L’autorité du Premier Ministre Touadéra est régulièrement foulée aux pieds par certaines fortes personnalités du régime comme le Ministre d’État aux Mines Sylvain Ndoutingaï. Touadéra se retrouve ainsi dans une situation paradoxale avec moins d’autorité que certains Ministres du régime en place…Cela n’est pas été sans conséquences pour le pays. Par exemple, il ne pourra pas empêcher l’opération lancée par Sylvain Ndoutingaï le 22 octobre 2008 pour retirer l’agrément d’exportation minière à huit des dix bureaux d’achat officiellement agréés pour collecter l’or et le diamant. Ndoutingaï confisquera lors de cette opération des pierres, de fortes sommes d’argent, d’autres biens tels que des véhicules et imposition lourdes amendes sous prétexte de situations fiscales ou administratives irrégulières… Ce « braquage officiel » (les biens saisis ne leur seront jamais restitués) qui créait de fait un quasi-monopole pour les négociants en diamants proches du régime a d’une certaine manière favorisé la création de la coalition Seleka qui exigera plus tard lors de sa création une compensation financière et la restitution des diamants et de l’or « volés » par le régime en 2008…
On a pu dire que lorsque le Premier Ministre Touadéra a mis en œuvre la bancarisation des salaires des fonctionnaires permettant ainsi que leurs salaires soient régulièrement payés. Mais cette réforme de la bancarisation de salaires de la fonction publique avait été exigée par le FMI après un audit du fichier de la Fonction Publique entrepris en 2007 lorsque Elie Doté était Premier Ministre. Cet audit qui avait mis en lumière des dysfonctionnements (avec notamment certains fonctionnaires qui percevaient des doubles salaires) avait abouti à cette réforme impulsée par les partenaires internationaux avant la nomination de Touadéra. Il faut souligner que cette réforme a été directement gérée par le Président Bozizé qui supervisait directement le salaire des fonctionnaires à cette période.
Entre 2008 et 2013, les cas de détournements d’argent publics étaient hélas légion avec non seulement un mutisme total du Premier Ministre sur le sujet mais surtout une implication directe dans nombre de dossiers…
Cette gestion a d’ailleurs été dénoncée par le Fonds monétaire international (FMI) qui a plusieurs fois exigé des « mesures correctives » dans la gestion des finances publiques. L’une de ces mesures avait consisté à titre d’exemple dans le limogeage, le 8 octobre 2011 du Directeur Général du Trésor Public, le général Guillaume Lapo qui avait créé une entreprise dénommée « Polygone » permettant de rafler de nombreux et juteux marchés publics… Selon des documents internes à la Direction générale du Trésor, 1,52 milliard FCFA ont été décaissés au cours du seul mois de février 2011 pour des opérations aussi coûteuses que surprenantes… En mars 2011, la DGT a réalisé pour plus de 2,6 milliards FCFA de transferts allant de « primes globales d’alimentation à des « frais médicaux », en passant par la réparation de l’hélicoptère présidentiel ou des primes dites « TEL » (travail extra légal), c’est-à-dire des heures supplémentaires confortablement rémunérées. La tendance se poursuit les mois suivants. En avril 2011, plus de 50 millions ont été consacrés à une mission présidentielle à Malabo ; 11 millions aux « règlements » des chefs de village (on était alors en pleine campagne pour la présidentielle…). En juin et juillet 2010, 93 millions FCFA ont été utilisés en frais de mission à l’occasion du cinquantenaire de la RDC. 30 millions FCFA ont, par ailleurs, été déboursés lors d’une rencontre entre le premier ministre Faustin Archange Touadéra et le président de l’Assemblée nationale, Célestin Leroy Gaombalet…
Cette période s’est aussi distinguée dans l’histoire du pays par la privatisation des douanes centrafricaines entérinée par le protocole signé entre Emmanuel Bizot, Ministre des finances du gouvernement Touadéra I et la Structure de Détection des Importations Frauduleuses (SODIF) le 28 avril 2008. Cette société (dirigée par l’ancien légionnaire français, devenu mercenaire Armand Iannarelli) est ainsi devenue une sorte de douanes parallèles privées recouvrant pour le compte de l’Etat centrafricain aux dépens de la direction générale des Douanes. En dépit des multiples recommandations des institutions de Bretton Woods et de l’UE, le protocole de 2008 n’a jamais été dénoncé jusqu’en 2013.
Le secteur des télécoms fut aussi une vache à lait grâce notamment le détournement à des fins privés de sommes très importantes liées notamment au renouvellement des licences de compagnies privées par pas uniquement. Citons le cas édifiant de la société Socatel tirait l’essentiel de ses recettes de la communication internationale grâce au Centre de Transmission par Satellite – CTS – situé à Bangui-Mpoko. Le Ministre des Télécoms Fidèle Gouanjika décida de libéraliser ce secteur sensible en signant un contrat très juteux avec la Société Telsoft International lui donnant le droit d’exploiter la passerelle unique pour la communication internationale. Le trafic des communications entrantes et sortantes dont la Socatel en avait la responsabilité rapportaient au bas mot la bagatelle de 300 millions de FCFA par mois… Le manque à gagner pour la Socatel entraînera des conséquences sociales terribles avec des grèves, de très importants arriérés de salaires et de nombreux licenciements…
L’état des routes, l’accès à l’eau potable ou encore à l’électricité s’est aussi dégradé lorsqu’il était Premier Ministre. On se souvient encore des files d’attentes devant les fontaines d’eau dans la capitale, des délestages ou de la panne de la centrale Boali 2 en Juin 2008 qui occasionna d’énormes difficultés. Est-ce normal aujourd’hui encore d’attendre la réalisation du projet d’installation des deux turbines de l’usine de Boali III vantées par le Premier Ministre Touadéra dans ses discours ?…
La gestion du pouvoir était régulièrement épinglée par les partenaires internationaux du pays comme lorsque le commissaire européen au développement, Andris Piebalgs adresse en Juin 2011 une lettre au vitriol au premier ministre Touadéra soulignant de sérieuses « préoccupations en matière de gouvernance ».
Signalons aussi le détournement des fonds du programme Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Le 30 janvier 2009, la Conférence des Chefs d’Etats de la CEMAC réunie à Libreville annonce accorder une « assistance financière de 8 milliards de FCFA pour aider la réalisation des opérations de DDR ». Le PNUD est désigné pour conduire le Comité de pilotage du programme de DDR. Cette rencontre de Libreville est marquée par la participation de deux mouvements rebelles : l’APRD et l’UFDR. Le 25 mars 2009, une première tranche de 5 milliards de FCFA est décaissée par la BEAC et versée au trésor public à Bangui, une somme dont la quasi-totalité sera détournée…
C’est à partir de 2008 que vont proliférer les groupes armés en République Centrafricaine. L’opinion publique assiste alors impuissante aux exactions du Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) d’Abdoulaye Miskine, de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) Joseph Kony, du groupe armé peul de Baba Laddé, de la de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) de Charles Massi et Nourredine Adam, du Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLCJ) de Abakar Sabone, de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) de Michel Djotodia et Zakaria Damane. Les années Touadéra révèlent au grand jour la faiblesse de l’Etat Centrafricain caractérisée l’impuissance des forces armées pour maintenir la paix et la sécurité dans le pays. Le Premier Ministre Touadéra n’aura quasiment rien entrepris de concret pour éviter la débâcle de l’armée devant la coalition Seleka, situation qui aboutit à sa démission dans l’indifférence générale le 12 janvier 2013 aux lendemains des Accords de Libreville…
ELU PRESIDENT GRACE AUX AUTORITES DE TRANSITION, A L AMBASSADE DE FRANCE ET AUX GROUPES ARMES
Moins de trois mois après son départ, Bozizé est renversé. Touadéra trouve alors refuge plusieurs mois à Bangui sur la base Bureau Intégré des Nations Unies en Centrafrique (Binuca). Il est à plusieurs reprises interdit de quitter le pays et ses comptes sont gelés. Il sera finalement autorisé à prendre un vol pour la France, où il résidera à Villeneuve d’Ascq, avec son épouse Tina et ses enfants. Touadéra rentre à Bangui à la fin de l’année 2014. Il annonce sa candidature aux élections présidentielles le 4 août 2015.
Sans pour autant démissionner du KNK, celui qui est encore le 2ème vice-président de ce parti, déclare alors « ma candidature et celle de François Bozizé ne peuvent être concurrentielles. Je me retirerai si jamais l’ancien président venait à être candidat aux prochaines élections ». Le KNK sanctionne le candidat Touadéra pour indiscipline et investi François Bozizé (en exil à Kampala et interdit de voyager en raison de sanctions des Nations unies) comme unique candidat à la présidentielle le 7 Août 2015. Finalement, la Cour constitutionnelle rejette début décembre 2015 la candidature de Bozizé et le KNK annonce le 22 décembre 2015 son soutien à la candidature de Dologuélé après la signature d’un accord signé avec l’URCA.
Les autorités de transition et l’ambassadeur de France à Bangui vont soutenir la candidature de Touadéra, considéré comme un profil effacé et facilement manœuvrable. Le Directeur de Cabinet de la Présidente de transition Joseph Mabingui, qui a dirigé le Laboratoire Lavoisier à l’Université de Bangui et qui est un ami de longue date de Touadéra valide ce choix, facilité par le fait que son épouse Brigitte Touadéra (née Béléma) est Banziri, tout comme Catherine Samba-Panza. Jean-Jacques Demafouth est nommé par un décret muet de la Présidente de transition « superviseur général des élections » en toute illégalité chapeautant de fait le travail de l’Autorité Nationale de Elections. Tout est fait pour favoriser la candidature de Touadéra avec notamment le décompte de bureaux de vote fictifs dans les résultats, la distribution massive de bulletins de vote préremplis, la modification de procès-verbaux ou encore en faisant voter des électeurs dépourvus de tout document d’identité. C’est ainsi que Touadéra qui dispose d’un budget de campagne très limité sans parti politique structuré ni base l’ethnie majoritaire arrivera à la surprise de tous à se qualifier au second tour de ces élections… Quelques mois plus tard, dans la lettre datée du 9 août 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité de l’ONU par le Groupe d’experts sur la République centrafricaine, on apprendra que « les membres de l’UPC et du MPC, des factions de l’ex-Séléka, estiment que le soutien qu’ils ont apporté au Président Touadéra avant le deuxième tour de l’élection présidentielle aurait dû leur valoir certaines fonctions. »
Outre le soutien des groupes armés issus de la mouvance Seleka, les antibalakas jouèrent aussi un rôle très important dans l’appui au candidat Touadéra en intimidant les électeurs du camp adverse et en favorisant la fraude. Ces soutiens de taille ainsi que ceux d’une quinzaine de candidats malheureux et aux fraudes qui perdurent durant l’entre-deux-tours permettront finalement à Touadéra de remporter ces élections officiellement le 14 février 2016. Dans un souci d’apaisement, alors que la colère de ses partisans couve, son rival au second tour Anicet-Georges Dologuélé qui ne souhaite pas faire replonger le pays dans la violence dénonce les fraudes massives mais reconnait la victoire de Faustin-Archange Touadéra qu’il convie à son domicile pour lui souhaiter bon succès dans l’exercice de son mandat.
Désirant tourner la page de la transition, l’ensemble des acteurs politiques, de la société civile ainsi que les partenaires techniques et financiers du pays ferment les yeux sur les dysfonctionnements observés au cours de ces élections. Lors de son investiture le 30 mars 2016, celui qui s’est présenté comme le « candidat de la rupture » ou « Président des pauvres » affirme clairement que « la priorité des priorités est la sécurité durable et la défense du territoire national. J’y répondrai avec fermeté. » Il prend par ailleurs un certain nombre d’engagements promettant « une lutte sans merci sera menée contre la fraude, la corruption, les détournements de deniers publics » ou bien que « le programme d’adduction d’eau qui sera mis en œuvre, la situation, de ce point de vue, devrait s’améliorer » ou encore rassurant la nation sur « l’application des règles de bonne gouvernance, avec une justice impartiale et indépendante. » Un audit de la gestion de chose publique durant la période de transition sera réalisé par la cour des Comptes mais celui-ci sera finalement enterré…
Lu Pour Vous
Paul Yimbi

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