Nation : Rapport MAP : Ballet diplomatique du Tchad, silence apeuré et éhonté de la RCA… !

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Depuis la publication du rapport Map, les combattants de la liberté et de la démocratie assistent médusés à un ballet diplomatique et une offensive communicationnelle très agressive du Tchad. En effet, après avoir vivement rejeté, dans une lettre datée du 24 mai,  ledit rapport accusant des soldats tchadiens d’exactions contre des civils en Centrafrique entre 2013 et 2014, et vainement tempêté pour sa non publication, le gouvernement tchadien a finalement décidé de monter au créneau par la voix de son ministre de la justice, Ahmat Mahamat Assan.« Le gouvernement du Tchad proteste vivement contre ce rapport rédigé à charge », « truffé d’allégations mensongères, diffamatoires et attentatoires à la dignité des soldats tchadiens »,  s’est – il empressé de clamer haut et fort à qui veut bien l’entendre, sur les antennes de RFI.

Mais, aussi curieux que cela puisse paraitre, au même moment l’opinion nationale centrafricaine et internationale est plus choquée du silence irresponsable, injustifiable et incompréhensible de la part des autorités  légales et légitimes en charge de la gestion des affaires de la cité. Ni de la part de la présidence de la République, ni de celle du gouvernement par l’entremise du ministre des affaires étrangères, M. Charles Armel Doubane ou de celle du ministre de la justice, M. Flavien Mbata. Un silence apeuré et éhonté qui fait dire tout simplement à plus d’un que ces hommes et ces femmes qui sont dans le gouvernement Sarandji ne sont nullement intéressés par les nombreux cas de graves violations des droits humains dont ont été victimes leurs compatriotes de la part des troupes tchadiennes, déployées en Centrafrique dans le cadre de la Misca. S’il ne devait pas en être ainsi, l’un de ces deux membres du gouvernement qui ne sont pas eux des faux diplômés comme leur collègue du ministère de la communication et dont le parcours à l’université de Bangui est plus ou moins brillant et exemplaire, aurait aussitôt violemment réagi pour défendre ce rapport et au – delà protester vivement contre le Tchad de Deby non seulement d’être derrière la crise centrafricaine mais surtout d’avoir clairement des velléités déstabilisatrices du régime en place en apportant de manière régulière et permanente d’importants soutiens financiers, matériels et humains  aux principaux seigneurs de guerre évoluant dans le Nord, à savoir  Nourreldine Adam, Mahamat Al – Katim, Abdoulaye Hissène et Autres…Une réaction qui aurait eu le mérite de certifier le contenu  dudit rapport et provoquer une vigoureuse réaction de la communauté internationale contre le Tchad de Deby. C’est bien dommage !

Et pourtant il n’y a de secret pour personne, comme l’avait déjà dit Christophe Rigaud, journaliste à Afrikarabia, que « le problème numéro un au chaos qui règne en Centrafrique porte un nom : celui du président tchadien, Idriss Déby. Ce message, qui a le mérite d’être très clair, a été  porté par des opposants tchadiens, réunis à la Maison de l’Afrique à Paris, vendredi 3 janvier 2014.  Thème du débat : « quelles solutions à la crise centrafricaine ? ». A la tribune, seule Denise Yakazangba, présidente du Réseau des Femmes en Action pour le Développement, représente la Centrafrique (preuve qu’il est encore difficile de réunir les deux frères ennemis Tchadiens et Centrafricains autour de la même table). Pour cette centrafricaine, « les troupes tchadiennes doivent se retirer rapidement du pays, sous peine de voir la Centrafrique disparaître ». « Si les Centrafricains n’ont pas de problèmes avec les Tchadiens  », précise Denise Yakazangba, « ils en ont un avec leur dirigeant, Idriss Déby  ». Il faut dire que le Tchad a toujours eu la mainmise sur la Centrafrique voisine. « Déby prend la RCA comme une de ses provinces  » .

La Séléka « sous contrôle tchadien« 

Autocrate assis fraîchement sur ses tout nouveaux revenus pétroliers, Idriss Déby est  accusé de faire et défaire les régimes à Bangui, comme bon lui semble. En 2003, Idriss Déby porte François Bozizé au pouvoir, au détriment du président Patassé, trop proche de Tripoli. Après dix années passées à la tête de la Centrafrique, Bozizé se détourne de son « protecteur tchadien » et se rapproche, notamment économiquement, de la Chine. Déby sent Bozizé lui échapper. Au moment de la création de la Séléka en Centrafrique, autour de Michel Djotodia, Idriss Déby voit la rébellion d’un mauvais oeil. N’Djaména soupçonne la Séléka d’être soutenue par les rébellions tchadiennes. Après la chute de Bozizé, Déby craignait de se retrouver le prochain sur la liste. Dans un subtil jeu de poker menteur, Idriss Déby fait libérer deux futurs commandants de la Séléka, Nourredine Adam et Mohamed Dahffane, qui deviendront par la suite ses meilleurs alliés dans la rébellion centrafricaine. Nourredine Adam, l’homme fort de la Séléka, passe avant tout pour être l’homme de Déby au sein de la rébellion. Une fois, la Séléka « sous contrôle tchadien  », Idriss Déby donne son feu vert à la rébellion pour faire route sur Bangui. Les soldats tchadiens intégrés dans la FOMAC en Centrafrique, après avoir bloqué dans un premier la Séléka dans la ville de Damara, laisse la rébellion contourner le dispositif pour prendre la capitale.

Déby, un allié encombrant

Ce scénario, les opposants tchadiens de la tribune de la Maison de l’Afrique le connaisse bien. Pour eux, le noeud de la crise centrafricaine et donc sa solution se trouvent à N’Djaména. Le professeur Facho Baalam, leader du Rassemblement National Tchadien, explique qu’aujourd’hui, en République centrafricaine, « 12 entités militaires sont commandées par des Tchadiens et des Soudanais et reçoivent directement leurs ordres d’Idriss Déby » . Pour Mahamat Saleh Ibni Oumar, fils d’un opposant tchadien « disparu » en 2008,  « Déby joue à la fois le pompier et le pyromane. L’armée tchadienne n’est pas la mieux placée pour ramener la paix en Centrafrique, d’autres forces africaines peuvent faire un meilleur travail  » . Il faut dire que l’armée tchadienne, intégrée au sein la FOMAC et de la MISCA, les forces africaines présentes en Centrafrique, ont un rôle des plus équivoques. L’armée tchadienne a fréquemment refusé de désarmer la Séléka (rébellion à majorité musulmane tout comme les régiments tchadiens envoyés en Centrafrique). Dans les affrontements interreligieux entre chrétiens et musulmans, les troupes tchadiennes sont également accusées de « soutenir » les musulmans de l’ex-Séléka. Idriss Déby et ses hommes deviennent donc des alliés de plus en plus encombrants pour la France, engluée dans un conflit qu’elle peine à enrayer.

« Lâcher Déby »

A la tribune de la Maison de l’Afrique, le blogueur et journaliste tchadien, Makaila Nguebla, demande donc à la France de « se démarquer de Déby  ». Réfugié politique en France depuis son expulsion du Sénégal, Makaila ne cherche évidemment pas à donner des leçons, ni de « confrontation avec Paris  » , mais cet opposant estime que « la France a le devoir de lâcher Idriss Déby  » . Mais la realpolitik a la vie dure, même sous François Hollande, qui avait pourtant promis d’autres types de relations avec l’Afrique. Paris est en effet obligé de composer avec N’Djamena au moins pour  trois raisons. Tout d’abord Paris a fortement besoin des soldats tchadiens au Mali, où François Hollande souhaite se désengager petit à petit. La France compte aussi sur l’argent tchadien pour financer la coûteuse opération malienne. Enfin, Paris voit le Tchad comme une pièce maîtresse dans sa lutte anti-terroriste contre les djihadistes de l’arc sahélien (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Soudan). En dehors de N’Djamena, le dispositif militaire français au Tchad est présent dans trois bases au centre et au nord du pays, à Abéché, Faya-Largeau et Zouar. A défaut de changer rapidement de paradigme vis-à-vis du Tchad, François Hollande devra tout de même veiller à son embarrassant allié en Centrafrique. Un retrait des militaires tchadiens, un temps annoncé et qui peine à devenir réalité, s’avère aujourd’hui plus qu’urgent. Paris doit rapidement prendre des mesures, au moins pour apaiser les tensions ».

Il est vraiment temps que le président Touadéra puisse comprendre  que ce silence diplomatique de la part de son gouvernement vis – à – vis du gouvernement tchadien signifie pour une large majorité des centrafricains que les hommes et les femmes qui l’entourent ne font que courir derrière les petits intérêts que leurs fonctions leur procurent et qu’ils n’ont rien à foutre des cadavres centrafricains qui ne cessent de s’amonceler tous les jours.

Jean – Paul Naïba

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