Nation : Les raisons de l’exigence de la présentation de la loi de règlement par Méckassoua

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Dans son discours d’ouverture de la session parlementaire du 2 octobre 2017, le président de l’assemblée nationale et président du mouvement dénommé « le chemin de l’espérance », M. Karim Méckassoua, n’est pas passé par quatre chemins pour annoncer au gouvernement Sarandji 2, à la communauté internationale et à l’endroit de toutes les forces vives de la nation que le vote du projet de la loi de finances 2018 sera conditionné par la présentation de la loi de règlement.

Quelques deux ou trois jours plus tard, le gouvernement a déposé, sur la table du bureau de l’assemblée nationale, un jeu complet de 141 projets de cette loi, mais sans le jeu complet de 141 copies de la loi de règlement, comme initialement exigé. A ce jour, c’est – à – dire à quelques heures seulement de la présentation de l’exposé des motifs dudit projet, à la tribune de la Maison du Peuple, par le ministre des finances et du budget, M. Henri Marie Dondra, un jeu complet des copies de cette loi de règlement n’est pas encore enregistré au secrétariat de l’assemblée nationale. Une situation très embarrassante.

Alors que faire ? Faille – t – il autoriser l’ordonnateur principal des dépenses de l’Etat ou le grand argentier de la République qui se trouve être le ministre des finances et du budget à déferrer à cette tradition de soutenance de l’exposé des motifs ou faille – t – il exiger d’abord du gouvernement la production de ce document avant de lui donner la parole ? Une question de prise courageuse de responsabilité devant l’histoire et la nation tout entière ou de déculottage devant le gouvernement Sarandji 2.   Tel est le dilemme devant lequel se trouve aujourd’hui aussi bien le président de l’assemblée nationale que tous les représentants du peuple. Une inquiétude dont l’apaisement ne pourra venir que d’eux dans les jours à venir.

Cependant, pour la gouverne de l’opinion nationale et du peuple centrafricaine, détenteur du pouvoir souverain à travers ses représentants,  il est  impératif  de mener des investigations aux fins de  chercher à savoir ce qui se cache derrière l’exigence de la satisfaction de cette conditionnalité et de la production de ce document. S’engager dans cette démarche, c’est chercher aussi à comprendre ce que ce sont  une loi de règlement et son importance dans l’examen et l’adoption de la loi de finances.

En effet,  selon les experts en droit budgétaire ou les spécialistes des questions budgétaires, alors que la loi de finances  détermine, pour un exercice budgétaire, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte, la loi de règlement, quant à elle, arrête, chaque fin d’année budgétaire, le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État, ratifie les opérations réglementaires ayant affecté l’exécution du budget, fixe le résultat budgétaire, décrit les opérations de trésorerie.

Sur ce point précis,  depuis l’accession de la République centrafricaine à l’indépendance, les informations, obtenues près les différents services de la direction générale du budget, de la direction générale de la comptabilité publique et du trésor et de la cour des comptes, ont révélé à nos enquêteurs que c’est pour la deuxième fois après l’exercice budgétaire de l’année 1970 que le gouvernement est sommé de produire une loi de règlement avant le vote d’un projet de la loi de finances.  Pour rappel, à cette époque, ce document comptable a été produit pour la dernière fois  par le Trésor Public Français qui s’occupait à l’époque de la gestion des comptes du jeune Etat centrafricain. Depuis, il n’en est rien. Du coup, il va de soi que la production de ce document ne devra  pas  être une chose facile pour le gouvernement Sarandji 2, dans le contexte actuel de crise généralisée à tous les niveaux de l’Etat et compte tenu de la léthargie qui caractérise l’administration des services techniques du ministère des finances et du budget et de l’occupation quasi – certaine de plus de 75% du territoire national par des bandes armées ni foi sans loi, malgré les efforts de renforcement des capacités et du respect des procédures de préparation et d’exécution du budget, à l’initiative du ministre des finances et du budget et de l’agent central comptable technique.

Ceci étant dit, comme nous l’avons effleuré tout au début, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes présente un volet comptable avec le résultat de l’année en comptabilités budgétaire et générale et un volet « Performances » avec les rapports annuels de performances (RAP). La présentation du compte général de l’État s’inspire du modèle de la comptabilité d’entreprise (comptabilité en droits constatés, et non plus comptabilité de caisse comme la comptabilité budgétaire) tout en tenant compte des spécificités de l’État. Il donne une image régulière, fidèle et sincère de la situation financière et patrimoniale de l’État :

  • Le bilan donne une image de la situation patrimoniale de l’État. L’actif valorise les éléments du patrimoine, tandis que le passif recense les engagements de l’État à l’égard des tiers ;
  • Le compte de résultat présente le résultat de l’exercice selon les règles de la comptabilité générale (principe des droits constatés). En cela, il complète l’information de la comptabilité budgétaire qui présente l’état de la « caisse » en fin d’exercice. Les principales sources d’écart entre ces deux approches sont explicitées ;
  • L’annexe (hors bilan) enrichit l’information comptable en présentant notamment, de manière qualitative, les risques difficiles à chiffrer. Elle présente en outre les options comptables retenues, ainsi que la trajectoire d’amélioration sur laquelle s’est engagée l’État pour les années à venir.

Quant aux rapports annuels de performances (RAP), ils présentent les résultats des administrations au regard des engagements pris en loi de finances initiale. Ils permettent notamment d’évaluer l’amélioration de la performance en comparant, ex post, les résultats au regard des objectifs initialement fixés. La loi de règlement du budget et d’approbation des comptes devient donc un outil de contrôle et d’évaluation des politiques publiques mises en œuvre par l’État. Elle permet d’identifier les marges de progrès et engage l’administration dans une dynamique vertueuse.

Il faut noter aussi que la loi de règlement ou la loi organique relative à la loi de finances introduit le principe de « chaînage vertueux » en prévoyant le dépôt du projet de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes avant le 1er juin de l’année suivant celle à laquelle elle s’applique, et son examen en première lecture avant le vote du projet de loi de finances de l’année suivante. Le Parlement peut ainsi contrôler les résultats de l’exécution de l’année N avant de procéder à la discussion des crédits et des objectifs proposés pour l’année N+2. Il s’agit donc de lier les discussions de la loi de règlement du budget et d’approbation des comptes et celle du projet de loi de finances (PLF) afin de permettre aux parlementaires de tirer les conséquences pour l’avenir des résultats observés et de créer un véritable « cycle de la performance ».

Pour atteindre ces objectifs,  La LOLF a élargi et précisé le concours que la Cour des comptes apporte au Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances :

  • La Cour des comptes présente d’abord un acte de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État qui est annexé au projet de loi de règlement ;
  • Elle dépose ensuite un rapport, conjointement au dépôt du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, portant sur les résultats et la gestion budgétaire pendant l’exercice antérieur. Il analyse l’exécution des lois de finances sous tous ses aspects, y compris l’exécution des crédits par mission et par programme dans la logique de performance prévue par la LOLF ;
  • Elle dépose enfin un rapport, dans le courant du mois de juin conjointement au rapport du Gouvernement sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, préliminaire au débat d’orientation budgétaire.

Fort de tout ce qui précède, la définition de la LOLF et son importance, dans le suivi et l’exécution de toute loi de finances et au – delà dans la mise en œuvre du programme de politique générale présenté par M. Sarandji, il y a déjà plus d’une année et  adopté à l’unanimité par tous les représentants de la nation sans exclusive, ayant été connues, il est facile de comprendre que l’exigence de la conditionnalité de la présentation de la loi de règlement n’est que l’expression du souci du président de l’assemblée nationale et de tous les députés à jouer pleinement leur rôle et à exercer leur pouvoir de contrôle d’actions gouvernementales, dans le seul but de pousser les autorités légales et légitimement établies  non seulement à rendre compte de leur gestion à ceux qui les ont élus mais surtout à tendre un peu plus vers l’observation de la discipline budgétaire, de l’allocation stratégique des ressources et de la prestation efficiente des services publics, comme l’exigent les règles de la bonne gouvernance et de la transparence, dans toute démocratie.

Affaire à suivre…. !

Jean – Paul Naïba

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