Mines : M. Mboli Fatrane, comment les réseaux sociaux alimentent le marché noir des diamants centrafricains

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En suivant les traces qu’ils laissent sur les réseaux sociaux, l’ONG Global Witness a montré comment les trafiquants de diamants exportent des diamants liés au conflit en République centrafricaine.

Des pierres qui voyagent et que l’on peut suivre à la trace sur les réseaux sociaux, tel est le constat fait par l’ONG Global Witness. Dans son enquête en immersion, intitulée « Game of stones » (« La chasse aux pierres), l’ONG montre en effet comment les nouveaux trafiquants, négociants de diamants se servent de plateformes comme Facebook, Whatsapp ou encore Instagram pour trouver des acheteurs.

Un business connecté qui pourrait presque passer pour normal si ces pierres précieuses n’étaient pas issues de République centrafricaine ou un conflit fait rage depuis plusieurs années, et où le trafic de ces diamants sert souvent à enrichir les factions armées qui s’y affrontent.

Un business important pour la RCA

L’Histoire a prouvé qu’il est difficile d’interdire complètement le commerce des diamants originaires de République centrafricaine. Si en 2013, la RCA se voit « suspendue du Processus de Kimberley, un système international conçu pour limiter les fonds que les groupes armés peuvent dégager du commerce de diamants », dès 2016 la suspension est levée. Et pour cause, le constat est fait que « des milliers de personnes – ainsi que les recettes fiscales du gouvernement – dépendent du commerce de diamants centrafricains ».

Une levée partielle, cependant, car les ex-Séléka ( auteurs d’un coup d’État en 2013 ) contrôlent encore des zones diamantifères et se servent de l’argent généré pour alimenter le conflit. Le Processus de Kimberley met alors en place des « zones conformes » dont les diamants extraits peuvent être vendus.

Trouver des acheteurs via les réseaux sociaux

Seulement, cela ne suffit pas à empêcher les petites pierres précieuses de RCA d’entrer sur le marché noir, ont constaté Aliaume Leroy et Michael Gibb de Global Witness. En utilisant les mêmes réseaux sociaux qu’eux, et en se faisant passer pour des acheteurs sérieux, ils ont réussi à rentrer en contact avec sept trafiquants, négociants et marchands de diamants.

C’est l’efficacité de ces plateformes qui les intéresse : c’est plus simple et plus facile

Les journalistes ont principalement utilisé Facebook, Facebook Messenger ou encore Instagram pour finalement s’entretenir avec eux via Whatsapp. Les trafiquants envoient des photos en guise de garantie puis, comme dans n’importe quelle sorte de transaction, « cela se joue beaucoup à la confiance », reconnaît Michael Gibb.

Diamant 1

Global Witness montre comment les trafiquants de diamants cherchent, en utilisant des plateformes de réseaux sociaux, à exporter illégalement des diamants associés au conflit violent qui persiste en République centrafricaine (RCA). – Global Witness

« Les trafiquants utilisent ces nouvelles technologies car cela leur permet d’accéder à un réseau d’acheteurs ou de négociants hors de leurs frontières, ajoute le journaliste de Global Witness. C’est l’efficacité de ces plateformes qui les intéresse : c’est plus simple et plus facile, surtout lorsqu’il s’agit de vendre des pierres à l’étranger. »

Une fois la transaction conclue, faire sortir les pierres de RCA est un jeu d’enfant, tant « les frontières internationales sont poreuses ». Direction alors le Cameroun où les trafiquants font faire des « papiers » aux diamants jusque-là clandestins. « Une fois ce processus terminé, les diamants de la RCA peuvent être commercialisés comme s’ils avaient été minés ou achetés au Cameroun », indiquent les journalistes.

 Un besoin de transparence

« Ces trafiquants vivent aux XXIe siècle et ils en utilisent les technologies pour élargir leurs affaires, constate Michael Gibb. Tandis que les organisations chargées de faire appliquer les décisions internationales sont encore au XXe siècle. » Ce n’est donc pas tant l’usage des réseaux sociaux pour exporter des diamants issus de zones en conflit, qui scandalise l’ONG, mais bien « l’absence de technologie pour partager les informations » sur les transactions diamantaires.

Global Witness plaide pour le développement d’outils permettant notamment de suivre les trajets des diamants ou encore s’assurer que toutes les taxes ont bien été payées. Elle appelle tous les acteurs du secteur à faire oeuvre commune pour que l’argent des diamants ne serve plus à alimenter les conflits.

L’ONG recommande en outre aux instances internationales de tirer les leçons de l’histoire de la RCA. « L’un de ces enseignements est qu’une reprise trop rapide du commerce des ressources naturelles, surtout en l’absence de contrôles et de gouvernance efficaces dans le secteur, pourrait être préjudiciable à long terme ».

Global Witness demande enfin aux compagnies qui vivent du diamant d’appliquer un devoir de diligence. En somme, elle incite les acteurs du secteur à savoir avec qui ils travaillent exactement, d’où viennent véritablement les pierres qu’ils achètent. Mais surtout, l’industrie du diamant doit « rendre compte publiquement » de ses zones d’approvisionnements en diamant, dans un souci constant de transparence.

Source : Les Echos /@EnriqueMoreira

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