Mémorandum. SAUVER LE CENTRAFRIQUE, IL Y A URGENCE ! Ë Zîngo Bîanî – Front Uni pour la Défense de la Nation

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Mémorandum. SAUVER LE CENTRAFRIQUE, IL Y A URGENCE ! Ë Zîngo Bîanî – Front Uni pour la Défense de la Nation

RÉSUMÉ EXÉCUTIF

Le Peuple Centrafricain vit un malheur sans fin :

  • Les massacres, les razzias et pillages, les violences de toutes sortes sur la population se sont accentués après les élections de 2015-2016 ;
  • Les massacres, les razzias et pillages, les violences de toutes sortes sur la population se poursuivent encore malgré l’Accord Politique pour la Paix et la réconciliation de Khartoum/Bangui ;
  • La population centrafricaine a été et reste abandonnée à elle-même, livrée aux exactions des groupes armés sans la protection des autorités;

La République Centrafricaine est menacée simultanément de dislocation et de dictature:

  • La République Centrafricaine est délibérément vidée de sa substance humaine, territoriale et politique ;
  • En République Centrafricaine un régime anti-démocratique, liberticide s’installe à grands pas.

Il est urgent que chaque acteur s’engage afin d’inverser cette dynamique négative pour les Centrafricains et la République Centrafricaine :

  • Les Centrafricains ont le devoir, et le droit, de sauver leur pays et eux-mêmes par la même occasion, par tous les moyens qu’autorise la Constitution ;
  • Les autorités de l’Etat, à commencer par le Président de la République et le Gouvernement, doivent opérer immédiatement un sursaut démocratique et assumer, enfin, leur mission de sauvegarde des Centrafricains et de la République ;
  • La Communauté internationale se doit de favoriser et de garantir ce sursaut démocratique ; elle doit aussi assumer clairement et concrètement, dans sa dimension MINUSCA, sa mission de protection de la population civile et de garantie d’épanouissement de l’ordre démocratique.

INTRODUCTION

Avec l’appui de la Communauté internationale, le Peuple Centrafricain s’est battu en 2015-2016, en bravant les menaces de représailles et même les balles réelles des groupes armés, pour mettre en place par ses votes les différents éléments du retour à l’ordre constitutionnel : approbation d’une nouvelle Constitution, élection au suffrage universel direct du Président de la République, en la personne de Faustin Archange TOUADÉRA, et élection directe des députés formant la nouvelle Assemblée Nationale qui a succédé au Conseil National de Transition.

Ce combat du Peuple Centrafricain était soutenu par un immense espoir et par une ferme volonté, renforcés tous les deux par les promesses fermes faites par les candidats aux élections et par la Communauté internationale : à savoir que le retour à l’ordre constitutionnel devait permettre de mettre fin aux souffrances des Centrafricains.

Force est de constater : plus de trois (3) ans après l’installation des institutions démocratiques et constitutionnelles, la situation est plus dramatique que jamais. Les maux qui gangrènent le pays de longue date se sont empirés, avec pour cause directe un retour aux pratiques de mauvaise gouvernance du passé, voire un « perfectionnement » de ces mauvaises pratiques.

Citoyens Centrafricains et Forces vives de la Nation centrafricaine, nous n’avons cessé d’alerter le pouvoir et la Communauté internationale sur le malheur des Centrafricains et sur les grands dangers que court le pays, et qui ne sont rien de moins que le risque de dislocation de notre patrie bien aimée et le génocide de sa population. Mais en vain.

A l’heure où ce que nous redoutions est en train de se concrétiser, nous avons estimé qu’il était de notre devoir face à l’histoire de nous unir. Ainsi avons-nous créé Ë ZÎNGO BÎANÎ – FRONT UNI POUR LA DÉFENSE DE LA NATION, dynamique de rassemblement national regroupant organisations de la société civile, partis et organisations politiques et personnalités indépendantes.

A cette même heure, en tant que FRONT, nous estimons qu’il est de notre devoir face à l’histoire de lancer une ultime alerte. Qu’elle soit comprise par ceux qui l’entendront à la fois comme cri de détresse et comme résolution d’un peuple à sauver son pays et lui-même.

Le présent Mémorandum représente cette ultime alerte. Il décrit brièvement les malheurs que vit quotidiennement le Peuple Centrafricain jusqu’à ce jour, y compris après l’Accord politique pour la paix et la réconciliation négocié à Khartoum et signé à Bangui le 6 février 2019. Il décrit ensuite le processus en cours de destruction du pays et de perversion du régime démocratique voulu et conquis par les Centrafricains. À la suite de quoi il appelle les uns et les autres, spécialement les autorités nationales et la Communauté internationale à un sursaut de responsabilité active et positive.

LE PEUPLE CENTRAFRICAIN VIT UN MALHEUR SANS FIN

Les massacres, les razzias et pillages, les violences de toutes sortes sur la population se sont accentués après les élections de 2015-2016.

En effet, dans la vie concrète de la population centrafricaine, le retour à l’ordre constitutionnel en 2016 n’a apporté ni quiétude, ni sécurité. Bien au contraire.

Les groupes armés n’ont fait, depuis, que se multiplier et étendre leurs zones de contrôle, passant ainsi, entre 2016 et 2019, de moins d’une dizaine à 14 groupes armés aujourd’hui et d’environ 60% de territoire occupé à plus de 80%.

Les exactions des groupes armés se sont poursuivies de plus belle, avec des attaques ciblées sur la population civile et des massacres d’une cruauté sans nom, des pillages systématiques, des incendies de villages, des destructions de lieux de culte, etc. Les villes et villages d’Alindao, de Bambari, de Bangassou, de Bocaranga, de Bria, de Kaga Bandoro, de Gambo, de Gbambia, de Kémbé, de Kongbo, de Kouango, de Koui, de Mobaye, de Nyem, de Paoua, d’Yppy, de Zémio, pour ne citer que ceux-là, évoquent tous, dans notre mémoire collective, le souvenir de massacres à grande échelle perpétrées après le retour à l’ordre constitutionnel par les groupes armés, spécialement par les groupes dirigés par des mercenaires étrangers que sont l’UPC d’Ali DARASSA, les 3R d’Abbas SIDIKI et le MPC de Mahamat AL KHATIM.

Ces attaques ont jeté hors de chez eux un nombre croissant de personnes, livrées à elles-mêmes et à des conditions inhumaines de vie. De fait, entre le 31 mars 2016 et la signature de l’Accord de Khartoum/Bangui en début février 2019, on est ainsi passé, selon les sources du HCR, de 481.559 Centrafricains réfugiés dans les pays voisins et 421.283 déplacés internes, à 576.884 réfugiés et 636.489 personnes déplacées.

Les massacres, les razzias et pillages, les violences de toutes sortes sur la population se poursuivent encore malgré l’Accord de Khartoum.

L’Accord de Khartoum/Bangui et ses promesses. L’Accord Politique pour la paix et la réconciliation de Khartoum/Bangui de début février 2019 était présenté par le Président de la République et le Gouvernement centrafricains, par les garants que sont l’Union africaine, les Nations Unies et la CEEAC, comme celui qui ramènerait définitivement la paix en RCA, étant donné qu’il ordonne la cessation immédiate, totale et irrévocable des hostilités entre groupes armés et des violences faites à la population ; qu’il prévoit le démantèlement, immédiat lui aussi, des barrières qui empêchent la libre circulation et la libre activité des personnes ; et qu’il commande la prise d’un ensemble de mesures de sécurisation à concrétiser dans les trois (3) mois, dont le désarmement des groupes armés et, ensuite, leur dissolution ; le tout sous peine de sanctions sévères.

Les promesses de l’Accord de Khartoum/Bangui sont restées de simples promesses car la réalité vécue par les populations, en particulier dans nos provinces, est toute autre que se laissait espérer l’Accord, et toujours aussi dramatique. En effet, plus de cinq (5) mois après la signature de cet Accord, aucune des promesses de l’accord quant à la sécurisation des populations ne s’est réalisée. Les groupes armés contrôlent toujours et plus que jamais les territoires qu’ils occupent. Certains groupes armés continuent même à étendre leurs zones d’occupation : c’est le cas tout particulièrement de l’UPC de Ali DARASSA, qui s’est clairement engagée dans une conquête de tout le Mbomou et le Haut-Mbomou, Préfectures situées dans l’Est du pays. De fait, les massacres de populations civiles et les assassinats ciblés se poursuivent. Il ne se passe en effet pas un jour depuis début février sans que les groupes armés tuent à travers le territoire. En plus de cela, on enregistre périodiquement des massacres à grande échelle, exécutés avec un cynisme et une cruauté voulus, pour semer la terreur.

Mai 2019, Région de Paoua, massacres par les éléments du groupe 3R de SIDIKI

C’est ainsi qu’au cours du seul mois de mai 2019, plus de 120 personnes ont été massacrées, pour la plupart noyées, et des villages entiers incendiés par les éléments de l’UPC à Zangba et ses environs dans la Préfecture de la Basse Kotto sous le prétexte de contrôles sur les populations en application de l’Accord de Khartoum/Bangui ; que cinquante-six (56) personnes, qui avaient été regroupées pour une soit disant réunion de cohésion sociale, ont été ligotées, égorgées et criblées de balles par des éléments des 3R commandés par Abbas SIDIKI dans la sous-préfecture de Paoua dans la Préfecture de l’Ouham Pendé ; qu’une religieuse, Soeur Inès Nieves SANCHO, a été sauvagement assassinée à Nola dans la Préfecture de la Sangha Mbaéré. Des exactions se poursuivent aujourd’hui, de la part de l’UPC, dans les Préfectures du Mbomou et du Haut Mbomou, où des villes et villages entiers ont été vidés de leurs populations, parce que tuées ou déplacées de force.

La population centrafricaine est abandonnée à elle-même, livrée aux exactions des groupes armés sans la protection des autorités.

Le fait est que, face à ces différentes et constantes exactions, qui non seulement violent les lois nationales et internationales mais portent aussi une atteinte profonde à la conscience humaine, les populations, tout particulièrement dans les Préfectures occupées, n’ont pu jusqu’{ présent compter sur les autorités de l’Etat centrafricain, ni sur la force internationale qu’est la MINUSCA.

Avant l’accord de Khartoum/Bangui. Avant l’Accord de paix, le scénario macabre était à chaque fois sensiblement le même : un groupe armé annonce ses objectifs plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l’avance, ou effectue des préparatifs militaires de renforcement de ses capacités sur la zone qu’il envisage d’attaquer, dont par exemple l’acheminement de renforts à travers le pays, et ceci sans qu’aucune mesure de dissuasion ne soit prise ni par le pouvoir, ni par la MINUSCA (alerte précoce, patrouilles robustes). Le jour choisi par le groupe armé, l’attaque est menée, toujours de grande violence et bestialité : sites de déplacés ou villages brulés et pillés, personnes de tous âges abattues, égorgées ou brulées vives, des rescapés traumatisés errant dans les brousses et forêts, exposés aux dangers que peut représenter la nature pour des individus déjà particulièrement vulnérables. Or, à aucun moment, ni avant, ni au moment de ces attaques, les FACA ou les Forces de sécurité intérieure (FSI) ne sont déployées ou n’interviennent sur le terrain. A cela s’ajoute le fait qu’aucune autorité nationale n’a jamais été dépêchée sur les lieux en temps utile après les attaques, qu’aucune action nationale sérieuse de secours aux populations ainsi frappées par le malheur n’a été entreprise sauf par les ONG, et qu’aucune enquête ni aucune poursuite n’ont été diligentées contre les auteurs et responsables. Même après le retour à l’ordre constitutionnel le « nettoyage humain » de la République Centrafricaine s’est poursuivi méthodiquement, au vu et au su de tout le monde, nourri par l’inaction totale du Gouvernement et par l’inaction relative de la MINUSCA.

Alindao, nov. 2018, attaque de l’UPC d’Ali DARASSA

Après l’accord de Khartoum/Bangui. Le sort des populations de ce point de vue ne s’est cependant pas amélioré avec l’Accord de paix. Bien au contraire. De l’aveu même du nouveau Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU en Centrafrique, qui est par ailleurs le chef de la MINUSCA, M. Mankeur NDIAYE, s’adressant aux membres du Conseil de Sécurité, on enregistre actuellement plus de soixante-dix (70) violations de l’Accord de Khartoum/Bangui par semaine, dont des violences commises sur la population civile. Pour prendre les exemples déjà cités, les massacres de Zangba de mai 2019 (plus de 120 morts) n’ont été suivis d’aucune réaction du pouvoir de Bangui, si ce n’est la nomination du chef de l’UPC responsable des groupes ayant commis ces crimes, le mercenaire étranger Ali DARASSA, aux hautes fonctions de Conseiller militaire auprès du Premier Ministre et de Commandant militaire de la Région Centre, ainsi que son élévation de fait au plus haut grade militaire (Général d’armée).

Bambari, mai 2019, intronisation de Ali Darassa

Des récits faits par les survivants et témoins des massacres de mai 2019 dans la région de Paoua (plus de 56 morts), récits faits y compris devant les autorités (le Ministre de la Sécurité publique et des Députés), il est apparu que ces massacres-ci se sont déroulés sans intervention du contingent de la MINUSCA qui était pourtant sur zone au moment des faits. La réalité est aussi que, près de deux mois après ces massacres, aucune mesure de justice, d’assistance ou de protection des populations de cette région n’a encore été prise. Au lieu de quoi, une délégation gouvernementale s’est rendue le 15 juin 2019 auprès du responsable principal de ces massacres, le mercenaire étranger Abbas SIDIKI, pour transmettre les remerciements du gouvernement et l’assurer de la bonne volonté de celui-ci et de celle du Chef de l’Etat à son égard.

À Zangba comme dans la région de Paoua, les mesures prévues par l’Accord de Khartoum/Bangui sont restées lettre morte : pas de mise en oeuvre des « mesures répressives » prévues par l’article 35 de celui-ci, ni, en ce qui concerne la MINUSCA, des « mesures temporaires d’urgence » prévues par le point 9 de l’Annexe de l’Accord.

Le grand malheur que vit ainsi le peuple Centrafricain se double aussi d’une dérive du pays, la République Centrafricaine, qui court aujourd’hui un risque sérieux de dislocation, en même temps que d’enracinement d’une dictature liberticide.

LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE EST SIMULTANÉMENT MENACÉE DE DISLOCATION ET DE DICTATURE

La République Centrafricaine est délibérément vidée de sa substance humaine, territoriale et politique.

Les autochtones sont exterminés et remplacés. Six années après le début de la crise que vit encore aujourd’hui le pays, il faut se rendre à l’évidence : il y a bien un plan, exécuté méthodiquement par les groupes armés, d’élimination des Centrafricains sur leur territoire. Toutes les « techniques » ont été employées et continuent de l’être : élimination physique, élimination administrative par la destruction des données d’identification en tant que Centrafricain, effacement des traces de vie par la destruction systématique des lieux de vie et d’activités, éloignement forcée du territoire et autres. Dans le même temps, un remplacement des populations ainsi éliminées ou chassées de leurs terres est organisé. Ce processus de disparition provoquée, forcée, des Centrafricains se poursuit, même après l’Accord de Khartoum/Bangui. Il est même accéléré dans certaines régions. C’est le cas actuellement dans le Haut-Mbomou et le Mbomou, où on assiste à un afflux massif de populations Peuhles en provenance de la République Démocratique du Congo et du Soudan, et ce depuis plusieurs mois, orchestré par l’UPC et ses alliés.

Bangassou, marche de femmes en désarroi

Le territoire national est aujourd’hui amputé de fait. Le fait est qu’aujourd’hui, dans plus de 80% des 623.000km2 constituant la République Centrafricaine, il n’y a plus d’Etat. Les représentants de l’Etat qui se trouvent dans ces territoires occupés ne se sont pas vus offrir les moyens de rétablir, même progressivement et à minima, l’autorité de l’Etat. L’Etat n’y assure plus les services publics élémentaires, tels que l’école ou les centres de santé. Le pouvoir et les moyens de l’Etat, notamment les moyens de protection, sont délibérément concentrés dans la capitale, Bangui. Pendant ce temps, les groupes armés exercent sur les territoires qu’ils occupent un pouvoir absolu. Ils contrôlent, établissent des barrières comme bon leur semble, lèvent l’impôt ou plus exactement rackettent la population, exercent leur justice, emprisonnent, exécutent quotidiennement des châtiments corporels, usent du droit de vie et de mort qu’ils se sont donnés sur les populations. Bref, les chefs de guerre exercent sur « leur » territoire un pouvoir absolu, et ces territoires sont aujourd’hui dans la pratique des entités détachées de l’Etat. Pour se rendre dans un de ces territoires, le Président de la République lui même, les membres du Gouvernement de la République, les députés de la Nation ou tout membre d’une institution centrafricaine doit obtenir l’accord du chef de guerre qui y a autorité. Il en est de même pour le déploiement des représentants de l’Etat ou des forces de défense ou de sécurité nationale, auquel d’ailleurs continuent à s’opposer ces chefs de guerre, même après l’Accord de Khartoum/Bangui. Le résultat est que chaque zone occupée fonctionne d’ores et déjà comme une entité totalement autonome, pour ne pas dire souveraine, séparée de notre pays. Elle n’est dorénavant composante de la République Centrafricaine qu’en théorie. Plus grave encore, pour les territoires qui sont contrôlés par DARASSA, SIDIKI ou AL KHATIM, pour ne citer que ceux-là, la réalité est qu’ils sont passés aux mains d’étrangers qui les régentent et les exploitent. La phase finale, où on passera de territoires sortis de la République à des territoires indépendants, n’est plus aujourd’hui qu’une question de temps et de forme à donner à ce qui est déjà acquis dans les faits.

Cartographie de l’occupation

Le pouvoir est accaparé par les groupes armés, et notamment par des étrangers. Le pouvoir en Centrafrique qui, depuis le retour de l’ordre constitutionnel, devrait appartenir au Peuple Centrafricain, est désormais concrètement entre les mains des groupes armés et de mercenaires étrangers. Ils l’exercent eux-mêmes, directement, dans « leurs » territoires, et indirectement, en influant sur le sommet de l’Etat. L’Accord de Khartoum/Bangui a eu l’effet, totalement désastreux pour l’avenir du pays, d’officialiser et de légitimer le pouvoir qu’exercent localement ces groupes armés, en dehors de l’Etat. C’est là la conséquence première de ces décrets par lesquels le Président TOUADÉRA a nommé les chefs de guerre Commandants de zones militaires qui coïncident avec les territoires qu’ils contrôlent.

Sidiki, Al Khatim, Darassa, mercenaires étrangers, chefs de groupes armés, nommés conseillers militaires du Premier ministre et chefs de régions militaires

Ces décrets les ont à ce point conforté dans leurs pouvoirs qu’ils font face à l’Etat avec plus d’arrogance encore et refusent aux autorités nationales le droit de se mêler de « leurs » affaires. Dans le même temps, les groupes armés ont obtenu d’être associés au pouvoir de Bangui, ce qui a été fait en nommant leurs membres au Gouvernement et dans les cabinets du Président de la République, du Premier Ministre et du Président de l’Assemblée Nationale, leurs chefs aux fonctions de conseillers militaires auprès du Premier ministre, et en élevant ces mêmes chefs de guerre aux plus hauts grades militaires, le tout en violation de la Constitution qui interdit que des personnes entrées en rébellion puissent occuper des positions dans la sphère publique (article 28 de la Constitution).

Bref, la République Centrafricaine n’a jamais été aussi prête d’être une coquille totalement vide, avec une population qui s’éteint peu à peu, avec un territoire réduit pratiquement au peu que représente la capitale et ses abords, et avec le véritable pouvoir politique et de contrainte qui est situé hors de l’Etat et, plus préoccupant encore, entre les mains d’étrangers, qui plus est responsables des crimes les plus abominables.

En République Centrafricaine un régime anti-démocratique et liberticide s’installe à grand pas.

La perte presque achevée, comme on l’a vu, du pays s’accompagne dans le même temps d’une tendance très nette des autorités du régime de Bangui à tourner le dos aux valeurs démocratiques et de bonne gouvernance qui les ont portés au pouvoir.

Des pratiques aggravées de mauvaise gouvernance qui ont accentué le sous-développement et le dénuement des populations. Les Centrafricains le constatent, et les représentants de la Communauté internationale à Bangui ne peuvent pas prétendre l’ignorer : le pouvoir du Président TOUADÉRA s’est fait remarquer en ces trois premières années de mandat par son caractère clanique et clientéliste, par un détournement quasi-systématique des fonds et des biens publics, par la captation des marchés publics par les dignitaires du régime eux-mêmes ou par les membres de leurs familles et leurs « amis », ainsi que par des pratiques avérées de corruption à grande échelle, notamment à l’occasion de la conclusion des contrats miniers et forestiers. Ceci au détriment du pays et des populations. C’est ce qui explique qu’en trois (3) ans et demie de règne, aucune réalisation d’importance n’ait vu le jour, et même qu’aucun investissement d’envergure n’ait été réalisé ; au point que depuis plus de trois (3) mois l’eau potable et l’électricité manquent jusque dans la capitale (!) ; au point que les établissements de santé de Bangui, dont le nombre ne s’est guère accru, sont devenus des mouroirs.

Chercher de l’eau à Bangui aujourd’hui

La République Centrafricaine, en ces trois (3) ans et demie, a reculé jusqu’à être aujourd’hui dernier pays en termes d’indice du développement humain (188e rang sur 188 pays) selon les données de la Banque Mondiale, avec plus de 75% de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, toujours selon les données de la Banque Mondiale, et avec, selon OCHA, un nombre de personnes ayant besoin d’aide et de protection qui est passé de 2,5 millions à 2,9 millions sur environ 5 millions d’habitants, dont 1,9 million ont besoin d’une assistance aiguë et immédiate, soit une augmentation de 16% en 2019 par rapport à l’année 2018. Au total, ce qu’il faut retenir au-delà de ces chiffres, c’est qu’il y a une population qui, dans sa quasi-totalité, hormis les nantis amis du régime, est en situation de grande précarité et de grande détresse matérielle et morale.

Un régime de plus en plus dictatorial et répressif. Les tendances que l’on a pu constater depuis le début de ce régime – glissement vers le pouvoir personnel, neutralisation des contrepoids telle que l’Assemblée Nationale moyennant une corruption massive des Députés (dont le point d’orgue a été la destitution du Président de l’Assemblée nationale), l’assujettissement et l’instrumentalisation de la justice par le jeu de nominations familiales, claniques et des arrestations des personnes considérées comme adversaires politiques (LAKOSSO, MOKWAPI, NGAÏSSONA, VACKAT, BENINGA etc.) – se sont révélées au grand jour.

15 juin 2019, déploiement de force pour empêcher le rassemblement pacifique de Ë ZÎNGO BÎANÎ

Depuis quelques mois, spécialement après la création de Ë ZÎNGO BÎANÎ – FRONT UNI POUR LA DÉFENSE DE LA NATION (EZB/FUDN), cette dérive s’est accentuée par les faits suivants :

  • Développement d’un discours présentant les citoyens qui souhaitent exercer leurs libertés constitutionnelles – d’association, de réunion et de manifestation pacifiques notamment – comme des ennemis de la paix et des terroristes, tandis que les membres des groupes armés sont qualifiés de « partenaires de paix » ;
  • Enrôlement de chefs des groupes armés par le parti du Président de la République – MCU ou Mouvement des Coeurs Unis – pour leur confier des fonctions de préparation des élections ;
  • Verrouillage des médias publics, transformés en instruments de propagande du régime et interdits aux organisations politiques d’opposition et à la société civile ;
  • Déploiement massif des forces de défense et de sécurité, ainsi que de la garde présidentielle pour empêcher les meetings pacifiques auxquels a appelé EZB les 15 , 22 et 29 juin 2019; tirs à balles réelles sur des manifestants non armés le 15 juin 2019 ; arrestation d’un leader de parti politique, M. Joseph BENDOUNGA, et de deux journalistes internationaux correspondants de l’AFP en marge de l’action pacifique du 15 juin 2019 ; projet d’assassinats de leaders politiques lors de l’action prévue le 22 juin ;
  • Création, entretien et armement de milices à Bangui, dénommées « les Requins », « Les sans voix » et « Talitha Koum » ; des milices qui, sans être inquiétées ni par la police ni par la justice, annoncent publiquement, à travers des communiqués lus sur les ondes de la radio publique nationale, la « traque » des leaders de EZB, leur promet des « sévices corporels », des « attaques ensanglantées », et appelle au meurtre de soi-disant opposants au régime nommément désignés ; des milices, spécialement « les Requins », qui ont été déployés le 15 juin pour casser du manifestant ; des milices qui, pour le meeting du 22 juin, ont lancé des messages de terreur à l’encontre des populations des quartiers concernés, leur ordonnant de quitter leurs domiciles sous peine de représailles ;
  • Harcèlement policier et judiciaire permanent des paisibles citoyens.

IL EST URGENT QUE CHAQUE ACTEUR S’ENGAGE AFIN D’INVERSER CETTE DYNAMIQUE NÉGATIVE POUR LES CENTRAFRICAINS ET LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

Les Centrafricains ont le devoir, et le droit, de sauver leur pays et eux-mêmes par la même occasion, par toutes les voies qu’autorise la Constitution

Aucun Peuple au monde ne peut accepter de rester inerte face { un drame national d’une telle ampleur et d’une telle gravité, face { la menace de disparition de son pays, face à la captation du pouvoir dans son pays par des gangs et par des étrangers, face à l’entreprise d’extermination qu’on a décrite plus haut, face à la négation systématique des droits et libertés des citoyens, et face à des souffrances matérielles telles que celles que vit au quotidien le Peuple centrafricain depuis près de six (6) ans.

C’est en réaction légitime à tout cela qu’a été créé Ë ZÎNGO BÎANÎ – FRONT UNI POUR LA DÉFENSE DE LA NATION, pour défendre la cause des Centrafricains et de la République Centrafricaine, en faisant prendre conscience des souffrances du peuple et des grands dangers que court notre pays.

Ë ZÎNGO BÎANÎ – FRONT UNI POUR LA DÉFENSE DE LA NATION est un regroupement de citoyens à vocation politico-sociale, résolue à agir pacifiquement en recourant aux seuls moyens que prévoit la Constitution, à savoir la liberté d’association et la liberté syndicale, la liberté d’expression, la liberté de réunion et de manifestation pacifiques.

Bref, le projet de Ë ZÎNGO BÎANÎ – FRONT UNI POUR LA DÉFENSE DE LA NATION est d’user des libertés constitutionnelles pour obtenir des autorités du pays le respect de la Constitution, la protection des Centrafricains et la sauvegarde du pays, pour appeler la Communauté internationale à appuyer l’épanouissement de l’ordre démocratique en Centrafrique en même temps qu’elle garantirait enfin une protection effective des populations civiles.

Les autorités de l’Etat, à commencer par le Président de la République et le Gouvernement, doivent opérer immédiatement un sursaut démocratique et assumer, enfin, leur mission de sauvegarde des Centrafricains et de la République.

Cela passe par des réponses concrètes et précises à apporter aux revendications de Ë ZÎNGO BÎANÎ, qui, en prenant le relais des organisations membres, porte inlassablement auprès des autorités, sans succès jusqu’à présent, à savoir, pour l’essentiel :

  • Faire cesser les violations des droits et libertés constitutionnelles : notamment levée de l’interdiction de manifestation pacifique et cessation de la répression ;
  • Engager de fermes actions administratives et judiciaires contre les « requins », « les sans voix » et « Thalita Koum », pour incitation à la haine, appel à la violence et à l’assassinat, et entrave à l’exercice des libertés publiques ;
  • Rapporter les décrets de nomination des chefs de guerre dans l’appareil d’Etat à quelque poste que ce soit, et ceux nommant aux fonctions de chefs de régions militaires ;
  • Mettre en oeuvre l’article 35 de l’accord de Khartoum (mesures répressives) et le point 9 de son annexe (mesures temporaires d’urgence à mettre en oeuvre par la MINUSCA) à l’égard des groupes 3R et UPC, et engager des poursuites pénales contre leurs chefs ;
  • Agir en urgence pour garantir, de manière pérenne, à la population l’accès à l’eau potable, à l’électricité, ainsi qu’aux infrastructures et services de base ;
  • Réactiver les mécanismes de contrôle du pouvoir, spécialement du Gouvernement, et activer concrètement et fermement les mécanismes de lutte contre la corruption.

La Communauté internationale se doit de favoriser et de garantir ce sursaut démocratique ; elle doit aussi assumer clairement et concrètement, dans sa dimension MINUSCA, sa mission de protection de la population civile et de garantie d’épanouissement de l’ordre démocratique

Ë ZÎNGO BÎANÎ est conscient des grands efforts, notamment financiers, déployés par la Communauté internationale et les pays amis pour venir au secours de la République Centrafricaine, pour aider à sa stabilisation et à sa reconstruction. C’est pour que ces efforts soient couronnés de succès que Ë ZÎNGO BÎANÎ appelle les partenaires de la RCA à faire le nécessaire pour s’assurer que leurs aides arrivent bien aux populations censées en être les bénéficiaires et aux projets pour lesquels elles sont consenties.

L’un des instruments majeurs marquant l’implication de la Communauté internationale en Centrafrique est la MINUSCA. Ë ZÎNGO BÎANÎ salue le principe de cette implication. Nous remarquons cependant, avec regret, que cette Mission des Nations Unies comprend concrètement son mandat comme étant essentiellement un mandat de protection du pouvoir en place comme ce pouvoir l’entend. Il en résulte que la MINUSCA est de plus en plus utilisée par le régime, non pas pour protéger la population ni pour arrêter les responsables des crimes ignobles commis chaque jour sur le peuple Centrafricain, mais plutôt pour empêcher l’exercice par les citoyens des droits et libertés que la Constitution leur garantit.

C’est pourquoi Ë ZÎNGO BÎANÎ en appelle à la MINUSCA :

  • Pour qu’elle protège plus efficacement et effectivement la population civile ;
  • Pour qu’elle s’abstienne d’entraver l’exercice des libertés des citoyens sous prétexte de protection du régime ;

Et en appelle au Secrétaire Général des Nations Unies ainsi qu’aux membres du Conseil de Sécurité pour qu’ils assurent un contrôle scrupuleux de l’exécution de son mandat par la MINUSCA.


Les membres de Ë ZÎNGO BÎANÎ n’ont aucun doute sur le fait que la cause qu’ils défendent est juste, ni sur le fait que les moyens qu’ils emploient pour défendre cette cause sont légitimes. Ils en appellent à toutes les personnes éprises de paix, de liberté et de dignité pour le Peuple Centrafricain pour qu’elles soutiennent Ë ZÎNGO BÎANÎ dans sa démarche.

Fait à Bangui, le 10 juillet 2019

Ë ZÎNGO BÎANÎ – FRONT UNI POUR LA DÉFENSE DE LA NATION

À Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies, New-York.

Ampliation : MINUSCA- AMBASSADES – UA – CEEAC – CEMAC – UE

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