MALI/ONU : Vers l’inévitable clash ?

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MALI/ONU : Vers l’inévitable clash ?

Le couple Mali/ONU n’a pas manqué, à l’occasion de la tenue de la session du Conseil de sécurité du 18 octobre, de faire une de ces scènes de ménage dont il est coutumier, étalant sur la place publique son désamour grandissant. En effet, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, a fait le rapport du « bilan d’étape » de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) dont, on s’en souvient, le mandat a été renouvelé en juin dernier sur fond de nombreux désaccords. Ce rapport dépeint une situation sécuritaire qui ne cesse d’aller de Charybde en Scylla au Mali avec une « insécurité » qui « continue de s’étendre à l’Ouest et au Sud du pays » et un regain d’activités des groupes terroristes, notamment le Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans (GNIM) lié à Al-Qaeda au Maghreb islamique et l’Etat islamique au Grand Sahara, branche sahélienne du groupe Etat islamique. Mais ce tableau en noir n’est pas du goût des autorités de Bamako qui défendent la thèse selon laquelle les groupes djihadistes sont en débandade du fait de la montée en puissance des Forces armées maliennes (FAMa).

Il plane sur la tête de la MINUSMA comme une épée de Damoclès

Ce bilan diversement apprécié n’est, en fait, que le résultat de graves dissensions apparues entre les deux partenaires qui s’accusent mutuellement de tous les maux. En effet, l’ONU accuse Bamako de multiplier les entraves à ses déplacements (plus d’une quarantaine constatée) et de se comporter en véritable prédateur des droits de l’Homme dans sa stratégie de riposte contre l’insécurité. En retour, la diplomatie malienne dénonce de la part de son partenaire onusien, « une posture négative et hostile ». Malgré ces rapports tendus, le couple Mali/ONU ne prend cependant pas l’option du divorce. Bien au contraire, Antonio Gutteres demande un renforcement des effectifs de la MINUSMA et une dotation conséquente en équipements de combat, notamment en moyens aériens pour parer au départ de Barkhane qui ne peut plus offrir aux Casques bleus, la couverture nécessaire. De son côté, Bamako demande une meilleure coordination dans les opérations avec la MINUSMA qu’il souhaite voir s’intégrer dans sa stratégie de lutte contre les groupes armés. Mais jusqu’où pourra aller cet attelage dans les ergs et regs du désert malien ? En tout cas, ils sont nombreux, les observateurs qui ne parieraient pas un sou sur l’avenir de cette coopération qui semble vouée à un inévitable échec. Il plane sur la tête de la MINUSMA comme une épée de Damoclès, le risque d’être éconduite tel un malpropre du Mali tout comme l’a été la Force française Barkhane qui a trouvé refuge au Niger voisin. Et pour cause. Le régime militaire de Bamako qui use du souverainisme comme d’une monnaie politique destinée à lui acheter la sympathie des foules, ne cessera de flageller l’ONU qui n’est à ses yeux, qu’un instrument de l’impérialisme international et particulièrement français. Et il bénéficie, à cet effet, de l’appui de la Russie qui a là l’occasion de régler ses comptes avec ses ennemis occidentaux qui lui livrent une guerre sans merci dans le conflit ukrainien.

 Les relations entre le Mali et l’ONU tiennent par un équilibre précaire

 A l’opposé, l’ONU qui fait des droits de l’Homme et des libertés démocratiques, son cheval de bataille, ne fera pas de cadeau au pouvoir de Bamako qui, à ses yeux, est un régime anticonstitutionnel. Il est fort probable que les Occidentaux qui sont les principaux bailleurs de fonds de l’ONU, resserrent progressivement les cordons de la bourse, obligeant à un retrait progressif de la mission onusienne du Mali. Mais en attendant, l’on n’en est pas encore là et pour l’instant, les deux partenaires se tolèrent sur fond d’intérêts mutuels.  En effet, pour l’instant, le Mali, contrairement à ce qui se laisse entendre dans son discours officiel, n’a pas intérêt au retrait de la MINUSMA. Le pouvoir malien est en effet bien conscient qu’au-delà de la situation sécuritaire qui fait polémique, la MINUSMA joue un rôle humanitaire irremplaçable. Le Mali, en l’état actuel, n’est pas capable de subvenir à 10 % des besoins humanitaires des populations gravement affectées par l’insécurité et qui sont privées de leurs moyens de production. Assimi Goïta et ses frères d’armes risqueraient donc de se mettre à dos les populations, notamment celles du Nord, s’ils venaient à les priver du seul moyen de subsistance pour bien d’entre eux. Et cela pourrait réveiller le conflit latent avec les mouvements de l’Azawad.  Ensuite, il faut le dire, au plan économique, la MINUSMA est une véritable poule aux œufs d’or pour de nombreux Maliens qui monnayent leurs services avec l’institution. Enfin, au plan politique, la MINUSMA offre l’occasion aux autorités maliennes, de pouvoir disposer de la tribune de l’ONU pour faire entendre la voix d’un pays qui s’est mis en marge de la communauté internationale. De son côté, l’ONU est bien consciente qu’un retrait précipité de la MINUSMA, ferait du Mali un véritable trou noir avec pour conséquence, une totale illisibilité de sa trajectoire en matière de droits de l’Homme. Il s’en suivrait aussi sans nul doute une dégradation accélérée de la situation sécuritaire et humanitaire avec de graves répercussions sur les autres pays de la sous-région. Les relations entre le Mali et l’ONU tiennent donc par cet équilibre précaire mais pour combien de temps encore, pourrait-on bien se demander ?

 « Le Pays »        

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