M. Dondra, faire des économies pour financer des projets de développement, c’est mieux : l’exemple du Niger

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S’endetter pour financer le développement d’un pays comme le nôtre, c’est bien. Faire des économies au sommet de l’Etat pour financer certains projets de développement, c’est encore mieux !
« Plus les débiteurs remboursent, plus ils doivent. Plus le navire de l’économie s’incline, plus il tend à s’incliner(…) Chaque dollar remboursé accroit en réalité le fardeau de la dette. » (Irving Fisher, Théorie des grandes dépressions par la dette et la déflation, 1933)
Les pays en développement peuvent lever des fonds auprès de la communauté financière internationale et financer leur développement grâce à plusieurs instruments : attirer les capitaux étrangers, bénéficier de dons et recourir à l’endettement extérieur. Notre pays s’est en effet inscrit dans cette logique durant la période post indépendance.
Parmi ces instruments, la dette est le seul à engendrer des engagements futurs dans la mesure où elle doit être remboursée à l’échéance. Il est donc nécessaire que l’emprunteur s’assure qu’il sera en mesure de la rembourser, notamment en affectant les fonds de manière efficace afin de générer des revenus qui lui permettront de rembourser sa dette. C’est pourquoi la dette est souvent considérée comme un outil de développement.
Depuis l’indépendance, plusieurs gouvernements, issus de différents régimes (militaires, démocratiques) se sont succédé. Beaucoup d’entre eux ont contracté des emprunts censés financer le développement du pays. Cependant, ces dirigeants n’ont malheureusement pas su utiliser ces fonds de manière efficiente. Et, la charge de la dette accumulée par le Niger, l’un des plus pauvres et les plus endettés de la planète, est devenue pour lui un obstacle au développement. Le mauvais rang (187ème /187 en 2014) qu’occupe notre pays dans le classement Indice de développement humain établi PNUD, est l’une des conséquences directe de cette mauvaise allocation.
Pour mieux appréhender le poids de la dette sur le Niger, et par ricochet sur ses citoyens,  nous allons rapporter celle-ci en fonction du nombre d’habitants,  à travers  une petite illustration. Selon  la BCEAO, le stock de la dette atteignait 644,92 milliards de FCFA, en 2013. Rapporté à la population (17,83 millions d’près la Banque Mondiale en 2013), cela représente (d’après nos calculs) 30584,31 FCFA par habitants ; soit légèrement supérieur au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG)  fixé à 36170,50 FCFA en 2012 par le gouvernement actuel.
Quant au service de la dette, c’est-à-dire la somme à débourser chaque année pour honorer sa dette, il s’établissait à 18,94 milliards de FCFA en 2013 (dernières données disponibles), soit de quoi acheter un avion présidentiel. Le service de la dette est composé du principal à rembourser et des intérêts. La progression devrait s’accentuer dans les prochaines années.
La situation actuelle de la dette
Après allègement consenti au titre de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale, les ratios d’endettement [du Niger] se sont fortement améliorés. Cependant, depuis 2011, l‘année de l’accession de S.E. Mahamadou Issoufou au pouvoir, la dette publique  s’est accrue, pour atteindre 42,6% du PIB en 2014. « Cette augmentation repose avant tout sur une croissance de la dette externe qui est passée de 29,6% du PIB en 2013 à 39,7% du PIB en 2014. Il s’agit de dette multilatérale (78,4%), de dette bilatérale hors club de Paris (19,1%) et des montants correspondants à la part des crédits commerciaux souscrits par la raffinerie SORAZ et garantis par l’Etat.
S’agissant de l’endettement intérieur, des efforts doivent être faits pour réduire le montant des arriérés de paiements vis-à-vis du secteur privé et des entreprises publiques, notamment dans les secteurs de l’eau et de l’électricité. Enfin, on retiendra qu’en février 2014 le Conseil des Ministres nigérien a adopté le projet de loi autorisant la ratification de la Convention Cadre de Crédit entre la République du Niger et la Banque Export-Import de Chine (EXIM-BANK) pour la mise en place d’un financement lié d’un montant d’1 Md USD» (Trésor Français, mars 2015).
Dans le même temps, le ratio du service de la dette sur les exportations (figure 2) – c’est-à-dire le ratio qui mesure la capacité d’un pays à faire face au service de sa dette – s’est amélioré à partir de l’année 2012 ; avant de rechuter en 2013 et retrouver un  niveau légèrement supérieur à celui d’avant l’élection de S.E. Mahamadou. Issoufou (figure ci-dessus). Cette baisse pourrait s’expliquer par l’allocation des fonds dans la production des biens non-exportables tels que les infrastructures : échangeurs, logements sociaux… ; lesquelles devant être financés par les impôts des Nigériens.
Quoique le risque de surendettement soit passé de faible à modéré, le niveau d’endettement extérieur reste nettement en dessous de la limite maximale de 70 % fixée par l’UEMOA. Même si le gouvernement nigérien a de la marge, il devrait adopter des politiques qui conduiront à « faire » du Niger un grand pays producteur et exportateur net de marchandises de la sous-région. Actuellement, notre pays importe davantage qu’il n’exporte et notre balance commerciale reste négative : – 241,5 milliards de FCFA en 2013, ce qui signifie donc que sa dépendance extérieure reste très importante. Comme les exportations génèrent des revenus [futurs] pour un pays, celui-ci pourrait les utiliser pour rembourser « aisément » sa dette.
Autrement, notre pays devra pour les années à venir observer une politique prudente de gestion de la dette et explorer la piste des « économies » sur certaines dépenses publiques [infructueuses] pour financer certains projets de développement.
Faire des économies au sommet de l’Etat
Comme nous l’avons mentionné plus haut, un pays en développement doit recourir aux différents types d’emprunts pour financer son développement. Notre pays, le Niger, n’échappe guère à cette règle. Or, il est avéré qu’en réduisant le train  de vie de l’Etat : réduction de 30%, voire plus, des traitements (salaires) du Président de la République, des ministres et députés par exemple ; accroître la transparence dans la passation des marchés publics, on pourrait réaliser d’énormes économies. Ces dernières pourraient être allouées au financement de certains projets visant à améliorer le quotidien de nos citoyens. On pourrait ainsi éviter aussi les emprunts « tous azimuts » auprès des institutions internationales et limiter notre exposition face à des bailleurs de fonds parfois « peu scrupuleux ».
Un autre fait qui devrait interpeller notre gouvernement, c’est la signature récente par les pays de la CEDEAO, dont le Niger, des Accords sur le Partenariat Economique. Rappelons que ces accords [de libre-échange] entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest prévoient, en effet, une exonération de 75% des produits en provenance de l’Union Européenne. On pourrait donc s’attendre à terme à d’une baisse très significative de recettes douanières, et par ricochet les recettes budgétaires puisque l’UE est le deuxième partenaire commercial du Niger : 19,3% des importations en 2013 selon l’Organisation Mondiale du Commerce. Autrement, l’idée de réduire le train de vie de l’Etat devrait revenir sur le devant de la scène.
S’attaquer aux traitements de nos dirigeants
Au Niger, tout comme dans la plupart des pays africains, la transparence sur les salaires et les indemnités de nos dirigeants est loin d’être acquise. La raison ? Données relevant parfois du secret d’État, diront certains. Or, cette démarche serait nécessaire dans un pays comme le nôtre et qui est actuellement dirigé par des personnes animées de bonne volonté, par  la culture progressiste, et le souci permanent de prôner la transparence dans leur gestion. Il conviendrait également d’accroître le contrôle dans la gestion des différents ministères. Pour ce faire, Président de la République devrait faire signer une charte déontologique à chacun de ses ministres avant que ces derniers ne prennent officiellement fonction, comme l’a fait François Hollande quelques jours après son entrée à l’Elysée. Nous avons repris quelques pistes émanant de Jeune Afrique (2012) et qui peuvent être transposables à notre gouvernement :
  • S’abstenir de toute intervention concernant un membre de sa famille ou un proche : limiter le conflit d’intérêt.
  • Ne pas utiliser son véhicule de fonction hors mission officielle
  • N’utiliser l’avion qu’en cas de nécessité absolue
  • Restituer les frais de mission quand le ministre en question est pris en charge par le pays ou l’organisme qui l’a invité
  • Encadrer les frais de missions des ministres et autres hauts responsables de l’Etat.
Dans un contexte politique fortement marqué par des soupçons de détournement de deniers publics ou de corruption impliquant les hommes politiques nigériens, cette façon de faire devrait accroître indubitablement la confiance entre le Peuple et ses dirigeants et permettre à notre pays de figurer parmi les pays les mieux classés en matière de bonne gouvernance dans le monde.
Adamou Louché Ibrahim

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