LIBERATION DE SOLDATS IVOIRIENS DETENUS AU MALI : La hache de guerre est-elle vraiment enterrée entre Abidjan et Bamako ?

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LIBERATION DE SOLDATS IVOIRIENS DETENUS AU MALI : La hache de guerre est-elle vraiment enterrée entre Abidjan et Bamako ?

Enfin libres ! Après 181 jours de détention au Mali voisin, les 46 derniers soldats ivoiriens ont atterri samedi peu avant minuit à l’aéroport Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, après avoir quitté Bamako et transité par Lomé, à bord d’un avion de l’armée de l’air de leur pays. Les anciens « mercenaires » ou « otages » c’est selon, en tenue militaire, barbus et hagards face aux flashs, mais visiblement en forme, ont été accueillis sur le tarmac de l’aéroport par le président Alassane Ouattara qui dissimulait mal sa joie de voir enfin close cette énigmatique affaire de coulisses qui a par la suite dégénéré en crise ouverte entre deux pays frères, ponctuée, comme chacun le sait, de chantages et d’accrocs diplomatiques six mois durant. Arrêtés et écroués le 10 juillet 2022 pour « attentat et complot contre le gouvernement », « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat », « détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre ayant pour but de troubler l’ordre public par l’intimidation ou la terreur », tous ont été reconnus coupables et condamnés, le 30 décembre 2022, à 20 ans de réclusion criminelle pour les 46 soldats dernièrement sortis de prison, et à  la peine de mort par contumace pour les trois autres, toutes des femmes,  libérées en septembre dernier. Avec la grâce accordée par l’homme fort de Bamako aux condamnés, on peut espérer assister à un dégel diplomatique entre les deux pays, tout en se posant légitimement la question de savoir si cela suffira véritablement à faire enterrer la hache de guerre entre Abidjan et Bamako.

 

On peut craindre que les choses repartent en vrilles malgré la désescalade de ces derniers jours

 

Alassane Ouattara et Assimi Goita sont, en effet, connus pour être des hommes au tempérament sanguin, enclins à la rancœur et un peu revanchards sur les bords ; toutes choses qui pourraient raviver la tension toujours latente entre les deux capitales, à cause de la manière dont les autorités maliennes ont géré le dossier des 49 soldats ivoiriens, mais aussi de la présence, en Eburnie, d’hommes politiques maliens notoirement connus pour être des opposants fieffés au locataire du palais de Koulouba. C’est vrai que la remise totale des peines infligées aux soldats ivoiriens et leur libération après six mois de rudes tractations, ont fait dire à Alassane Ouattara que les relations entre les deux pays peuvent être désormais « normales », mais cela suffira-t-il à rassurer Assimi Goïta quand il entend dans le même discours son homologue ivoirien qualifier les ex-détenus de « héros » alors que le Mali les considère toujours comme des « déstabilisateurs » en mission commandée ? Rien n’est moins sûr. Surtout quand on sait qu’on s’achemine lentement mais sûrement vers la fin de la transition malienne, avec la possibilité que le président Goïta demande une prorogation de celle-ci pour en finir avec le terrorisme et la refondation de l’Etat. On imagine déjà la levée de boucliers qu’une telle éventualité pourrait provoquer dans l’espace communautaire, avec la Côte d’Ivoire en première ligne, pour exiger du Colonel qu’il débarrasse le plancher en début 2024, pour faire place nette à un régime démocratiquement élu. Si on ajoute à ce scénario potentiellement nuisible aux relations « fraternelles et de bon voisinage » entre les deux capitales, la présence, à Abidjan, d’opposants maliens en rupture de ban avec les autorités de la Transition, on peut craindre que les choses repartent en vrilles malgré la désescalade de ces derniers jours obtenue par l’entremise du président togolais, Faure Gnassingbé. Espérons que les Ivoiriens et les Maliens auront assez de lucidité pour savoir que l’heure n’est plus au bluff ou aux rodomontades sur fond de nationalisme de mauvais aloi, mais plutôt à l’union et à la mutualisation des efforts pour combattre les terroristes qui essaiment de part et d’autre de leurs frontières communes et relancer la coopération entre les deux pays.

 

Hamadou GADIAGA

Le Pays

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