Le racket des mercenaires russes de Wagner contre l’État centrafricain

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Le 17 Octobre dernier, le Ministre des Affaires Etrangères français Jean-Yves Le Drian a accusé les mercenaires du groupe privé russe Wagner de se « substituer » à l’autorité de l’État en Centrafrique soulignant que « pour pouvoir se payer, ils confisquent la capacité fiscale de l’Etat. » Dans quelle mesure ces accusations sont-elles aujourd’hui fondées ?
le Président de l’Assemblée Nationale Simplice Mathieu Sarandji et Alexandre Ivanov, chef de la COSI (Communauté des Officiers pour la Sécurité Internationale – une institution de représentation relevant du groupe PMC Wagner) le 15 Octobre 2021. 
La rédaction de Mondafrique avait déjà révélé le 21 Mai dernier qu’un protocole de collaboration avait été signé entre le Ministère des Finances centrafricain et une mission économique russe le 7 mai 2021 déléguant de fait une large partie des attributions du Ministère des Finances en matière de douanes.
Officiellement, il s’agissait d’un accord de coopération technique par lequel la mission économique russe aide à lutter contre la fraude en matière de transit et donc améliorer le niveau des recettes perçues par l’Etat centrafricain. En réalité, il s’agissait surtout pour les partenaires russes de s’assurer du recouvrement et de la mainmise des sommes dues à l’administration centrafricaine au titre des droits de douanes. L’objectif final pour les russes était surtout d’amortir les sommes colossales engagées par la société de mercenariat PMC Wagner pour aider à combattre les groupes rebelles dans ce pays. C’est ainsi qu’à certains postes frontières comme celui de Béloko (sur l’axe Garoua-Boulaï – Bangui), des agents russophones ont commencé à contrôler les flux de marchandises en lieu et place des fonctionnaires centrafricains de la Direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI). Cette mission russe aux douanes centrafricaines est supervisée par Yuri Liamchkine, un ancien directeur des douanes de Saint-Pétersbourg condamné en décembre 2018 à trois ans de prison avec sursis pour complicité de fraude par le tribunal de Saint-Pétersbourg.

Des bailleurs internationaux très remontés 

Les principaux bailleurs de fonds de la République centrafricaine, notamment les institutions de Bretton-Woods et l’Union Européenne qui avaient mis devant le fait accompli ont rapidement conditionné certains décaissements clés au bon fonctionnement de l’administration centrafricaine à l’arrêt de cette coopération russe dans la collecte des recettes douanières refusant une telle privation des douanes au profit des mercenaires du groupe privé PMC Wagner. Les finances publiques centrafricaines étant plus que jamais dépendantes de l’appui des bailleurs de fonds internationaux, cette coopération douanière a été stoppée le 6 octobre dernier par le nouveau ministre des finances Hervé Ndoba.
Cette décision a suscité la colère des partenaires russes de la RCA qui n’ont pas caché leur mécontentement. Afin d’arrondir les angles, le Président de l’Assemblée Nationale Simplice Mathieu Sarandji a adressé au cours du cérémonie organisée au Parlement centrafricain le 15 Octobre 2021 une lettre de remerciement à Alexandre Ivanov, chef de la COSI (Communauté des Officiers pour la Sécurité Internationale – une institution de représentation relevant du groupe PMC Wagner) soulignant que « les Interventions du Contingent Russe aux côtés de nos Forces ont été d’une grande efficacité dans la reconquête de la plupart des zones occupées par ces terroristes. » Malgré le souci de préserver son allié russe, les autorités centrafricaines ont été tancées par leurs alliés russes qui n’entendent pas relâcher leur contrôle sur les douanes centrafricaines et la pression russe sur le terrain reste aujourd’hui encore très forte sur les fonctionnaires des douanes centrafricains.
C’est dans ce contexte qu’un nouvel accord de collaboration entre le Ministère des finances de RCA et la société russe « SJ Amiko » représentée par Madame Svetlana Emilianova prévoit un nouvel accompagnement russe aux douanes centrafricaines. Ainsi, et ce malgré les pressions des bailleurs de fonds internationaux, les partenaires russes ne semblent de facto pas résignés à relâcher leur étreinte sur la capacité fiscale de l’Etat centrafricain…

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