Le Pape François dans le chaudron congolais

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Quatre jours d’effervescence ! Kinshasa s’apprête à vibrer pour accueillir le Pape François du 31 janvier au 3 février 2023. 37 ans après Jean-Paul II, François est très attendu par tous les Congolais. Avec 45 millions de fidèles, la République démocratique du Congo (RDC) est en effet un poids lourd du monde catholique. Le Pape restera exclusivement dans la capitale congolaise et se rendra d’abord au Palais de Nation pour rencontrer le président Félix Tshisekedi et y prononcer un discours. Le lendemain, le point d’orgue de la visite papale sera la grande messe sera célébrée sur le tarmac de l’aéroport de Ndolo, où plus d’un 1,5 million de fidèles sont attendus. Le Pape y rencontrera des victimes de la guerre à l’Est du pays, avant un dernier rendez-vous avec la jeunesse congolaise au Stade des Martyrs jeudi 2 février. Seule déception, l’annulation de l’étape de Goma, dans l’Est, pour des raisons sécuritaires et logistiques.

Guerre à l’Est et élections, deux dossiers sensibles

Le Pape François arrive à Kinshasa dans un pays en tension. Il y a tout d’abord une guerre sans fin qui sévit à l’Est depuis bientôt 30 ans, et qui prend des tournures inquiétantes ces derniers mois avec le retour des rebelles du M23, avec son lot de déplacés qui fuit les combats. Il y a également un contexte politique tendu avec des élections prévues théoriquement en décembre prochain. Mais l’organisation du scrutin prend déjà du retard, et la guerre à l’Est font craindre un possible report. Le Pape François est très attendu sur ces deux thématiques par les Congolais.

Médiatiser un conflit oublié

Concernant le conflit à l’Est, le Pape portera sans surprise un message de Paix et de compassion avec les victimes de la guerre. La question sera de savoir si le souverain pontife ira plus loin, notamment sur la condamnation du soutien rwandais aux rebelles du M23 ? Beaucoup l’espèrent à Kinshasa, mais il y a peu de chance que le Pape s’aventure ouvertement sur le sujet. Le principal mérite de la visite de François au Congo sera de donner une visibilité internationale à un conflit oublié et largement sous-médiatisé dans le monde. Kinshasa espère bien en retirer des bénéfices diplomatiques, notamment pour pousser la communauté internationale à faire pression sur le Rwanda. Sur ce sujet, les discours de François seront scrutés à la loupe, aussi bien à Kinshasa… qu’à Kigali.

Incertitude électorale

La visite papale aura également une connotation très politique. Le premier discours de François sera prononcé depuis le Palais de la Nation, aux cotés de Félix Tshisekedi. A 11 mois d’une élection, où le président sortant brigue un second mandat, il est clair que Félix Tshisekedi va tenter de profiter politiquement de la visite du Pape. Il y a également peu de chances que François s’immisce directement dans le dossier sensible des prochaines élections, mais l’opposition attend tout de même un message clair sur la transparence, la crédibilité et l’inclusivité du prochain scrutin. Les discours du Pape seront là aussi particulièrement surveillés dans l’opposition, mais aussi dans le camp présidentiel. La récupération politique n’est jamais très loin. Le vice-président de l’Assemblée nationale, l’UDPS André Mbata, a déclaré qu’il fallait désormais mettre la visite du Pape François au bilan du mandat de Félix Tshisekedi.

Tshisekedi en opération séduction

Le déplacement du souverain pontife à Kinshasa, sera aussi l’occasion au président Tshisekedi de renouer les fils avec l’Eglise catholique congolaise. Les relations entre le nouveau président et l’Eglise avaient mal débuté en 2018, après l’élection contestée de Félix Tshisekedi. Selon les documents fuités de la Commission électorale (CENI) et les donnés recueillies par les observateurs de La Conférence épiscopale congolaise (CENCO), le vrai vainqueur le présidentielle était Martin Fayulu, et non Félix Tshisekedi. L’Eglise a donc mis un peu de temps à reconnaître la légitimité du nouveau chef de l’Etat. Il y a ensuite eu le long psychodrame de la désignation, là encore contestée, du président de la CENI. La CENCO a dénoncé les pressions du camp présidentiel pour imposer Denis Kadima à la tête de la centrale électorale. L’Eglise estimait que ces pressions faisaient du patron de la CENI, le candidat soutenu par Félix Tshisekedi.

L’Eglise catholique, médiatrice en chef

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et les relations se sont apaisées entre la CENCO et le président. Pour Félix Tshisekedi, l’Eglise catholique, qui s’est toujours impliquée dans les nombreuses crises politiques congolaises, de Mobutu à Kabila, est une institution à particulièrement soigner, à 11 mois des élections. En cas de report du scrutin, le président Tshisekedi aura besoin du soutien de la CENCO, qui fera, sans nul doute, partie de la médiation politique qui sera mise en place. Des « concertations », un « dialogue national », ou un gouvernement de transition pourront difficilement exister sans la médiation de l’Eglise catholique, toujours très puissante au Congo. Devant les défaillances de l’Etat congolais en matière de santé, d’éducation ou de social, l’Eglise catholique reste un acteur majeur dans le quotidien des Congolais, notamment dans les régions les plus reculées du pays. La visite du Pape devrait également redonner du dynamisme et du poids à la communauté catholique face à la montée en puissance des églises évangéliques.

Christophe Rigaud – Afrikarabia

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