Le chef du groupe Wagner mis à l’index par l’Union européenne

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Le chef du groupe Wagner mis à l’index par l’Union européenne
15 octobre 2020 Nicolas Gros-Verheyde
(B2) Les Européens ont décidé d’ajouter un nom à la liste noire des personnes menaçant la stabilité de la Libye. Et pas n’importe lequel : Yevgeniy Prigozhin, homme lige du Kremlin et fondateur du groupe Wagner
La décision prise au titre des sanctions autonomes de l’UE sur la liste noire ‘Libye’ a été approuvée par voie de procédure écrite mercredi (14.10) et est entrée en vigueur ce jeudi (15.10) dès publication des textes au journal officiel. Une décision concomitante à celle liée à la tentative d’assassinat de Alexei Navalny. Ce qui n’est pas totalement du hasard (cf. encadré)
Un membre du cercle rapproché de Poutine
Né à Saint Petersbourg (Leningrad), comme son mentor, Yevgeniy Viktorovich Prigozhin (Евгением Пригожиным ou Evgueni Prigojine dans la transcription française) est considéré comme un des membres du cercle rapproché du président russe Vladimir Poutine. Fondateur du Groupe Wagner — mme s’il n’apparait pas officiellement dans l’organigramme de la société —, impulseur de l’Internet Research Agency (une usine à trolls spécialiste de la désinformation), dirigeant de plusieurs sociétés (Concord Management, etc.) liées de près au Kremlin, cet homme de main du pouvoir russe reste souvent dans l’ombre, mme s’il est actif sur plusieurs terrains de guerre, notamment en Ukraine (1) ou en Libye.
Un financier du groupe Wagner
C’est pourquoi les Européens se contentent d’indiquer dans leur motif d’inscription que cet « homme d’affaires russe […] entretient des relations étroites, y compris financières » avec le groupe Wagner (2). Il joue « ainsi un rôle dans les acti­vités du groupe Wagner en Libye et leur apporte un soutien, ce qui met en danger la paix, la stabilité et la sécurité dans le pays ». Ce groupe Wagner, société militaire privée russe, est impliqué « dans des violations multiples et répétées de l’embargo sur les armes en Libye établi dans le cadre de la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment par la livraison d’armes ainsi que le déploiement de mercenaires en Libye en soutien à l’Armée nationale libyenne » du maréchal rebelle Haftar. Il a « pris part à de nombreuses opérations militaires contre le gouvernement d’entente nationale soutenu par les Nations unies et il a contribué à saper la stabilité de la Libye et à compromet­tre l’émergence d’un processus pacifique ».
Une décision d’équilibre
Etant une menace pour la stabilité de la Libye, Prigozhin voit donc ses avoirs gelés dans l’Union européenne. Et il est interdit d’entrée sur le territoire européen. L’UE avait déjà sanctionné pour le mme motif plusieurs entreprises (turque, kazakh et jordanienne) impliquées dans la violation de l’embargo sur les armes imposé par les Nations unies (lire : Trois compagnies de transport mises à l’index pour avoir violé l’embargo sur les armes en Libye). Les Russes étaient passés entre les mailles du filet, provoquant certaines critiques, notamment venues de Turquie. Ce vide est désormais réparé.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Un ennemi de Navalny
Ces mesures européennes ne sont pas très éloignées du cas Navalny. Prigozhin n’a, en effet, pas assez de mots durs pour l’opposant russe Alexei Navalny qui a révélé les dessous de certaines de ces affaires. Ses sociétés se retrouvent en effet sous la loupe de plusieurs enqutes de la Fondation anti-corruption de l’opposant russe : en 2017 pour la corruption sur les marchés du ministère de la Défense (lire ici l’enqute, en russe) ou en 2019 pour les nombreux cas de dysenterie qui frappent les jardins d’enfants de Moscou alimentés par les cantines de Concord (lire l’enqute en russe).
Prigozhin ne s’est pas laissé faire. Il a mme obtenu de la justice russe des dommages-intérts d’un montant très important : 88 millions de roubles, soit presque 1 million €. De quoi mettre à genoux la Fondation anti-corruption. Le 20 juillet, Navalny lance d’ailleurs un appel à l’aide sur son site (lire SOS liquidation).
Mme après l’empoisonnement de l’opposant, Prigozhin ne fait pas mystère de son animosité. « J’ai l’intention de ruiner ce groupe de gens sans scrupules », affirme-t-il dans un communiqué décrypté par l’AFP. « Si Navalny rend son âme à dieu, je n’ai pas l’intention de le persécuter dans ce monde (…) S’il vit, il devra répondre avec toute la rigueur de la loi russe »…
Il a été placé sur la liste noire par le département de la Justice US en décembre 2016, pour son action déstabilisatrice dans le conflit ukrainien, notamment via ses contrats avec le ministère russe de la défense.
Pour avoir une idée de qui contrôle le groupe Wagner, lire cette étude du FPRI (Foreign Policy Research Institute), un think tank américain non-partisan sur les questions de sécurité. Lire aussi : Qui est le groupe Wagner, les privés de Poutine qui agissent en Syrie ?
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La rédaction

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