Laurent Foucher et Hugues Mulliez : «Pour réussir en Afrique, il faut aimer l’Afrique»

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Laurent Foucher et Hugues Mulliez, dirigeants associés de Telecel Group.
Laurent Foucher et Hugues Mulliez, dirigeants associés de Telecel Group. (Crédits : LTA)
Assez discret sur le marché africain des télécoms, Telecel Group est pourtant un acteur majeur qui s’est fait progressivement une place en Afrique centrale. Depuis quelque temps, la société affiche de grandes ambitions en Afrique de l’Ouest dans le cadre d’une stratégie d’expansion qui s’appuie sur une recette qui a déjà porté ses fruits notamment en République centrafricaine où l’opérateur est leader du marché. A la tête de la multinationale, deux chefs d’entreprises français : Laurent Foucher, 54 ans, et Hugues Mulliiez, 44 ans, nous dévoilent dans cet entretien croisé la «méthode Telecel», ainsi que les nouvelles ambitions africaines de la société.

La tribune Afrique : Multinationale de télécoms en Afrique, Telecel Group a annoncé récemment des projets d’acquisition en Afrique de l’Ouest. Qu’en est-il aujourd’hui ? La société a-t-elle une stratégie propre au Continent ?

Laurent Foucher : Notre société est l’une des premières à avoir opéré dans son secteur en Afrique. Notre modèle d’affaires est et restera le développement et la redynamisation de sociétés en difficultés, soit par carence de gestion, soit compte tenu du contexte géopolitique.

Hugues Mulliez : L’expertise de notre équipe et ses facultés d’adaptation ont fait leurs preuves. Nous pouvons affirmer que Telecel Group détient un réel savoir-faire en la matière.

Pouvez-vous donner un exemple ?

Hugues Mulliez : En République centrafricaine par exemple, nous avons repris l’opérateur Telecel en 2015, au plus fort de la guerre civile que traversait alors ce pays. Cette société était alors au bord de la faillite avec un endettement record et un management à la dérive.

Laurent Foucher : Nous avions promis aux autorités politiques de l’époque qu’en dépit de la situation tragique que traversait le pays et l’impact sur ses opérateurs économiques, aucun licenciement économique ne serait effectué. Cinq ans plus tard, la promesse a été tenue.: Telecel RCA est aujourd’hui une société en bonne santé, premier contributeur du Trésor public et dont les salaires sont parmi les plus élevés du pays.

Quelle place occupe aujourd’hui Telecl RCA sur le marché local ?

Hugues Mulliez : Telecel est le leader du marché. Notre volonté est d’être sans cesse à la pointe des services offerts. L’Afrique de «demain matin» sera une Afrique ultra connectée afin notamment de pallier les problèmes de distances et d’infrastructures. Telecel observe une écoute dynamique face à cette demande croissante.

Donc, il y aurait une «recette Telecel Group» qui vous différencie des autres ? En quoi consiste-t-elle ?

Laurent Foucher : Je suppose que comme dans toute recette, il y a plusieurs ingrédients.

Hugues Mulliez : C’est tout à fait exact. Nous avons bien une méthode propre ; nous avons une équipe de management restreinte et réactive et sommes accompagnés de professionnels ayant fait leurs armes chez les plus grands noms du secteur : Orascom, MTN, Monaco télécom, pour ne citer qu’eux. Ces collaborateurs séniors sont eux-mêmes accompagnés d’une équipe de jeunes ingénieurs talentueux et tous sillonnent l’Afrique où nous avons nos opérations.

Ce qui définit cette équipe est sa faculté d’adaptation. Ces femmes et ces hommes s’intègrent à une vitesse record aux équipes locales et notre faculté à créer une communication permanente et respectueuse est l’un de ces ingrédients.

Les décisions qui sont prises le sont par tous, rien de tombe «d’en haut», tout remonte de notre base et chacun est alors acteur du destin de l’entreprise. Cela nous évite tout conflit avec les syndicats. C’est une autre de nos caractéristiques.

Enfin, j’insisterais sur notre projet d’entreprise collaborative qui implique le partage de l’avoir : en quelques mots, nous allons mettre en place différents outils permettant à tous chez Telecel de bénéficier du produit de notre réussite. Notre slogan à ce sujet c’est : réussite commune égal profit réparti !

A vous croire, vous privilégiez une proximité entre tous et un partage du fruit de votre réussite, et cela permet d’évoluer dans un climat social serein?

Laurent Foucher : C’est effectivement cela. Il en résulte aussi une motivation accrue de tous nos collaborateurs qui, pour l’écrasante majorité, sont issus des pays où se trouvent nos opérations. Vous savez, celui qui veut réussir en Afrique doit aimer l’Afrique et sa population. Chacun doit se sentir utile et chacun doit trouver chez l’autre un intérêt équilibré dans la relation. Un directeur doit mériter le respect de ses collaborateurs et inversement. Et puis, chez Telecel, nous avons dépassé depuis longtemps les clichés sur les relations hiérarchiques. La hiérarchie est utile dans une organisation du travail, mais elle ne donne chez nous aucun privilège particulier. Une voix est une voix, et si elle donne un bon conseil ou une critique utile, elle est entendue.

Comment qualifieriez-vous vos relations avec les autorités politiques dans les pays où vous exercez ?

Hugues Mulliez : A l’image des relations que nous établissons au sein de notre entreprise, elles sont respectueuses et attentives. Le climat social qui prévaut chez nous est bien entendu apprécié par nos autorités de tutelle.

Les actions sociales de Telecel sont-elles importantes à vos yeux ?

Laurent Foucher : Elles sont la colonne vertébrale de notre présence en Afrique et l’un des thèmes autour desquels nous nous réunissons. Les enfants, la santé, l’éducation ou le sport, nous sommes présents partout où cela est possible. C’est là aussi un des ingrédients de «la recette Telecel group» à travers notre Fondation. Nous sommes intégrés au tissu social, nous vivons avec les gens et leurs problèmes sont les nôtres. Notre implication est une vocation et pas un slogan marketing de multinationale en quête de rédemption ! Pas besoin d’articles élogieux sur nos actions, les résultats parlent d’eux-mêmes.

Hugues Mulliez : Lorsque j’ai découvert ce continent, c’était avec une certaine curiosité et beaucoup d’enthousiasme. Aujourd’hui, je ne me verrai pas me développer ailleurs. Cela ne se décide pas : si on aime l’Afrique, on lui donne tout. Et l’Afrique vous le rend bien, croyez-moi ! Le dynamisme de cette jeunesse pétrie de valeurs et d’ambitions m’a enthousiasmé.

Quels sont aujourd’hui les projets de Telecel Group ?

Hugues Mulliez : Nous participerons à divers appels d’offres d’ici à la fin de l’année et envisageons de nous développer rapidement en Afrique de l’Ouest. Nous finaliserons également avant fin septembre un accord de partenariat avec un célèbre opérateur africain des télécoms afin de voir l’avenir en grand ! Enfin, nous allons associer notre nom au lancement d’universités en Afrique francophone et allons poursuivre notre financement de startups africaines initié lors du salon international des télécommunications de Barcelone 2019.

Propos recueillis par Aboubacar Yacouba Barma

Tribune d’Afrique

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