L’arrivée du Groupe Wagner en RCA
Alors que la guerre en Ukraine entre dans sa deuxième année, le monde a assisté avec horreur à des exactions brutales commises à grande échelle et à une fréquence alarmante. L’offensive russe était censée être une guerre éclair visant à placer l’Ukraine sous influence russe. Toutefois, face à une résistance inattendue, l’assaut s’est intensifié pour inclure une guerre psychologique exploitant la terreur et la peur pour forcer la population attaquée à accepter la défaite et la domination russe. L’armée de la Fédération de Russie en Ukraine, soutenue par des groupes militaires privés, dont le tristement célèbre Groupe Wagner, a été accusée de violations généralisées et systématiques des droits de l’homme et d’atrocités de masse,notamment des massacres, des actes de torture, des viols et des pillages.
Avant d’attirer l’attention sur son rôle en Ukraine en 2022, le Groupe Wagner avait déjà soulevé de sérieuses inquiétudes quant à sa présence en Syrie et sur le continent africain, notamment en République centrafricaine (RCA), en Libye, au Soudan, au Mali, au Mozambique, à Madagascar et au Burkina Faso. À partir de 2016, les gouvernements des différents pays — à l’exception de la Libye, où la Russie s’est rangée du côté du commandant de la milice Khalifa Haftar — ont signé des accords bilatéraux avec la Russie
impliquant des prestations de services de sécurité par le Groupe Wagner en échange de l’accès à des ressources à haute valeur commerciale, notamment des minerais. Dans plusieurs de ces pays, les Nations Unies, des organisations non gouvernementales et les médias ont accusé le Groupe Wagner d’avoir commis des violations flagrantes des droits de l’homme. En protégeant des autocrates pro-russes et des commandants de milices, les combattants du Groupe Wagner sont réputés être sans pitié et sans loi.
Depuis cinq ans, The Sentry a analysé et documenté la stratégie expansionniste de la Russie et les tactiques de déploiement du Groupe Wagner en RCA. Lorsque le Groupe Wagner a mis les pieds dans le pays pour la première fois au début de 2018, la RCA était ravagée par 20 ans de crises politico-militaires et de cycles de conflits armés sanglants que l’ONU et les pays occidentaux ne parvenaient pas à résoudre de manière adéquate. Profitant de la crise politique et sécuritaire, le Groupe Wagner a — en quelques années seulement et avec un nombre limité de personnel — étendu son influence à l’échelle quasi-nationale en RCA.
L’enquête menée par The Sentry met en lumière le mode opératoire qui a permis au Groupe Wagner d’exercer un contrôle et une influence clé sur les dirigeants politiques et militaires de la RCA, ainsi que sur l’économie du pays. Les membres de l’équipe d’enquête ont interrogé plus de 45 personnes, dont 11 membres des Forces armées centrafricaines (FACA) et de groupes armés déployés dans des opérations militaires gouvernementales, des victimes et des sources bien informées en matière de sécurité et de défense, et ont
examiné des photos, des images satellites, des vidéos et documents.
L’enquête a révélé que le Groupe Wagner — avec le soutien de son allié centrafricain, le président Faustin-Archange Touadéra — a intentionnellement répandu la terreur et la peur dans le but de soumettre la population centrafricaine à l’autorité du Groupe Wagner et de défendre ses intérêts financiers. Avec un petit nombre de combattants du Groupe Wagner soutenus par une armée centrafricaine parallèle, M. Touadéra et son entourage ont pu détourner les institutions étatiques de la RCA et accroître l’emprise du président centrafricain sur le pouvoir. Ce faisant, les combattants du Groupe Wagner, les militaires centrafricains et leurs proxys — des miliciens entraînés et équipés par le Groupe Wagner — ont commis des crimes pouvant être qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Source : The Sentry « Architectes de Terreur », juin 2023