La mort d’Alexeï Navalny, le prix du courage

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Russia's opposition leader and mayoral candidate Alexei Navalny meets with the media outside his campaign headquarters in Moscow, September 9, 2013. An ally of President Vladimir Putin won Moscow's mayoral election on Sunday, nearly complete results showed, but Navalny's unexpectedly strong showing could alarm the Kremlin and fuel Russia's flagging protest movement. REUTERS/Sergei Karpukhin (RUSSIA - Tags: CIVIL UNREST POLITICS ELECTIONS HEADSHOT)
L’édito de Dov Alfon

Par son combat, Alexeï Navalny nous a rappelé que la lutte contre les despotes était l’affaire de tous, et que la résistance était un devoir. Sa mort orchestrée par Vladimir Poutine doit nous servir d’avertissement.

par Dov Alfon

publié aujourd’hui à 16h24

S’il fallait encore un rappel du danger que représente Vladimir Poutine pour son peuple comme pour le monde, l’annonce de la mort soudaine en prison de son principal opposant, Alexeï Navalny, constitue un avertissement implacable. Activiste de la première heure contre la corruption du régime, il avait été emprisonné il y a plus de trois ans après son retour d’Allemagne, où il avait été soigné pour un empoisonnement mystérieux aux neurotoxiques. Pourquoi se jeter ainsi dans la gueule du loup, pouvait-on se demander, du moins si on vit bien au chaud dans une démocratie occidentale, et si on ne possède pas un dixième du courage de cet homme. Navalny lui-même avait répondu à sa manière, dans une note d’adieu envoyée à Ievgenia Albats, journaliste russe et amie proche : «Tout ira bien. Et si ce n’est pas le cas, nous aurons au moins la consolation d’avoir vécu honnêtement.»

Cette consolation, nous n’avons pas le luxe de nous l’approprier. Les dictatures survivent parce que la plupart des gens ne sont pas prêts à payer un prix aussi élevé qu’une lutte incessante sous les brimades, les tourments, les persécutions, puis la lente torture jusqu’à ce que mort s’ensuive. En prenant l’avion pour Moscou le 17 janvier 2021, Navalny a fait sacrifice de sa vie pour la cause qui est gravée sur tous nos édifices – Liberté, Egalité, Fraternité. Il le savait, sa femme, sa fille et son fils le savaient, les autres passagers de l’avion le savaient, et les millions de personnes qui suivaient ses interventions écrites, filmées ou criées dans les rues de Moscou le savaient.

Vladimir Poutine le savait aussi, et c’est ainsi que Navalny est mort, le Kremlin isolant rapidement cet ennemi trop dangereux du monde extérieur en le détenant dans des conditions de plus en plus restrictives, dans des colonies pénitentiaires de plus en plus terribles jusqu’à son transfert en décembre dernier dans la prison de Yamalo-Nenets, au nord du cercle polaire arctique, le plaçant à l’isolement à 27 reprises, la dernière fois ce mercredi.

Navalny nous expliquait que c’est comme cela que l’on combat un despote, que seuls le courage et la détermination peuvent en venir à bout, et que nul ne saurait en être exempt. Son dernier appel comme homme libre vaut la peine d’être relu à voix haute : «La personne qui viendrait et remettrait tout en ordre silencieusement n’existe pas ; les autres pensent que cette personne, c’est vous. Nul n’est en mesure de résister plus fort que vous. C’est votre devoir de résister, si vous en êtes conscient ; c’est le genre de chose qu’il est impossible de déléguer à quelqu’un d’autre. Il n’y a personne d’autre que vous ; si vous lisez ceci, c’est que vous êtes la résistance.»

Nous devons maintenant prouver que nous avons entendu son message. Si tous les yeux se tournent vers le président Joe Biden, pour voir comment les Etats-Unis vont réagir à cette nouvelle provocation macabre, l’Europe est la première concernée. Le meurtre de Navalny – car sa mort a été aussi planifiée qu’une exécution – nous surprend alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky, autre figure héroïque de ce combat contre le Kremlin, est en visite officielle à Berlin et à Paris, quémandant des avions de combat que nous hésitons trop à lui envoyer. Il est pourtant grand temps d’entrer en résistance.

Libération

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