Inondations à Bangui : « Il n’y a jamais eu de budgets consacrés à la prévision, la prévention et la protection de cette catastrophe », selon Dr Eric FOTO

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Il n’aura échappé à aucun responsable politique, aucun fonctionnaire de l’Etat et  aucun citoyen, que les inondations ont régulièrement fait la une de l’actualité au cours de ces dernières années. A chaque inondation grave, la première attitude est celle de la consternation, de l’incrédulité, puis très vite les mémoires, celles des anciens ou mieux, celles des archives, viennent poser leur sentence, balayant notre penchant  à toujours voir dans le dernier événement le pire jamais vécu : la dernière inondation ressemble fort à la précédente ou bien elle n’atteint pas en ampleur une autre un peu plus ancienne.

Pourtant, notre politique nationale de prévention du risque d’inondation n’a jamais connu un tel développement.Il n’y a jamais eu de budgets consacrés à la prévision, la prévention et la protection de cette catastrophe.  Il ne s’agit pas là d’une remarque gratuitement provocatrice mais d’une évidence.L’inondation n’est pas le risque, il convient de ne jamais perdre de vue et même marteler aussi souvent qu’il n’existe aucune politique d’urbanisation et que l’habitat n’évite pas les zones inondables. Du coup, l’expansion récente s’était faite en grande partie vers la rivière, et à ce jour, préférentiellement les nouveaux riches adorent s’installer sur la colline !

Pourquoi faut-il « gérer » le risque d’inondation ?

La gestion est un concept à la mode comme la bonne gouvernance et en même temps un terme devenu tellement usuel qu’il en a un peu perdu de  sa pertinence. Cependant, son emploi se justifie ici pleinement. La réponse des pouvoirs publics face aux risques naturels a longtemps consisté à organiser le secours aux victimes. Fonction première de l’Etat protecteur, cette réponse se concentre sur la crise. L’histoire montre que cette politique d’assistance a toujours conduit à une fuite en avant, et  les ouvrages de protections étant inévitablement dépassés voire inexistants ne font que créer d’autres nouvelles catastrophes.

A quelle échelle faut-il gérer le risque inondation et quels en sont les acteurs ?

Parmi les acquis les plus saillants de la doctrine actuelle de gestion de risque, la nécessité de décliner cette gestion à l’échelle du bassin versant est probablement  la plus significative. Mais, à notre connaissance, il n’existe aucun schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux actualisés, et ce propos, le gouvernement ne dispose pas d’un organe opérationnel  en charge de prévention des risques et catastrophes naturels,… Il n’est pas très éloigné le temps où l’approche dominante des questions liées à l’eau était très sectorielle, l’eau étant alors considérée soit comme une ressource pour différents usages, soit comme un danger que l’on s’efforçait de maîtriser par des travaux de protection localisés, sans tenir compte de la totalité et de la complexité du fonctionnement des rivières. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de décliner une approche globale qui veille à la cohérence hydraulique des actions entreprises tant en termes de réalisations d’ouvrages que de gestion de l’espace et d’entretien des cours d’eau, afin de rechercher les conditions optimales d’écoulement à partir d’objectifs clairement définis et approuvés. Autrement dit, il faut aborder et traiter le risque à l’échelle du bassin hydrographique et avec l’ensemble des acteurs concernés et non des distributeurs de couvertures ou matelas.

Que l’on ne s’y trompe pas, il s’agit encore bien souvent d’un principe qui a énormément du mal à être correctement décliné de manière concrète et opérationnelle. En même temps, les textes, les règlements, les modalités de financement sont quasiment inexistants. Et le  Ministère de l’Ecologie et du développement Durable5MEDD), principal ministère en charge de la prévention des inondations aujourd’hui aux abonnés absents, ne dispose d’aucuns moyens pour  mener des actions contre ces phénomènes.

Face à cette situation, trois acteurs sont compétents dans ce domaine de gestion de risque d’inondation : le riverain, la commune et l’Etat. Or, aucun de ces trois acteurs n’est compétent à la bonne échelle, celle du bassin versant. Ce qui ne signifie pas que, chacun à leur niveau, ces trois acteurs n’ont pas un rôle majeur à jouer en matière de politique de réduction des risques d’inondations. Mais cette politique ne peut réellement être globale qu’à la condition qu’il existe un organisme qui impulse, qui soit un chef d’orchestre à l’échelle du bassin. Une telle variété d’acteurs, aux responsabilités et aux compétences diverses amène à s’interroger sur la possibilité même d’une stratégie. Celle-ci peut-elle être autre chose qu’une juxtaposition des obligations de chacun; lesquelles obligations n’autorisant guère de latitude, la réponse est naturellement positive.

Certes, l’Etat et la collectivité(Mairie) doivent obligatoirement, en matière de risques naturels mener un certain nombre d’actions ou respecter certaines obligations qui, si elles avaient été mieux respectées depuis leur création par les textes législatifs, auraient probablement conduit aujourd’hui à une situation moins inquiétante.

Les trois questions fondamentales auxquelles il faut répondre pour bâtir une stratégie globale et concertée sont les suivantes : Quels sont les phénomènes naturels susceptibles de se produire sur ma zone de juridiction ? Si ces phénomènes se produisaient, quelles en seraient les conséquences? Enfin, comment peut-on réduire ces conséquences et dans quelles proportions ?

Les réponses à ces questions sont bien connues. En effet, des études menant à une soutenance de doctorat entre l’Université de Lille 1 et le Laboratoire Hydrosciences Lavoisier  de l’Université de Bangui sur la dynamique d’écoulement des eaux souterraines dans la ville de Bangui ont montré qu’il y a une interconnexion entre le fleuve Oubangui et la partie Sud de la ville de Bangui, où en période de crue les eaux du fleuve affleurent la nappe depuis Lakouanga jusqu’à Bimbo, et  en saison sèche, les eaux de la l’Oubangui et la Mpoko drainent la nappe. Une seconde étude a porté sur la  Définition du potentiel aquifère du sous-sol de la région de Bangui (République Centrafricaine) à l’aide d’outils géochimiques et isotopiques où l’existence des failles a été approuvée favorisant  ainsi la vitesse d’écoulement des eaux souterraines du Nord vers le Sud.

Faute de concertation, aucune mesure n’est prise pour prévoir le risque d’inondation. Cette première partie est consacrée aux démarches nécessaires à la connaissance du risque, au grand désespoir des habitants des zones exposées aux inondations, car, les mesures permettant de réduire ce risque, sont rarement aisées et rapides à mettre en œuvre, et se heurtent inéluctablement  à un grand nombre de difficultés. D’où l’importance de l’adoption d’une stratégie globale et concertée. Malheureusement, les processus d’aides à la décision en la matière sont encore largement à inventer !

Dr Éric FOTO

Spécialiste en protection de l’Environnement et gestion rationnelle des ressources naturelles.

Laboratoire Lavoisier

 

 

 

 

 

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