Gouvernement en Centrafrique: un bac à ordures

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Je l’affirme et je mets au défi de me démentir: le gouvernement en République centrafricaine est devenu ces derniers temps, sinon depuis 16 ans, un bac à ordures. On y dépose tout, on y déverse tout, on y jette tout, on y fait entrer tout, aussi bien les bonnes comme les mauvaises odeurs. On y dépose des déchets d’intellectuels, les ratés sociaux, les repris de justice, les criminels impénitents de la trempe de Barabbas, ceux qui se sont volontairement mis en marge de la société à cause de leur comportement antisocial, immoral, abject.

A cause d’une mauvaise conception du pouvoir que se sont faits des accidentés politiques devenus chefs d’Etat ou Premiers ministres par effraction, il est plus facile de devenir ministre en Centrafrique. Le modus operandi ou le raccourci le plus usité consiste à prendre les armes pour défier l’autorité de l’Etat, incendier 1 ou 2 villages ou prendre les habitants en otage, attaquer un site de gendarmes, de policiers ou de déplacés, pour qu’on soit invité à « négocier », et la route du gouvernement est immédiatement ouverte.

Être ministre est aussi une récompense aux bons griots, aux bons agents d’exécution de fraudes électorales massives, de crimes économiques et humains, et que sais-je encore. Et comme n’importe qui est capable de tels sales boulots, n’importe qui peut accéder au poste de ministre. Dès lors, les études de qualité et les bons diplômes ne servent à rien… !

Si le président Ange-Félix Patassé avait très vite compris qu’il s’était trompé en nommant un électricien titulaire du simple CAP du lycée technique au ministère de l’Intérieur (chargé à la fois de la Sécurité publique et de l’Administration du territoire), c’est parce que la gestion des affaires publiques exige beaucoup de qualités intellectuelles (conception, planification, suivi-évaluation…), managériales (gestion des ressources humaines et matérielles), humaines (choix des hommes qu’il faut à la place qu’il faut, mise en  confiance des collaborateurs…), morales (intégrité, respect du bien public, bonne gouvernance…) et d’autres qualités exigées par la modernité comme la maîtrise du français, de l’anglais, de l’outil informatique, des techniques de lobbying, de plaidoyer et de négociations. Malheureusement, ces qualités ne sont pas exigées pour former le gouvernement Ngrébada comme bien d’autres gouvernements par le passé.

Sous Kolingba, on avait des ministres qui ont de la personnalité, qui savaient écouter, comprendre, traiter les dossiers, s’exprimer couramment en français, même s’il y’en avait aussi qui ne savaient pas respecter les biens publics. Tous n’étaient pas des saints mais leur comportement incarnait quand même l’autorité de l’Etat, la discipline publique, la dignité républicaine.

Mais avec la rébellion inaugurée par François Bozizé lui-même d’une qualité morale et intellectuelle très inférieure à la moyenne, la fonction de ministre a commencé à être sérieusement dévaluée, galvaudée. Ministre est devenu un métier de boubanguéré (vendeur à la sauvette) où tout le monde y a accès: les sans niveau, les titulaires de simple CEPE qui n’ont jamais fait le collège comme le chuiyatier Amadama Chaïbou, et d’autres qui n’ont pas terminé la classe de CE1 ni CM1 comme Abdoulaye Hissène et Abakar Sabone, et d’autres incapables de rédiger un rapport de mission comme Gabriel Franky Leffa, Nourredine Adam, pour ne citer que ceux-ci.

Sur la question de l’intégrité morale des ministres, il y a vraiment à dire: ce sont les monnayeurs de postes de responsabilité, les prédateurs, les opportunistes et profito-situationnistes, les gens qui ont mangé dans tous les râteliers (couramment appelés «Tè ka, mo tè gué »), qui ont la chance d’être nommés ministres. L’un d’entre eux a même parcouru 11 partis politiques et est actuellement avec le MCU, le parti du président Touadéra. Que peut-on attendre d’un tel personnage? Celui-là ne pensera qu’à sa panse, à son ventre, et non à l’intérêt supérieur de la nation. Fidèles à leur politique du tube digestif, ces types de personnages ne penseront jamais au pays. Leur ventre remplace le pays. Avec de tels personnages, comment le pays peut-il se développer?

Si le Rwanda, qui a connu le génocide et la guerre civile, est devenu un pays développé en moins de 20 ans, c’est parce que le président Paul Kagamé a mis un accident particulier sur trois critères pour le choix des ministres à qui il impose la même chose pour le choix de leurs collaborateurs: l’intégrité morale, le minimum de bac+3 (niveau égal ou supérieur à la licence), la culture administrative et institutionnelle préparatoire à l’exercice des hautes fonctions publiques. Ce sont les mêmes exigences qui ont permis aux pays comme le Burkina Faso, le Niger, la Chine, le Botswana, le Congo, etc. d’accéder rapidement à un niveau de stabilité sociale, économique et politique pour se faire respecter partout à l’extérieur. Ce qui n’est malheureusement pas le cas en République centrafricaine où beaucoup de ceux qui deviennent ministres ont tout à apprendre, même à porter des chaussettes !

Que Bokassa ait nommé Premier ministre une femme analphabète, que Patassé ait promu ministre un militant de son parti titulaire du CEPE et d’un CAP en électricité, c’était pour les récompenser de leur engagement militant. Mais cela ne devrait pas devenir une règle, voire une jurisprudence politique en ce 21è siècle. Que nenni ! Il faut rompre avec cette culture de la médiocrité.

Que Bozizé ait nommé à la fonction de ministre des gens qui ont eu de la peine à aller au-delà des classes de CE1 et CM1 du primaire, et que Michel Djotodia et Mme Samba-Panza aient fait autant sous la transition de courte durée (trois ans), ils sont excusables à cause du contexte exceptionnel qu’ils avaient à gérer. Mais qu’un universitaire comme Touadéra à son tour vienne enfoncer le clou en nommant ministres des gens qui n’ont jamais mis pied dans une classe de 6è des collèges, voilà qui est scandaleux et inacceptable. Il fait reculer le pays de plusieurs années.

Que deux universitaires, de surcroît professeurs, chefs de l’Exécutif, se permettent d’imposer aux grands cadres de l’Administration, aux grands commis de l’Etat dans des Départements ministériels qui ne sont pas des moindres, des sans niveau, des prostitués politiques de grande envergure, des gens d’une carence intellectuelle et morale sévère, des gens exerçant depuis leur naissance des métiers qui ne les prédisposent nullement aux fonctions de chefs de Départements ministériels (cas des chuiyatiers et coupeurs de route), voilà qui est un signe  manifeste du mépris que vouent Touadéra et les touadérateurs au peuple centrafricain, aux institutions de la République et à l’intelligence humaine.

L’objectif que ces ministres accidentels se fixent est toujours en porte-à-faux avec les attentes du peuple. Un de ces ministrons déclarait urbi et orbi il y’a une dizaine d’années qu’il faisait la politique pour s’enrichir et que personne ne pouvait lui enlever cette idée de la tête. Malheureusement, ces genres d’individus sans éthique et nuisibles à la société sont légion en Centrafrique et réussissent facilement. Conséquence: les ministres ne sont plus respectés dans le pays.

Au risque de nous répéter, le petit Rwanda, sorti d’une crise plus abyssale que la nôtre, est parmi les 10 pays africains qui ont décollé. Le secret est simple: Kagamé exige le niveau minimum de bac+3 pour accéder aux hautes fonctions d’Etat. La RCA bat encore de l’aile puisqu’on continue de faire la promotion des médiocres, des illettrés.

Les professeurs Touadéra et Sarandji ne se rendent pas compte qu’ils ont compromis l’avenir du pays et de ses intellectuels en faisant la promotion de la médiocrité, de l’inculture, de la sous-culture, voire du déni de la culture et de l’intelligence. L’échec de leur mandat risque de renvoyer aux calendes grecques les chances de succès aux compétitions électorales – particulièrement pour la magistrature suprême – des autres intellectuels restés en dehors de leur régime.

Les jeunes diplômés ont manifesté publiquement à Bangui le 18 mars dernier en déchirant leurs diplômes qu’ils ont mis dans une brouette pour aller déverser devant l’Assemblée nationale, une manière de dire que ces diplômes ne servent plus à rien sous le régime Touadéra. Une manière aussi d’annoncer à Touadéra ce qu’ils comptent faire pour devenir aussi des ministres. Point n’est besoin d’avoir un diplôme de doctorat pour voir venir ces jeunes révoltés. Cela est triste.

Par Cyrus-Emmanuel Sandy   

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