Gabon : Brice Laccruche Alihanga, un peu trop proche du soleil

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(Crédits : DR)
Après l’AVC qui a terrassé Ali Bongo en octobre 2018, Brice Laccruche Alihanga avait pris de l’envergure dans le dispositif du Palais du bord. C’est que l’ancien dircab y avait acquis une influence considérable qui lui a valu une crainte feinte et une rancune insidieuse dans les allées du palais présidentiel. Débarqué de son poste, il avait fini par atterrir sur le perchoir, provisoire et sans bureau, de ministre chargé du Suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable. Un signe annonciateur du début de la chute de l’ancien homme-lige du pouvoir désormais mis aux arrêts.

Pendant les trois fugaces semaines qu’il assumait sa charge de ministre sans réelle fonction, Brice Laccrcuche Alihanga a dû entendre les sirènes de la disgrâce lui bourdonner aux oreilles. Ce mardi 3 décembre, l’ancien directeur de cabinet surpuissant d’Ali Bongo a été interpellé à sa résidence de Libreville. A l’heure où vous lisez ces lignes, l’ancien ministre chargé du Suivi de la stratégie des investissements humains et des objectifs de développement durable est en garde à vue – qui peut durer jusqu’à 8 jours- après une audition à la Direction générale des recherches (DGR).

Laccruche, ses réseaux et ses connexions neutralisés par «Scorpion»

L’ancien homme- lige du pouvoir gabonais est à son tour emporté dans le cadre de la vaste opération anticorruption qu’André Patrick Roponat, le nouveau Procureur de la République, a explicitement baptisée «Scorpion». On imagine que les questions de son audition devaient tourner autour des soupçons de détournements ou de complicité de détournements présumés. Ces dernières accusations expliquent en partie le limogeage de Brice Laccruche Alihanga, de Noël Mboumba (Pétrole) et Jean-Fidèle Otandault (Budget) dans le réaménagement du gouvernement intervenu le 2 décembre 2019.

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Surprenante mais prévisible, l’arrestation de Brice Laccruche, homme surpuissant de la pétro-république d’Afrique centrale n’en est que l’épilogue. Débarqué de son poste de directeur de cabinet d’Ali Bongo début novembre,son recasement dans un ministère sans bureau, loin des échos du Palais, laissait présager d’une chute sur laquelle personne n’osait apposer une date tant les piqûres de «Scorpion» avaient neutralisé ses proches. Le dard de l’animal utilisé en analogie a déjà porté un gros coup à la moitié des membres du cercle rapproché de Brice Laccruche qui ont été mis aux arrêts dans le cadre de la vaste opération anticorruption.

Deux semaines plus tôt, c’est en effet Ike Ngouoni, l’ancien porte-parole de la présidence et bras droit de Laccruche, qui avait été mis aux arrêts, tout comme la douzaine de proches, gestionnaires de sociétés publiques et parapubliques, qui ont fini par être déférés à la Prison centrale de Libreville. Ce qui n’était que rumeurs a fini par être factuel lorsque leur mentor a été arrêté. Sous couvert de lutte anticorruption, presque tous les réseaux et connexions de Brice Laccruche et ses complices supposés ont été neutralisés. Mais cette explication sur ses déboires n’est que partielle.

Trop près du soleil

Dans l’incertitude de la période suivant l’AVC qui a terrassé Ali Bongo en octobre 2018, cet ex-directeur de cabinet proche de Sylvia Bongo, la Première Dame, a peu à peu musclé son influence dans les arcanes du Palais. Rabrouant de hauts fonctionnaires, poussant certains à la démission ou obtenant leur nomination, ce Franco-gabonais avait  acquis une certaine envergure dans le système de gestion du Palais. La nature ayant horreur du vide, Brice Laccruche s’était alors déployé pour occuper inlassablement l’espace politico-médiatique avec des tournées politiques dignes de meetings, des déclarations publiques parfois surprenantes.

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Tout a été mis en oeuvre par le dircab d’alors pour meubler les rares apparitions publiques ou les absences d’Ali Bongo  pendant sa convalescence ou ses allers-retours express à l’étranger. Sur un plan plus politique, l’ancien dircab comptait sur son propre mouvement, l’Association des jeunes émergents volontaires (Ajev) pour cultiver sa base politique, mais aussi pour contourner le cric conseillé du passage par le Parti démocratique gabonais(PDG, au pouvoir). Dans cet exercice, il accumulé dans les couloirs du Palais une crainte feinte et une rancune insidieuse. Dans les rues du pays, il cristallise le mépris ouvert ou les allusions concupiscentes.

Contesté jusque dans la nationalité gabonaise et la filiation ethnique dont se prévaut ce métis, Brice Laccruche est vite passé aux yeux de l’opinion publique, au mieux comme l’allochtone qui gravit les strates du pouvoir, au pire comme l’ «infiltré» d’une puissance étrangère dans les arcanes du pouvoir. La rançon de ces inimitiés parfois fantasmées a pu faire nourrir les supputations qui ont voulu le faire passer pour le faucon qui nourrissait le secret dessein d’être chef à la place du chef. Les partisans de cette thèse expliquent son arrestation comme le prix à payer pour s’être approché trop près du soleil… au risque de se brûler les ailes!

Tribune d’Afrique

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