Finances : la croissance économique mise à rudes épreuves ?

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« Pas d’engagements à la direction générale du budget et à la direction du contrôle financier et pas de dépenses au trésor public, relevant de la direction générale du trésor et de la comptabilité publique ».

Tels sont les mots qui se murmuraient et se susurraient depuis longtemps dans les couloirs des différents services du ministère des finances et du budget et qui sont aujourd’hui malheureusement devenus une réalité. Une si bien triste réalité qui est relayée, dans les taxis et bus, les bureaux et dans les lieux de divertissement et autres restaurants de la capitale, avec un certain goût de dépitement et un certain désespoir, par des administrés de ce département hautement stratégique, des fonctionnaires et agents de l’État, des retraités, des malades en instance d’évacuation sanitaire, des opérateurs économiques et des fournisseurs de l’État. Même des  ordonnateurs, des administrateurs de crédits et des gestionnaires, agacés, en parlent sous cape.  Des hommes et des femmes qui ne cessent de s’apitoyer sur le sort réservé à leurs dossiers, de s’interroger tout naturellement sur les raisons ayant motivées la prise de cette mesure. Et, devant le silence total des responsables de ces différents services de l’État, ils  ne peuvent que hélas se laisser in fine aller bon train à des supputations et  se perdre en des conjectures.

En effet, si à la direction générale du trésor et de la comptabilité publique, il a été pris soin d’informer les administrés et les usagers des services, conformément à la règle de la transparence, par la publication d’une note de service sur laquelle on peut lire « Pas de dépenses », il n’en est absolument rien du tout à la direction  du budget et plus particulièrement à la direction du contrôle financier, garant du respect de la transparence budgétaire qui fonde toute bonne gouvernance financière.

Au niveau de la direction générale du budget dont la  principale mission consiste à élaborer et à exécuter la loi de finances, conformément à la politique budgétaire nationale et la loi relative au code de transparence et de la bonne gouvernance et dont relèvent les deux directions sus – évoquées, la méthode de communication et d’information du public et des usagers des différents services semble celle du bouche à oreille et celle du langage lapidaire et laconique « selon des instructions reçues ». Un mode communicationnel et informationnel qui non seulement ne met pas à la disposition des administrés les raisons suffisamment motivées et fondées de la suspension des engagements des dépenses de l’État et de leurs paiements par le trésor public, mais qui surtout est délibérément contraire à la règle de la transparence budgétaire.

Comme le savent les spécialistes des questions budgétaires, afin de prouver au public et à l’opinion nationale et internationale que  l’exécution de la loi de finances concourt annuellement à la bonne gouvernance financière et à l’amélioration des conditions de vie de la population, à travers l’atteinte des trois objectifs prioritaires que sont la discipline budgétaire, l’allocation stratégique des ressources et la prestation efficace et efficiente des services publics, il est  formellement mis un accent particulier sur la transparence budgétaire qui se définit comme le fait de faire pleinement connaître, en temps opportun et de façon systématique, l’ensemble des informations budgétaires. Le respect scrupuleux de cette règle par les responsables de la direction générale du budget permet partout ailleurs aux citoyens d’accéder à des informations et des commentaires sur les recettes publiques, les allocations des crédits par entités et les dépenses. Il  leur donne par là, en leur qualité d’électeurs, et à leurs représentants siégeant à l’assemblée nationale dont la première mission est de voter des lois dont la loi de finances, l’opportunité de connaitre les priorités du gouvernement en matière de politiques nationales du développement et de se faire une idée sur la formulation et l’exécution réelle des politiques de dépenses publiques. De ce fait, la transparence budgétaire, c’est – à – dire l’accessibilité de chaque administré et de chaque citoyen à des informations réelles sur l’état hebdomadaire, mensuel et trimestriel des engagements des crédits de l’État et de leur exécution par le trésor public, apparait fondamentalement, tout en n’étant pas un but en soi, comme une condition préalable à la participation du public et à la responsabilisation des gouvernants ; car un budget dont l’exécution n’est pas transparente, accessible et précise non seulement ne peut pas être bien analysé et évalué en termes d’impact sur le niveau de vie des électeurs mais surtout peut donner lieu à des supputations et à des désinformations et occulter des actes de graves dérapages, de détournements et de malversations financières.

C’est ainsi que, selon des informations parvenues à la rédaction, la situation financière de la République serait, en ce moment, extrêmement difficile. Le niveau réel des recettes publiques à l’heure actuelle seraient tellement en deçà de celui des  prévisions que le ministre des finances et du budget, M. Henri Marie Dondra, en sa qualité d’ordonnateur principal des dépenses de l’État, aurait pris cette mesure d’un commun accord avec le président de la République et la direction générale du FMI, afin d’éviter que l’État ne puisse pas honorer ses engagements régaliens et mensuels.

 Une décision qui consiste tout simplement à suspendre, hormis le ministère de la défense nationale et celui de la sécurité publique, tous les engagements des crédits ouverts, dans la loi de finances 2018, et à n’ordonner en termes de types de dépenses à payer par le trésor public que les titres de carburants. Pour être précis, ces sources affirment que cette décision a été prise en conseil de ministres et aurait provoqué l’ire de la plupart des ministres présents qui ne savent pas quoi faire pour disposer de moyens de fonctionnement, tels que les fournitures de bureau et les consommables. Dans le même temps, au nom du principe de l’unicité budgétaire ou plus exactement de l’unicité de caisse, tous les comptes des sociétés d’état, des offices publics, des agences nationales et des institutions périphériques sont désormais reversés au trésor public jusqu’à nouvel ordre, c’est – à – dire en attendant que la situation de trésorerie ne puisse s’améliorer. Voilà en peu de mots, les  raisons techniques qui expliqueraient la mise en suspens des engagements et des paiements des dépenses de l’État.

 Mais, quoiqu’il puisse relever de la responsabilité de la direction générale du budget de limiter, au cours d’un exercice budgétaire tel que celui – là, le plafonnement mensuel des engagements des crédits en corrélation avec le niveau effectif des disponibilités réelles de trésorerie de l’État, il lui est au contraire formellement fait  obligation d’en tenir préalablement informé le public par une note circulaire et de recourir immédiatement à la procédure du collectif budgétaire, afin de corriger les dérapages constatés, de réajuster l’équilibre budgétaire entre les ressources et les dépenses et surtout d’éviter de la part de ses administrés d’éventuelles poursuites judiciaires devant le tribunal administratif contre cette mesure de suspension temporaire  pour illégalité manifeste et préjudices subis arbitrairement.

Or, non seulement aucune disposition n’a été prise par la direction générale du budget pour tenir informé le public des raisons de cette mesure de suspension des engagements et du délai à courir, mais surtout en agissant de la sorte, le ministère des finances et du budget et la direction générale du budget ont commis outrancièrement  la maladresse d’outrepasser leur pouvoir et  se sont allégrement substitués à l’assemblée nationale qui est seule habilitée à légiférer en la matière.

Pourquoi alors ne pas enclencher tout simplement la procédure d’une loi de finances rectificative, même si l’on n’est pas encore arrivé en milieu d’exercice budgétaire ? Pourquoi continuer de fonctionner par la méthode du bouche à oreille ou par celle de « selon des instructions », alors que la loi leur fait formellement obligation de recourir à l’information du public par la publication et la large diffusion d’une note circulaire ? Est-ce de l’ignorance ou plutôt l’expression manifeste d’une volonté délibérée de cacher au citoyen des informations sur la santé financière exacte de l’Etat ? En suspendant sans raison suffisamment fondée, motivée et publiée les engagements des dépenses et leur exécution par le trésor public, le ministère des finances et du budget et la direction générale du budget n’ont – ils pas remis  en cause leur dernière déclaration relative à la bonne santé financière de l’économique centrafricaine dont le taux de croissance passe pour le plus élevé de la Cemac ?

Voilà de pertinentes interrogations auxquelles M. Henri Marie Dondra et le directeur général du budget doivent répondre sans ambages et sans fioritures  avant qu’ils ne soient obligés de subir l’ire des représentants nationaux, par une interpellation !

Affaire à suivre…..

Jean – Paul Naïba

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