En Centrafrique, Touadéra suspecté de favoritisme par le secteur du BTP

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En Centrafrique, Touadéra suspecté de favoritisme par le secteur du BTP

Les autorités centrafricaines entendent refaire les routes, reconstruire les bâtiments publics et soigner l’image du pays. Mais elles se mettent à dos certaines entreprises du bâtiment, qui critiquent la façon dont les marchés publics sont attribués.

C’était le secteur prioritaire dès le premier mandat de Faustin-Archange Touadéra à partir de 2016. Mais dans une Centrafrique en pleine reconstruction après les violences intercommunautaires, le BTP n’a vraiment commencé à décoller que ces derniers mois. Plusieurs chantiers sont visibles à Bangui, la capitale, mais aussi dans d’autres villes du pays. Mais à l’heure où les entreprises locales et étrangères se bousculent pour obtenir les marchés et où les opportunités sont légion, les problèmes demeurent.

Entre le manque de confiance des entrepreneurs locaux entre eux et les banques commerciales qui limitent l’accès aux crédits bancaires, certains professionnels doivent redoubler d’efforts pour tenir le rythme. Pourtant, le BTP représente 14 % des emplois dans le pays, juste derrière le commerce et le transport, même si le secteur est encore confronté à plusieurs défis.

Le principal problème reste toutefois l’attribution des marchés publics. Le
pays dispose d’un service chargé de réglementer leur attribution, mais des
entreprises privées se plaignent d’être lésées à l’issue des appels d’offre.
Certains dirigeants d’entreprises locales du BTP n’ont pas manqué d’évoquer
publiquement le sujet à plusieurs reprises.

À la mi-novembre, lors d’une rencontre entre la Banque mondiale et les entrepreneurs centrafricains sur les opportunités d’affaires dans le pays, le président de la Fédération des acteurs du secteur BTP en Centrafrique, Evariste Djinito, a alerté le gouvernement sur ces pratiques. Il a appelé entre autres à plus de transparence dans les attributions et au respect de la loi portant code des marchés publics en Centrafrique.

Proximité avec le pouvoir

« Il est parfois clair et net que tel ou tel marché est destiné à telle entreprise. Les gens le font ouvertement sans se cacher. Certains marchés qualifiés de juteux sont attribués aux proches du président Touadéra, parfois en récompense de leur soutien », s’offusque aussi un entrepreneur local qui a requis l’anonymat.

Selon lui, « certaines entreprises sont privilégiées parce que les patrons sont généralement du parti au pouvoir ou bien qu’ils sont proches du chef de l’État ». Il déplore par ailleurs que « plusieurs marchés soient monnayés, ce qui peut mettre en difficulté les entreprises à qui ces marchés sont attribués. Vous remportez le marché pour un montant précis, mais quand il faut donner des “parts”, il ne vous reste plus assez pour assurer les services. Et le résultat est toujours mauvais : nous en voyons l’exemple sur les constructions des routes ».

À la fin de 2019, face à l’état de dégradation très avancé du rond-point des Martyrs reliant le centre-ville aux quartiers du sud et de l’ouest de la capitale, le gouvernement a lancé le marché pour la reconstruction à hauteur de plus de 150 millions de F CFA (230 000 euros). C’est l’entreprise Choisy Sarl qui obtient le marché. Mais très vite, les critiques pleuvent : le PDG de Choisy Sarl, Landry Choisy, est accusé d’avoir obtenu le marché « grâce à ses
proximités » avec le cercle du pouvoir, même s’il l’a réfuté.

Quelques mois plus tard, en 2020, pendant la pandémie, l’entreprise Safral & Élégance s’était attirée des critiques pour avoir remporté le marché de construction du plus grand centre d’accueil des malades du Covid-19. Beaucoup d’entrepreneurs donnaient son patron pour un proche du président centrafricain. « C’est ce qui fait qu’il obtient facilement des marchés », glisse à Jeune Afrique une source.

« Monnayer un marché de l’État est une pratique prohibée »

D’après une source au service des attributions de marchés, « si des dossiers sont invalidés, c’est parce que certains entrepreneurs fournissent de fausses cautions bancaires. D’autres
prennent les avances de démarrage des travaux équivalant à 30% du contrat et n’exécutent pas. Quand ils postulent sur d’autres marchés, ils sont de fait recalés ».
« Notre entreprise a fait ses preuves au travers des différents travaux qu’elle a réalisés selon les règles de l’art en Centrafrique. La qualité du rendement a rassuré nos partenaires, dont certaines institutions internationales », se défend quant à lui Thierry Ouambéti, directeur général de Safral & Élégance.

« Il faut noter que la procédure d’obtention des marchés est rigide et réglementée par des textes rigoureux. Monter un dossier à soumettre par appel d’offres est d’abord concurrentiel et nécessite un professionnalisme en la matière, insiste le dirigeant. Il est souvent enregistré des plaintes de mauvais concurrents qui voient leurs dossiers d’appel d’offres non retenus en phase de délibération. »

Pour cet entrepreneur, qui est l’un des premiers fournisseurs de l’État aujourd’hui, « monnayer un marché de l’État est une pratique prohibée au risque inévitable de ternir l’image de son entreprise, voire d’être inquiété par la justice ». D’après lui, « un chef d’entreprises respecté doit être conscient qu’il est possible de gagner ou de perdre un marché ». Et de souligner que « le secteur du BTP est au centre des préoccupations du gouvernement qui, par ailleurs, compte sur les entrepreneurs nationaux pour le relèvement de notre pays ».

Jeune Afrique

 

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