Elections 2020 – 2021 : M. le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga, à quand la mise en place de la Mission d’Observation Electorale pour la Conférence épiscopale en Centrafrique ?

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Les évêques centrafricains ont tenu leur conclave connu sous l’appellation de « Conférence épiscopale » à Bangui du 20 au 26 juillet 2020. Deux sujets importants de préoccupations ont retenu leur attention lors de leurs différents échanges pendant ces travaux : la gestion de l’épidémie du covid-19 et les élections prochaines.

Sur le premier point, la conférence épiscopale a souligné sans fioritures et avec force l’insuffisance de structures adéquates pour la prise en charge des malades. Elle a de ce fait appelé à plus de transparence dans la gestion des fonds liés à la crise, selon RFI. « Nous avons des informations persistantes faisant état de détournements au niveau, par exemple, de la gestion même des dons qui ont été reçus pour la gestion de cette crise sanitaire », a indiqué Monseigneur Appora, vice-président de la conférence épiscopale de Centrafrique. « Nous ne faisons qu’interpeller les uns les autres sur la nécessité de pouvoir faire profiter tous ces dons matériels, et financiers probablement aussi, à tout le peuple. Que ce ne soit pas un groupe d’individus qui puissent tirer profit de ces dons qui nous sont donnés », a – t – il poursuivi.

S’agissant du deuxième point, à savoir le processus électoral en cours, le conclave des évêques a soulevé des dysfonctionnements dans l’enrôlement des électeurs. Infrastructures limitées, insécurité… Et, les évêques de craindre un report des élections, en ces termes : « Il y a lieu de craindre que les élections ne puissent pas avoir lieu dans des conditions raisonnables, convenables. Notre souci c’est de faire en sorte qu’il y ait des élections crédibles et apaisées. Il ne faudrait pas que ces élections soient source de chaos ou de contestation au finish. Il va falloir que tous puissent s’exprimer librement. Nous n’allons pas faire des élections pour une partie de la population, après il va y avoir des contestations qui risqueraient ce que l’on ne souhaite pas de nous plonger encore davantage dans une autre crise. Et ce glissement me semble est inévitable et il faut prévoir cela, il ne faut pas éluder cette question. »

En conclusions, les évêques ont proposé purement et simplement l’organisation d’une concertation afin de poursuivre le processus électoral et restaurer la confiance. Comme l’ont fait, bien avant eux, la cour constitutionnelle, la CEEAC, l’Onu, le G5, la société civile et les partis politiques de l’opposition démocratique. Si le premier ministre Firmin Ngrébada a finalement entendu l’appel des disciples du Christ, en ce qui concerne la lutte contre l’épidémie du covid – 19, par la mise en place d’un comité chargé du suivi de la gestion des ressources mobilisées à cet effet, le 22 juillet 2020, il n’en est absolument rien pour leur deuxième sollicitude.

En effet, le premier ministre Firmin Ngrébada a répliqué à cette demande des forces vives de la nation, en précisant que cette «concertation» ne pourrait être possible qu’à l’initiative de l’Autorité Nationale des Elections (ANE) formellement soutenue et développée dans un rapport mettant clairement en exergue son incapacité matérielle et technique d’organiser ces élections dans les délais constitutionnels et aux dates fixées. Comme si cela ne suffisait pas, le Gangster de Bangui est revenu quelques jours plus tard sur cet argumentaire plus politique que technique pour exprimer in fine sa ferme opposition à la tenue de cette concertation. Depuis lors, la tension est perceptible et même trop vive entre ce que l’on a toujours appelé le régime de Bangui et tout le corps social centrafricain, c’est – à – dire les partis politiques, les confessions religieuses, les organisations syndicales, les mouvements des femmes et de la jeunesse et la société civile, et ce, à quatre (4) mois seulement de la tenue du premier tour des scrutins couplés de 2020-2021.

Cette impasse face à une insécurité généralisée, l’occupation du plus de 85% du territoire national par des groupes armés, leur implication directe, et de façon menaçante, dans les opérations d’enrôlement des électeurs, les permanents dysfonctionnements d’une ANE manifestement illégale et illégitime, la mise à l’écart des partis politiques et de la société civile de la définition des règles du jeu, à laquelle s’ajoute le refus systématique et systémique du président Touadéra de s’asseoir autour d’une table avec ses compatriotes pour discuter, crée tout naturellement de la tension politique et sociale, mine dangereusement le bon fonctionnement des institutions républicaines et trahit la volonté d’un homme de fixer unilatéralement les règles du jeu démocratique dans le but  d’opérer un passage en force, lors des élections de 2020 et 2021. L’anarchie, le clientélisme politique, la corruption, l’instrumentalisation de la justice et des FDSI à des fins politiques et contre les forces vives de la nation, la gestion familiale des affaires de la cité, les tueries de masse du fait des exactions des groupes armés, considérés comme des partenaires du gouvernement, les incendies quotidiens des villages et des greniers contraignant des populations à de fréquents déplacements, des restrictions des libertés collectives et individuelles, les menaces contre les leaders d’opinions, et les appels à la haine et la violence sur les ondes de la radio nationale qui caractérisent la gouvernance de ce régime,  constituent autant d’ingrédients explosifs, si l’on ne se résout pas à y prendre garde dès maintenant.

C’est pourquoi, tout comme en RDC où l’Église catholique, à travers le Comité permanent des évêques de la CENCO réuni à Kinshasa en session ordinaire du 21 au 25 février 2011, avait décidé d’apporter sa contribution pour que les dernières élections intervenues dans ce pays – frère, eussent pu consolider les bases d’une destinée communautaire à construire dans la justice, la vérité et la paix, et ouvrir ainsi de nouveaux horizons pour l’avenir de la nation, la Conférence épiscopale centrafricaine doit hic et nunc aider le peuple centrafricain à s’interroger avec justesse de cette manière : que devons-nous faire pour atteindre cet objectif ?

Répondre à cette pertinente question pour les évêques de Centrafrique, pendant cette période pré-électorale et d’enrôlement des électeurs marqué des accusations de fraudes et l’expulsion des agents – recenseurs de leurs zones de travail, c’est tout comme en RDC avoir le courage missionnaire de mettre en place la Mission d’Observation Electorale en RCA et de lui assigner le rôle combien urgent et indispensable de travailler à préciser, dans nos préfectures, nos sous – préfectures, nos communes et nos villages, à travers les différentes structures de base chrétiennes,  l’enjeu fondamental et décisif pour la nation qui fonde le devoir du peuple de participer aux élections. Cet enjeu consiste essentiellement dans la construction d’une République centrafricaine réellement démocratique, apaisée et porteuse, grâce à une politique de bonne gouvernance, de nouvelles possibilités de développement pour notre peuple. Il s’agit de bâtir un Centrafrique nouveau et respectueux des droits humains, un Centrafrique plus fort aussi pour assurer à tous les Centrafricains un contexte qui leur permette de mieux faire face aux défis du futur. Si tel est l’enjeu, cette période pré-électorale est capitale pour faire bouger les lignes et changer des positions d’apparence figées. Elle doit nous permettre, à travers certaines options fondamentales, de préparer de la meilleure manière ce rendez-vous historique.

M. le Cardinal Dieudonné Nzapalaïnga, c’est à vous et tous les évêques de Centrafrique d’écrire l’une des plus belles pages de la deuxième épître des actes des Apôtres dont la première a commencé à être dessinée  en 1894 à Bangui par les Pères Spiritains, à l’initiative de Mgr Augouard, et a été marquée , selon des témoignages historiques,  par de grands et héroïques sacrifices dévolus à la cause du Christ. A l’exemple, donc,  des Pères Sallaz, Morandeau, Goblet, Gauthier, Wirth, DeBonville, Lescadres, Hock, Schouver, Goddart, Mannicus,  Desportes, Mans et Autres, pour ne citer que ceux – là,  l’heure est venue pour vous d’agir, parce que l’Eglise « n’est inféodée à aucune organisation politique. Sa seule préoccupation, c’est de contribuer au bien-être du peuple centrafricain tout entier, à la sauvegarde et à la promotion de la dignité de la personne humaine, au respect de la vie, des libertés et des droits fondamentaux ».

Jean – Paul Naïba

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