DOSSIER/ONU : Sévère et cinglant réquisitoire du conseil de sécurité contre l’incapacité totale de Touadéra à gérer la crise centrafricaine…

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NEW YORK [LNC] – “N’oublions pas que ce sont les centrafricains qui sont les premiers responsables du rétablissement de la paix et de la stabilité dans leur pays.” Des propos sans ambiguïté de l’ambassadeur péruvien à l’ONU, concluant son intervention dans le dossier centrafricain, jeudi dernier au Conseil de Sécurité. Ce fut en quelque sorte un résumé du ton de cette réunion sur la RCA, où, chose rarissime à l’ONU, la langue de bois habituelle de la maison, a par moments, laissé place à des vérités brutales et des constats froids. A commencer par celui que l’on aurait pensé être le dernier à se prêter au jeu de la sincèrité, Parfait Onanga-Anyanga, le patron de la MINUSCA.

PLACÉE SOUS LA PRÉSIDENCE DU KOWEIT, CETTE SESSION FUT CELLE DES PREMIÈRES

Onanga-Anyanga, en quelque sorte la vedette de cette session jouait gros. Nommément mis sur la sellette, et donc remis en cause par Antonio Guterres le Secrétaire Général au dernier quart de 2017, il n’ignorait donc pas que ses propos de justification de son action à la tête de la MINUSCA, pouvaient, si malhabiles, lui faire couper la tête.

Aussi, a-t’il déroulé un exposé prudent, tel un étudiant appliqué sous examen, sur sa vision de la situation centrafricaine. En évitant soigneusement d’user de son habituel ton de mépris hautain, et sa flagornerie habituelle, s’adressant aux centrafricains.

AVEU DE FAIBLESSE & RÉVOLTE

Un discours articulé sur 5 axes.

1- Constat de la faiblesse de la MINUSCA à faire cesser les violences : “Je viens à vous aujourd’hui pour témoigner des violences et des atrocités, qui continuent d’affecter une grande partie de la population civile centrafricaine. […] Le retour des réfugiés et des déplacés internes dans leurs lieux d’origine reste compromis.”

2- Nuanciation d’un sombre bilan : “Malgré l’adversité toujours farouche, la paix est en marche en RCA. Nous regagnons chaque jour des pans entiers de légitimité jadis perdus. […] Les défis sont importants, mais la vue d’ensemble de la République Centrafricaine n’est pas aussi désespérée que ne semble l’indiquer les chiffres présentés par les Media.

3- Mise en avant de la coopération avec les autorités locales. “ Il n’y a pas si longtemps, la simple idée d’une action MINUSCA – FACA était inimaginable. Nous sommes désormais partenaires sur le champ des opérations.”

4- Plier pour reconnaître les dossiers qu’habituellement il bottait en touche : “La « tolérance zéro » du Secrétaire Général sera une politique qui fera partie intégrante de notre devoir de protéger.” – En déduire donc que jusque là, il reconnaît ne pas la pratiquer.

5- Répondre sans langue de bois à la critique principale, celle de la tolérance des bandes armées, et c’est une première.

Au détour d’une phrase, il lance une bombe, en renvoyant l’ONU à ses propres contradictions :

A moins que nous ne débattions de la capacité nous permettant de faire pression militairement sur les groupes armés qui refusent toujours de se tourner vers la paix, aucun processus de paix n’aura une chance de réussir.

Traduction : Si l’ONU ne nous autorise pas à agir militairement contre les groupes armés, il n’y aura pas de paix possible. Une remise en cause fondamentale de la philosophie des casques bleus par Onanga-Anyanga soi-même.

Il est donc évident que l’homme prend très clairement ses distances par rapport à des modes de fonctionnement que manifestement il ne cautionne plus. Car en 2016 il s’en tenait encore au discours maison : “Nous ne sommes pas là pour faire la guerre.”

HILALE PORTE L’ESTOQUADE

Si tous les intervenants étaient d’accord sur le même constat, la République Centrafricaine allait très mal, et que même, elle n’avait jamais été si mal, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, Omar Hilale, en sa qualité de Président de la Configuration République Centrafricaine, d’être d’une cruelle franchise durant son intervention, en affichant son scepticisme sur de nombreux dossiers, et plus que tout, en doutant sérieusement de la crédibilité du gouvernement centrafricain en place : « […] La fragilité de la situation de la République Centrafricaine continue de nous préoccuper, les combats ont repris, de nouvelles zones où les besoins alimentaires sont particulièrement aigus sont apparus.

[…] Je suis conscient du fait que 2,23 milliards de $ ont été engagés lors de la réunion de Bruxelles. Cependant, le taux d’exécution des projets en cours pour lesquels un financement avait été obtenu n’a été que de 16 % en 2017.

A la lumière des contacts que j’ai maintenu avec les Nations unies, la Banque Mondiale et d’autres acteurs, je crois comprendre que la capacité d’absorption du gouvernement de la RCA, le manque de coordination entre les principaux ministères, ainsi que l’absence d’un gouvernement digne de ce nom, ainsi que la présence de groupes armés sur l’ensemble de ce territoire ont été perçus comme des obstacles à l’utilisation rapide de ces ressources.

[…] Le Tribunal Pénal Spécial est confronté à de nombreuses difficultés. Tout d’abord, il a un déficit de ressources, qui va sans doute le tourmenter pendant les cinq prochaines années. A cet égard, bien qu’une stratégie en matière de protection des victimes et des témoins a été élaborée, il y a encore de sérieuses lacunes en la matière. »

Si l’intervention de la Guinée équatoriale fut totalement insipide et sans intérêt, par contre celle de la Côte d’Ivoire  été sans équivoque, en dénonçant nommément le gouvernement de Touadera de complicité avec des chefs rebelles, en continuant de leur verser des émoluments, alors que ces individus sont sous le coup de sanctions de l’ONU; ou celle du Pérou,  et plus encore celle de l’ambassadeur Bolivien furent tranchantes.

Pour la Bolivie :  « Ainsi, selon le dernier rapport du Secrétaire général, environ 50% de la population dépend d’une assistance extérieure pour survivre. 2.5 millions de centrafricains ont besoin d’une aide humanitaire urgente. Ce qui constitue une hausse de 100.000 par rapport  à la période précédente.

Le nombre de personnes déplacées internes a augmenté de 70% en 2017.

Ce chiffre atteint maintenant 1.2 million de personnes. Un des chiffres les plus élevés jamais atteint dans l’histoire de la république Centrafricaine. L’insécurité alimentaire a beaucoup augmenté et concerne une personne sur deux. 500 écoles ont fermés à la fin de 2017, étant donné la situation d’insécurité dans certaines régions. Il n’y a carrément pas d’école.»

Pour la première fois, la représentante du pays concerné fut enfin autorisée à s’exprimer. Et elle ne s’est pas gênée pour le faire remarquer, même si ensuite, ce ne sera que pour ânonner des poncifs dans une pseudo analyse purement factuelle :  « C’est la première fois que je prends la parole..».

Lors de la précédente réunion sur la RCA, concernant le renouvellement de l’embargo sur les armes, sur pression de la France, elle n’avait eu droit qu’à faire acte de présence et à se taire.

CONCLUSION

Ce 22 février restera gravé dans les annales de l’ONU. Parce que rares y sont les moments ou au sein de cette institution, coutumière de la culture diplomatique du silence sur des vérités, de la langue de bois et de la démagogie, des diplomates y parlent “cash”.

Un ton de la vérité assez nouveau que confirmait l’ambassadeur bolivien : “La situation de ce pays (RCA) est telle, que se cacher une prise de conscience des réalités peut être dangereux.”

Des premières en cascade : avec Parfait Onanga-Anyanga défiant la maison mère, en persiflant sur la pratique onusienne d’entretien de terroristes. Lui encore d’affirmer de manière limpide que le conflit centrafricain n’est pas près de cesser. Et qu’en conséquence les casques bleus sont là pour encore un bon moment. Propos corollaire d’un autre en privé sur l’inexistence d’un gouvernement crédible dans le pays. Constat sur lequel, et là, plus grave, car en public, de l’ambassadeur marocain Hilale, n’hésitant pas devant l’assemblée à dénoncer lui aussi en Centrafrique “l’absence d’un gouvernement digne de nom”. Ponctuant ses propos un peu plus tard, en appui de ceux de son collègue bolivien d’un : “Depuis l’avènement de Faustin TOUADERA à la tête de la République Centrafricaine, le pays vit le pire de son histoire.”

Et dans la même veine, d’expliquer devant le Conseil de Sécurité, que ceci expliquait cela. Que si les promesses de la table ronde de Bruxelles ne se sont concrétisées qu’à 16%, c’est dû au défaut d’un gouvernement crédible en RCA.

Mais, dans le même temps, tous ces diplomates de plaider pour des aides financières de la part de la communauté internationale pour ce pays depuis un bon moment à la dérive. Cela n’aide pas de le dénigrer publiquement. Confirmation d’un diplomate américain accrédité à l’ONU : “Un pays en déficit de crédibilité ne trouve pas d’aide. Les bailleurs de fonds s’en détournent. Et comme vous le dites, c’est une double peine. Il est instable et a besoin d’aide, mais il a besoin d’aide parce qu’il est instable. La quadrature du cercle.”

© Février 2018 – LAMINE MEDIA

Source : LNC

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