Dialogue politique entre l’Ue et Madagascar : un exemple à suivre pour la RCA !

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Lire entre les lignes avec le langage diplomatique

Noëlle il y a 2 années

Revenons sur le dialogue politique UE-Madagascar, qui s’est tenu à Antananarivo, le 14 août 2020, où la diplomatie a joué, une fois de plus, son rôle de garant de la stabilité dans les relations internationales. Rôle qu’elle exerce, par définition, dans le but de convaincre de façon durable, sur fond d’incertitude, surtout avec cette crise de la Covid-19. Mais il n’y a pas que le dialogue politique…

Lire entre les lignes avec le langage diplomatique

 

La 8ème session du dialogue politique UE-Madagascar s’est tenue le vendredi 14 août 2020 au Palais d’Etat d’Iavoloha. La partie malagasy était représentée par le président Andry Rajoelina accompagné du premier ministre Ntsay Christian et des membres du Gouvernement ainsi que de hauts cadres de l’État. L’ambassadeur de l’Union européenne, Giovanni Di Girolamo, les ambassadeurs d’Allemagne et de France, Michael Derus et ‎Christophe Bouchard ont pour leur part, représenté la partie européenne. Les ambassadeurs de Belgique, d’Espagne, des Pays-Bas, de Pologne, ainsi que le chargé d’affaires de Grèce, la chef de mission adjoint d’Italie et la représentante de la Suède, à l’extérieur du pays ont, quant à eux, participé par visioconférence.

« Les deux parties ont souligné l’importance du dialogue politique pour le renforcement du partenariat entre Madagascar et l’Union européenne, l’opportunité de faciliter la définition de priorités et de principes communs et le renforcement des liens d’amitié et de coopération entre l’UE et Madagascar.

Les grands programmes de reformes initiés par l’État Malagasy ont été abordés, à l’instar de la gouvernance, la sécurité, les droits de l’Homme, la situation économique et l’état de la coopération UE-Madagascar ». C’est ce qu’on peut lire en introduction dans le communiqué de l’UE à l’issue de la rencontre.

Lire entre les lignes

En parcourant le communiqué, on serait tenté de croire que tout va pour le mieux du monde dans ces relations et que chaque partie a bien rempli sa part de responsabilité ou du moins, ce que l’une a attendu de l’autre.

La lecture du paragraphe : « L’Union européenne a informé qu’elle souhaiterait effectuer une mission de suivi après la mission d’observation électorale qu’elle a déployée lors des élections présidentielles de 2018 et les recommandations de cette mission pour la consolidation des acquis et l’amélioration de la gouvernance électorale à Madagascar » invite toutefois à une certaine réflexion sur cette « bonne entente » apparente.

Certes, le choix des termes utilisés laisse supposer que l’UE veut toujours croire à la bonne volonté de Madagascar. Mais même si le ton est respectueux comme le veut la tradition diplomatique, le rappel qu’il y avait eu « des recommandations… pour la consolidation des acquis et l’amélioration de la gouvernance électorale à Madagascar » ne laisse aucun doute sur « des devoirs non accomplis » par la partie malagasy. Et à y regarder de près, quand l’UE « informe » qu’« elle souhaiterait effectuer une mission de suivi », c’est qu’elle ne demande pas la permission. Elle informe qu’elle va le faire ! En fait, elle se voit être en droit de le faire car elle s’estime avoir respecté ce qui a été convenu, contrairement à la partie malagasy.

Les présidentielles, encore et toujours

Depuis ces présidentielles, beaucoup d’eau est passée sous les ponts. Malgré l’alternance à la Magistrature suprême qui s’est déroulée de manière pacifique, mais toutefois marquée par une défaite sans précédent d’un candidat au pouvoir, avec seulement 8,82% des voix (au 1er tour), des révélations comme ces histoires de « doublons » ont entaché le tableau. Ces faits ont coûté sa place de vice-président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) à Thierry Rakotonarivo. Il n’a pourtant fait que « dire tout haut » ce que bon nombre d’observateurs avaient « pensé tout bas » et que les réseaux sociaux ont « chuchoté bruyamment » !

Comme les présidentielles, les autres élections de 2019 (législatives et communales) ont ainsi été effectuées avec une liste électorale douteuse, et on ne peut que souhaiter l’effectivité de l’amélioration de cette liste, annoncée chaque année par la Ceni dans ses rapports d’activités.

En tout cas, il n’est pas étonnant que même si les conséquences de la crise sanitaire préoccupent au plus haut point, l’UE (qui soutient le pays en tant que « Team Europe », dans sa riposte contre la Covid-19) remet sur le tapis ce que doit être « la suite » des présidentielles. L’on peut dire que c’est dans la logique-même des choses, puisqu’il est clair que sa contribution ne devait pas se limiter à l’observation pendant les élections.

D’autres dossiers

L’Union Européenne ne fait pas exception dans ce suivi post-électoral – ou ces suivis tout court. En effet, c’est la communauté internationale dans son ensemble qui « se surveille » et le terme partenariat est mis en avant dans les relations. Mais nous savons bien que pour les pays comme le nôtre, ce sont surtout les organismes internationaux et les pays occidentaux qui veillent à ce que nous soyons de bons élèves en matière de démocratie, de bonne gouvernance, et de respect des droits de l’homme – cette liste de bonnes conduites à suivre n’étant pas exhaustive. Le partenariat se résumant le plus souvent en prêts et/ou dons contre diverses recommandations. Une réalité qui pourrait agacer, mais une évidence qui devrait aussi faire réfléchir ceux qui détiennent le pouvoir – toujours, dans ces pays comme le nôtre !

C’est ainsi que les Nations Unies par l’intermédiaire du Haut-commissariat aux Droits de l’Homme disent être « très préoccupées par l’usage excessif de la force » pour le cas des tirs sur les évadés de la prison de Farafangana, le 23 août dernier. Ce sont des faits qui ne laissent jamais indifférente la communauté internationale, quoi que l’on puisse dire pour justifier de tels actes. Tout cela sur fond de grognes qui montent à cause de plusieurs mois de salaires impayés dans certains organismes rattachés, ou d’une insécurité galopante, s’il ne faut citer que ces cas, entre autres difficultés liées (directement ou indirectement) à l’état d’urgence sanitaire qui prévaut.

Mais toujours dans ce contexte, l’on peut aussi rappeler la promptitude le la France (entre autres) à répondre au Pr Ahmad Ahmad, alors ministre de la Santé publique, quand il avait demandé des fournitures et matériels sanitaires pour que son département puisse affronter la pandémie. Une réponse quasi-immédiate qui allait à l’encontre de la position des tenants du pouvoir, qui – faut-il le rappeler – a condamné le geste, jusqu’à remplacer le concerné, lors du récent remaniement du Gouvernement.

Enfin, pour finir avec ces quelques exemples, comment ne pas citer le cas de ces matériels informatiques et audio-visuels « donnés » par le Pnud (Programme des Nations Unies pour le Développement) au CCO (Centre de Commandement Opérationnel) et qui a mis en cause son président, également ministre de l’Intérieur, Tianarivelo Razafimahefa et sa femme (directrice commerciale de la société où lesdits matériels ont été achetés) ? Dans un premier temps, le Pnud, sollicité pour donner sa version, a répondu de manière indirecte par un don « direct » de plusieurs cartons de matériels informatiques au Ministère de la Défense nationale, au Ministère de la Sécurité publique, au Secrétariat d’Etat à la Gendarmerie et à l’Assemblée nationale. Mais plus tard, Transparency International – Madagascar, a pu avoir une réponse qui contredit ouvertement les explications du ministre de l’Intérieur. Car si ce dernier a affirmé que c’est le Pnud qui a choisi lesdits matériels, l’organisme onusien quant à lui, a expliqué que la somme a été versée à la partie malagasy pour que celle-ci se charge elle-même de toutes les procédures d’achat. Espérons que le Bianco (Bureau indépendant anti-corruption) n’attende pas trop longtemps que les choses se calment – comme l’a répondu son directeur général, à la question d’un confrère – pour faire son travail d’investigation.

Manœuvres obliques

UE et Nations Unies ont attribué des contributions pour l’effectivité des opérations à Madagascar dans le cadre de contrats conventions, accords. Le contrat est la loi des parties et s’impose aux partenaires sur un plan d’égalité. C’est dans le respect des principes de redevabilité et de prévention que les partenaires interpellent Madagascar.

En diplomatie, entre personnes bien élevées, les silences et les manœuvres obliques se dispensent de commentaires. Les partenaires livrent à l’opinion publique, par-dessus le gouvernement et les institutions politiques, les interpellations.

En somme, « le monde nous regarde », non comme on voudrait nous le faire croire mais de la façon dont fonctionne la diplomatie depuis qu’elle existe. Et elle ne fait pas que regarder, puisqu’elle observe, scrute et attend le moment propice pour dévoiler sa position. Il se peut même qu’elle ne dise rien – et c’est encore pire quand cela se produit.

En tout cas, en diplomatie, tous les moyens sont bons pour avoir le dernier mot. Ce que dit ce passage tiré d’un document écrit par le diplomate et politologue belge, Raoul Delcorde, peut l’illustrer : « Pour influencer les tiers, le diplomate peut recourir à toute une série de ‘ manœuvres obliques ’: alliances de circonstances, manœuvres dilatoires, multiplication des exigences ». Et puis, « Pour le diplomate, le dernier mot de l’astuce est de dire la vérité quand on croit qu’il ne la dit pas, et de ne pas la dire quand on croit qu’il l‘a dite » (Georges Courteline). Le langage diplomatique c’est tout un art et il est inutile de jouer au plus malin… en face !

Noëlle

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