CONSEQUENCES DE LA GUERRE EN UKRAINE, EN AFRIQUE : Le Mali sera-t-il encore « lâché en plein vol ? »

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« La guerre, c’est quand on la croit loin qu’elle est proche », disait l’ex-chef de l’Etat de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, à propos de  l’invasion russe en Ukraine. Et l’homme ne pensait pas si bien dire lorsque l’on voit les répercussions déjà réelles ou à venir de cette guerre en Afrique. En plus des inévitables conséquences socio- économiques redoutables liées à l’envolée des prix du pétrole et du blé et du sort tragique des migrants africains en Ukraine, victimes de discrimination sur les chemins de l’exil ou bloqués sous les bombes russes, certains pays africains comme la République centrafricaine et le Mali qui avaient basculé dans le giron russe pour répondre à la crise sécuritaire qui les frappe de plein fouet,  ont, sans nul doute,  du mouron à se faire. Le Mali, en particulier, qui se plaignait par la voix de son Premier ministre, Choguel Maïga, à la tribune des Nations unies, d’avoir « été lâché en plein vol » par la France du président Emmanuel Macron, risque fort de connaître le même sort. Et pour cause.  

Assimi Goïta et ses compagnons d’armes risquent d’être pris au dépourvu

Face au probable enlisement de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine, selon certaines indiscrétions, envisagerait en effet de battre le rappel de toutes les forces combattantes russes, y compris les mercenaires du groupe Wagner qui appartiendrait d’ailleurs, selon certaines sources, à un proche du président russe. L’on peut être tenté de prendre cette information pour argent comptant étant donné que les nouvelles du front font état de l’utilisation par la Russie, de mercenaires tchétchènes et syriens appelés en renfort en Ukraine. Dans un tel cas de figure, Assimi Goïta et ses compagnons d’armes qui avaient tout misé sur la Russie, boutant au passage, l’allié traditionnel français hors du Mali, risquent d’être pris au dépourvu et contraints de revoir leurs plans dans un contexte où les groupes armés terroristes sont loin d’avoir dit leur dernier mot. L’attaque récente du camp de Mondoro, revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) lié à Al-Qaïda au Maghreb islamique dont le bilan est querellé entre la nébuleuse terroriste et l’Etat malien, vient le rappeler, de façon fort cruelle. Et c’est sans nul doute cette perspective non réjouissante qui fait courir les sécurocrates maliens, notamment le ministre de la Défense et le chef d’Etat-major général des armées qui se sont rendus de toute urgence en Russie. L’on imagine qu’ils sont allés solliciter auprès du tout puissant maitre du Kremlin, le maintien des combattants russes au Mali et pourquoi pas, un renforcement en soutien matériel. Mais ont-ils la chance d’avoir une oreille attentive de Poutine qui a les yeux rivés sur le front ukrainien ? C’est difficile à dire d’autant plus que le président russe joue son avenir politique et le rôle de son pays sur la scène internationale dans cette guerre ukrainienne qui, pour l’instant, semble déjouer ses plans.

Le Mali a l’occasion de prendre sa totale indépendance de toutes les forces étrangères

En attendant de voir les éventuelles retombées de cette mission malienne menée au pas de course au pays de Poutine, l’on ne peut, pour l’instant, que faire le constat que la sérénité n’est pas de mise sur les rives du Djoliba. La guerre de communication que semblent mener les autorités de Bamako avec des chiffres contestés par les groupes armés, est symptomatique d’une certaine frilosité que l’on perçoit par ailleurs à travers les Fakenews sur les réseaux sociaux. L’on se souvient, en effet, qu’un journaliste du magazine africain, Jeune Afrique, avait été éconduit manu militari de Bamako. Or, c’est la crédibilité de ce journal que l’on semble vouloir exploiter aujourd’hui pour montrer la montée en puissance de l’armée malienne. Mais tout cela, peut-on dire, est de bonne guerre dans l’étreinte mortelle entre le Mali et les groupes armés, surtout que la junte militaire au pouvoir sait qu’elle ne doit sa légitimité et sa survie qu’aux résultats de la lutte contre l’insécurité, après avoir été diplomatiquement et économiquement mise sur le banc de touche.  Cela dit, comme le dit la sagesse populaire, « à quelque chose, malheur est bon ». Le Mali que l’on sait si jaloux de sa souveraineté, a là l’occasion de prendre sa totale indépendance de toutes les forces étrangères qui « occupent » son territoire. En effet, le véritable anti-impérialisme dont se réclament les autorités maliennes et bien de leurs soutiens sur le continent africain, n’est pas de quitter sous l’aile protectrice d’une puissance impérialiste pour se réfugier sous celle d’une autre, mais d’assumer pleinement et entièrement son indépendance. L’armée malienne que l’on présente aujourd’hui comme en train de monter en puissance, est sans nul doute le meilleur moyen de cette autonomisation vis-à-vis de toutes les puissances étrangères dont la Russie. Mais, on le sait, la partie n’est pas gagnée d’avance pour le Mali qui devra payer lourd la dette de cette lutte contre le terrorisme. Car, en plus de la  menace d’être privé de l’aide de ses nouveaux partenaires, le pays doit aussi subir le poids des sanctions économiques de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans un contexte de flambée, au plan mondial, des prix du carburant et des denrées alimentaires.

« Le Pays »      

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