Congo : commémoration des 80 ans du « Manifeste de Brazzaville »

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28 octobre 2020 à 18h20 | Par – envoyée spéciale à Brazzaville

Mis à jour le 28 octobre 2020 à 18h49

Denis Sassou Nguesso, en 2019

Plusieurs chefs d’État africains ont participé à un colloque commémorant le 80e anniversaire de la proclamation de Brazzaville comme « capitale de la France libre » par le général De Gaulle.

« Rétablir la réalité de l’épopée de la Seconde Guerre mondiale avec ce que fut la contribution de l’Afrique. » C’est par ces mots que le président Denis Sassou Nguesso a ouvert le colloque « Brazzaville capitale de la France libre, une mémoire partagée », qui se déroule jusqu’au 29 octobre dans la capitale congolaise, à l’initiative du gouvernement congolais, de l’ambassade de France au Congo et de la Fondation de Gaulle.

Il s’agit de mettre en évidence le rôle déterminant du continent dans la libération de la France aux prises avec l’Allemagne nazie. Du Centrafricain Faustin Archange Touadéra en passant par le Tchadien Idriss Déby Itno et le Congolais Félix Tshisekedi, ou encore les Premiers ministres gabonais et camerounais, tous déplorent que l’histoire africaine de la France libre ait été occultée et mise sous le boisseau au profit de la seule résistance européenne. Or, comme l’a si bien rappelé Arnaud Robinet, maire de Reims, ville jumelée à Brazzaville, « sans l’Afrique, l’Appel du 18 juin ne serait resté que l’éternelle supplique des peuples qui ne veulent pas mourir ».

Tous ont aussi rappelé que c’est à Brazzaville qu’a débuté la longue reconstruction de l’État français dont témoigne le manifeste du 27 octobre. C’est dans cette ex-capitale de l’Afrique équatoriale française (AEF) que fut créé le Conseil de défense de l’Empire, esquisse du futur gouvernement provisoire de la République française, ainsi que l’Ordre de la libération. C’est également à Brazzaville que le général de Gaulle put s’adresser par voie de radio au monde entier en toute liberté à partir de juin 1943.

Travail de mémoire

Les chefs d’État africains ont visiblement apprécié d’entendre Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, reconnaître que cet épisode n’a pas fait l’objet de tout l’investissement historique et mémorielle qu’il mérite. « Si l’on veut comprendre la France libre, comprendre comment elle a pu asseoir sa légitimité auprès des alliés, comment elle a su trouver les ressources matérielles et humaines nécessaires à l’effort de guerre, il faut examiner ce qu’a été cette éphémère, mais déterminante Afrique française libre », a expliqué Jean-Yves Le Drian, qui suggère de travailler à la reconstruction de cette mémoire partagée, « afin d’éviter que les histoires partielles continuent à faire le lit des histoires partiales ».

Ce travail de mémoire est l’une des conditions essentielles du nouveau projet de partenariat entre la France et l’Afrique francophone, lequel doit permettre de bâtir des rapports au passé plus apaisés et d’affronter des défis communs, dans un monde marqué par la brutalité, les tentatives de prédation, par la rivalité. « Il nous faut faire bloc ensemble : c’est cela aussi l’esprit du Manifeste de Brazza. »

Histoire commune

Une « solidarité », que les différents chefs d’État, pragmatiques, n’ont pas manqué de convoquer, chacun pour des besoins spécifiques, au nom de cette histoire commune. Denis Sassou Nguesso verrait bien l’Afrique décrocher une place de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Déplorant que « les forces armées centrafricaines, dont les ancêtres sont tombés sur le champ d’honneur dans le combat pour la liberté, l’égalité et la fraternité » soient privées de moyens de défense, Faustin Archange Touadéra a lancé un appel à la solidarité africaine en vue de la « levée totale de l’embargo sur les armes à destination des forces centrafricaines désormais professionnelles et républicaines ».

Tout en plaidant pour une indispensable entraide dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, Idriss Déby Itno espère quant à lui voir ériger en France une stèle mémorielle digne de ce nom « pour immortaliser cet acte exemplaire de solidarité humaine marqué du sceau de sacrifices immenses » qu’aura été la réponse africaine à l’Appel de Brazzaville. Pour Déby Itno, « il n’est pas concevable que l’image du soldat tchadien, centrafricain, congolais, camerounais ou gabonais soit effacée de la mémoire collective ». Il suggère que l’histoire de cette décisive participation doit être revisitée et insérée dans les manuels. De quoi satisfaire les historiens présents, qui ne s’expliquent pas l’entêtement des Africains à célébrer une histoire dont les Français eux-mêmes ne semblent pas se préoccuper.

Jeune Afrique

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