Collectif budgétaire 2018 : incohérences, mensonges, et absence de sincérité et de crédibilité

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Il y a déjà une semaine, l’assemblée nationale a été convoquée en session extraordinaire. Sont inscrits à l’ordre du jour plusieurs projets de loi, parmi lesquels le projet de loi de finances rectificative. Loi de finances rectificative ou collectif budgétaire, de quoi s’agit ?

Comme le savent et le disent les spécialistes du droit budgétaire, au cours d’un exercice budgétaire, c’est-à -dire de l’année d’exécution d’une loi de finances communément appelée «  budget », il peut être voté une ou plusieurs lois de finances rectificatives. Celles-ci ont pour effet de modifier la loi de finances initiale (LFI), c’est – à – dire leur objet  et de corriger les prévisions ou encore d’infléchir sensiblement en cours d’exercice la politique budgétaire en se fondant sur la prise en compte des évolutions conjoncturelles tant internationales que nationales, politiques, et socio- économiques.

C’est en application de ce principe du droit budgétaire dont le respect dans tout Etat démocratique permet aux élus de la nation de contrôler l’action gouvernementale, d’une part, et aux autorités publiques, d’autre part, de réajuster l’équilibre budgétaire entre les ressources et les dépenses pour une meilleure allocation stratégique et une mise en œuvre des politiques nationales du développement, que le ministre des finances et du budget, Henri Marie Dondra s’est présenté, le vendredi 22 juin dernier, devant la représentation nationale pour prononcer son discours, connu sous la dénomination d’exposé des motifs.

Comme l’a souligné son service de la communication, tous ont constaté que « le discours de présentation sans débat de ce projet de loi de finances a lieu dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale sous la présidence du 1er vice-président de ladite institution, Jean Symphorien Mapenzi ».

Selon le grand argentier de la République, « ce projet du collectif budgétaire a été élaboré dans un contexte national caractérisé par une situation sécuritaire difficile, impactant directement la reprise de l’activité économique amorcée depuis 2017. Nonobstant la dégradation de l’environnement sécuritaire dans certaines régions du pays, le projet de loi de finances rectificative 2018, présenté par la ministre des finances et du budget Henri-marie Dondra ne s’écarte pas de la vision du chef de l’Etat.

La volonté du gouvernement d’aller vers un collectif budgétaire est motivée par la nécessité de prendre en compte dans le budget de l’Etat, certaines données et dispositions qui n’étaient pas disponibles ou qui n’existaient pas au moment de l’élaboration du projet du budget initial. Il y a entre autres les ressources extérieures additionnelles constituées d’appuis budgétaires (32,7 milliards), de dons projets (25,3 milliards) et d’emprunts projets (3,4 milliards). Comparativement au budget initial, les ressources extérieures passent de 45 milliards de FCFA à 105,3 milliards de FCFA.

La promulgation de loi n°18.002 du 17 janvier 2018, régissant les communications électroniques en RCA dans laquelle la collecte des recettes doit être autorisée par les dispositions d’une loi de finances est l’une des raisons qui ont sous-tendu la rectification de cette loi de finances 2018. Certains besoins pressants comme les travaux préparatoires de l’organisation des Journées Mondiales de l’Alimentation (JMA) et du paysan 2018 et 2019, exigeant des dépenses importantes qui n’ont pas été prises en compte sont désormais budgétisées. Enfin, ce collectif permet de revoir les prévisions budgétaires 2018 pour tenir compte de la baisse des recettes propres de l’Etat consécutive au cadrage macroéconomique de la RCA révisé lors de la mission de la 4ème revue du programme économique du gouvernement soutenu par la Facilité Elargie de Crédit (FEC).

Le projet de loi de finances rectificative 2018 a connu une progression de 33,9% des ressources totales et sont désormais estimées à 218,9 milliards. On note par ailleurs une baisse de 4,3% des ressources propres dont la nouvelle estimation donne un chiffre de 112,9 milliards. Les secteurs prioritaires à savoir l’agriculture et l’élevage , les infrastructures de transport et les télécommunications, l’eau et l’énergie , la promotion des PME/PMI et le développement des activités à haute intensité de main d’œuvre , la santé, l’éducation, les affaires sociales , et le renforcement des capacités de la justice et des corps de contrôle ainsi que les forces de défense et de sécurité demeurent inchangés dans le projet de loi de finances rectificative en examen. Après le discours de présentation sans débat du projet de loi de finances rectificative pour l’exercice 2018, par le ministre des finances te du budget Henri-Marie Dondra, les députés de la nation vont se pencher sur ce projet avant les débats en plénière dans les jours à venir ».

Seulement voilà, selon des informations dignes de foi en notre possession, en se penchant sur l’examen de ce projet de loi de finances rectificative 2018, les experts des partis politiques siégeant à l’assemblée nationale sont fort étonnés de relever des incohérences entre les termes de l’exposé des motifs, savamment présenté par Henri Marie Dondra, pour le besoin de la cause, et le contenu dudit projet.

En effet, la lecture de ce projet et les rapports d’audition des experts de la majorité des départements ministériels, des institutions de l’Etat et de toutes les entités périphériques, à eux faits par les élus de nation, ont révélé des coupes drastiques de tous les crédits de fonctionnement et d’investissement ouverts dans la loi de finances initiale. A l’exception fort curieusement de la présidence de la République, de la primature qui sont loin d’être classées parmi des départements prioritaires mais dont les lignes de crédits ont connu respectivement une augmentation de +9% et +14%, et des départements ou institutions qui ont été créés, après l’examen, l’adoption et la promulgation de la loi de finances initiale et auxquels ont été évidemment affectés de nouveaux crédits, tous les autres postes de dépenses ont subi une baisse fort considérable de leurs budgets, y compris les ministères de la défense nationale et de la sécurité publique, en cette période de regain des hostilités et de violences dans certaines régions du  pays. Mieux, en l’espèce, la haute cour de justice dont la mission est de statuer sur de possibles cas de mise en accusation du président de la République pour haute trahison, n’est pas logée à la bonne enseigne. Etant une juridiction non permanente, jugée donc accessoire et même inutile pour Dondra et son équipe, elle a perdu tout simplement plus de 60% de son budget, sur un total de crédits de 100 millions de FCFA. Une décision qui a amené ces experts à se douter de la bonne volonté du ministre des finances et du budget à octroyer des crédits de fonctionnement aux institutions dont la mission est d’œuvrer à la consolidation des acquis démocratiques.

Alors,  c’est de quelles incohérences, parlent – ils, ces experts des partis politiques, se demandent sans doute Henri Marie Dondra lui – même, son chargé de missions en politique budgétaire, son directeur général du budget, les thuriféraires du régime Touadéra et leurs laudateurs. Elles sont là, ces incohérences, bien visibles à l’œil nu.

 La première découle du simple constat que l’on ne peut pas affirmer dans l’hémicycle de l’assemblée nationale et devant des élus de la nation que le projet de loi de finances rectificative 2018 a connu une progression de 33,9% des ressources totales et désormais estimées à 218,9 milliards, et dans le même temps opter allégrement pour des coupes budgétaires aussi drastiques que sévères.

La deuxième qui dénote de l’absence totale d’une volonté politique qui, depuis plus de deux ans, caractérise la gestion de nos finances publiques par ce régime, est celle qui se traduit par le fait que l’on ne peut pas avoir une vision pour son pays et travailler à l’amélioration des conditions de vie de sa population, lorsque l’on refuse de mettre l’accent sur les secteurs prioritaires et porteurs de croissance et de richesses que sont l’agriculture, l’élevage, la santé, l’éducation, les routes, le commerce, etc.

La troisième incohérence la plus visible est celle qui concerne le degré inouï de désintérêt accordé par le ministre des finances et du budget, Henri Marie Dondra, et le gouvernement de son cher aîné Sarandji, aux secteurs de la défense et de la sécurité ; car,  l’on ne peut pas affirmer que «  ce projet du collectif budgétaire a été élaboré dans un contexte national caractérisé par une situation sécuritaire difficile, impactant directement la reprise de l’activité économique amorcée depuis 2017. Nonobstant la dégradation de l’environnement sécuritaire dans certaines régions du pays, le projet de loi de finances rectificative 2018, présenté par la ministre des finances et du budget Henri-marie Dondra ne s’écarte pas de la vision du chef de l’Etat », et clamer haut et fort sur tous les toits et toutes les ondes vouloir veiller à la défense du territoire national, assurer la protection des biens et des personnes et faire préserver les intérêts fondamentaux de l’Etat et trouver dans le même temps plus moins inessentiel  d’augmenter de manière sensiblement nette les crédits alloués aux départements et institutions devant intervenir dans le domaine de la sécurité. C’est de l’invraisemblable ou tout simplement un appel d’air aux seigneurs de guerre et aux bandes armées pour la perpétuation de la crise !  Comment alors faire restaurer l’autorité de l’Etat, par le redéploiement de l’administration civile et militaire et le retour des milliers de personnes déplacées dans leurs villages, dans un premier temps et relancer les activités socio-économiques sur toute l’étendue du territoire, dans un deuxième temps, si l’on n’ a pas pris les dispositions dans ce présent projet de loi, afin de doter le ministère de la défense nationale et celui de la sécurité publique de crédits substantiels et indispensables à l’accompagnement des hommes sur le terrain, à l’achat d’armes et d’équipements militaires, matériels et logistiques et à la construction des garnisons, par exemple ?

La dernière incohérence qui a retenu l’attention des experts des partis politiques porte sur l’affirmation du ministre des finances et du budget relative à une baisse de 4,3% des ressources propres dont la nouvelle estimation donne un chiffre de 112,9 milliards. Voilà une suprenant annonce qui prend le contre – pied de celle qui est toujours défendue par Henri Marie Dondra et toute son équipe et selon laquelle le taux de croissance du pays est l’un des plus élevés de toute la sous – région, grâce aux performances de recouvrement des recettes, réalisées par les régies financières, notamment la DGDDI. Et pourtant, il est noté par la majorité des centrafricains que la situation sécuritaire et socio-économique n’a pas connu d’importants changements majeurs pouvant remettre sensiblement en cause le contexte macro-économique du pays. Mieux, le corridor Bangui/Douala et Douala / Bangui d’où proviennent les 3/4 de nos ressources propres, est toujours bien sécurisé. Comment alors peut- on justifier une telle baisse ? Cette baisse n’était – elle pas visible depuis fort longtemps du fait de l’occupation de plus de 85% du territoire national par des bandes armées et de leur mainmise sur toutes les ressources dans les zones sous leur contrôle ? M. Dondra et ses experts, n’avaient – ils pas tout simplement refusé de dire  la vérité au peuple et aux élus de la nation sur la santé économique et financière réelle du pays, depuis fort longtemps ? Ce gros mensonge ou ce refus délibéré de dire la vérité au peuple et aux élus de la nation n’avait- il pas été dénoncé en son temps par le président du groupe parlementaire de l’URCA qui, de surcroît, avait eu le mérite de souligner que l’économique n’est pas une science-fiction mais plutôt un ensemble d’agrégats lisibles, visibles et palpables à  l’œil nu ? Ne nous avait-on pas tout simplement bourrés la tête avec des chiffres inventés de toute pièce ?

Fort de tout ce qui précède, les experts des partis politiques dont les représentants siègent à l’assemblée nationale ont conclu tout simplement que ce projet de loi de finances rectificative, tout comme la loi de finances initiale 2018, est loin d’être la traduction en chiffres du programme de politique générale, examinée et adoptée par toute la représentation nationale, il y a de cela deux années déjà. Il n’est constitué que d’un ensemble de programmes et de projets dont les engagements et l’exécution ne visent qu’à défendre et assouvir, à travers des dépenses de prestige, des intérêts outrancièrement étrangers à ceux de la République et du peuple. C’est ce qui explique en un mot tout ce raisonnement par incohérence et par invraisemblable, développé ci-  dessus, qui lui ôte tout caractère de sincérité et de crédibilité. De ce fait, il ne peut donc non seulement servir d’une mesure de performances de la gestion de nos finances publiques, mais surtout donner l’opportunité aux élus de la nation de se faire une idée exacte sur une exécution efficace et efficiente du budget pour un impact positif sur le niveau de vie de nos populations. 

C’est pourquoi et pour en avoir le cœur net, pour ces derniers et la majorité des  élus de la nation, il leur est impératif de sommer le grand argentier de la République de leur dire tout simplement toute la vérité sur la santé économique et financière réelle du pays et de leur rapporter les éléments conjoncturels ayant justifié seulement   l’augmentation des crédits à la présidence et à la primature !  

 Voilà deux pertinentes questions auxquelles Henri Marie Dondra sera obligé de répondre dans les jours à venir, en sus de celles touchant à la gestion opaque, clientéliste et partisane du quota d’intégration alloué à son département, en particulier, au détournement de plus de 180 millions de FCFA au Trésor, à la suspension des engagements des crédits et de l’exécution des dépenses au Trésor, à l’affectation systématique des marchés publics à une liste préalablement établie de fournisseurs, sur la base des critères parentologiques, opaques et douteux, à la mise sous contrôle du Trésor de tous les comptes des sociétés d’Etat et autres, à l’envahissement du secteur des PME/PMI par des fonctionnaires et agents de l’Etat des régies financières, et aux suspensions illégales des salaires de certains fonctionnaires et agents de l’Etat, en flagrante violation de la procédure administrative consacrée par la loi portant statut général de la fonction publique !

Affaire à suivre….

Jean – Paul Naïba

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