Centrafrique : un prisonnier de confession musulmane décédé au Camp de Roux la veille des fêtes du nouvel an faute de suivi médical

0
788

 

Un prisonnier de confession musulmane est décédé dans les geôles de la tristement célèbre maison d’arrêt du Camp de Roux, la veille des fêtes du nouvel an, faute d’accès à des soins et à un suivi médical, d’une part, et de surpopulation des cellules, d’autre part. Selon des informations en notre possession de sources policières et militaires, des instructions ont été données à la direction générale des services judiciaires et pénitentiaires de ne pas accorder, pour des raisons de santé, des permissions à tout détenu de confession musulmane ou appartenant à l’ethnie Gbaya, jusqu’à ce que sa situation s’aggrave et que mort s’en suive tout naturellement. C’est en application de ces consignes dictées par la chancellerie que ce détenu dont nous ignorons le nom a été empêché de jouir de son droit à la santé jusqu’à ce que sa vie lui soit brutalement arrachée, loin des siens, mais à la grande satisfaction de ses bourreaux.

Cet acte criminel dont sont régulièrement victimes des détenus soulève incontestablement la question des droits fondamentaux devant être reconnus et garantis aux personnes privées de leur liberté, et pose en filigrane la question substantielle des soins de santé en milieu pénitentiaire en République centrafricaine, depuis l’avènement de l’Imposteur de Bangui, le 30 mars 2016. L’incarcération produit des effets délétères sur l’état physique et psychique des détenus et le surpeuplement carcéral aggrave davantage la situation. Ces raisons ont conduit officiellement les pouvoirs publics à mettre l’accent sur les problèmes de santé au sein des établissements pénitentiaires. Dans plusieurs pays, l’évolution tend vers une consécration de l’application des droits du malade en faveur du détenu en milieu carcéral. Convient-il pour autant d’affirmer l’émergence d’un statut juridique du détenu malade alors que l’écart perdure entre la capacité de jouissance et la capacité d’exercice des droits dont les détenus sont titulaires ?

Dans le pays de B. Boganda, en dépit du célèbre Discours du ministre d’état chargé de la justice Dr Arnaud Djoubaye Abazène, tenu lors des travaux de la 48ème session du Conseil des Droits de l’Homme à Genève, selon lequel la vision inébranlable du président de la République se traduit par l’engagement et l’attachement du gouvernement de son pays à toutes les questions liées à la promotion et à la protection des droits de l’Homme, gage d’une stabilité durable et d’après lequel le gouvernement centrafricain reste attaché aux idéaux universels de paix, de justice et des droits de l’homme tels que déclinés dans les chartes, les conventions, les traités et accords internationaux, et qu’il a consacrés et garantis dans le préambule de sa constitution du 30 Mars 2016, toutes les prisons centrafricaines ont non seulement une très triste réputation, mais surtout elles sont devenues de véritables «prisons-mouroirs». Les détenus et les condamnés y meurent de tortures, de faim et de maladies, dans des cellules surpeuplées et des conditions de détention inhumaines. Des conditions de détention si déplorables qu’elles constituent des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, avec des cellules surpeuplées, suivies par un manque de nourriture, d’eau potable, et d’inexistence de soins de santé et de services médicaux.

Une situation bien difficile, lorsque beaucoup de personnes arrêtées restent des mois sans être inculpées, et des années sans être jugées dans le cadre d’un procès. Par conséquent, la plupart des prisons dépassent leur capacité d’accueil. Après les attaques de la ville de Bangui par les rebelles de la CPC, le 13 janvier 2021, et les redéploiements des forces armées centrafricaines, appuyées par leurs supplétifs du Groupe Wagner et rwandais, en missions de reconquête des zones jadis sous contrôle des groupes armés, cette situation s’est dangereusement aggravée. En effet, pour les pouvoirs publics et le haut commandement militaire, sont dorénavant considérés comme de potentiels éléments de la CPC, tout centrafricain de confession musulmane, tout sujet appartenant à la communauté peuhle et tout centrafricain de l’ethnie Gbaya. Des opérations de chasse à l’homme sont alors lancées à leur encontre, tous azimuts. D’où la surpopulation des prisons du Camp de Roux et de Ngaragba. Dans ces conditions, beaucoup ont été délibérément affamés, d’autres torturés à mort, tandis qu’un grand nombre a succombé à des maladies liées aux conditions sanitaires terribles et à la malnutrition. Des prisonniers ont rapporté comment ils devaient boire leur propre urine faute d’eau, et comment ils se relayaient pour s’asseoir et essayer de dormir. Et les cadavres qui s’en suivaient inévitablement.

Ceci étant, personne ne demande des conditions de luxe pour les détenus, mais des conditions décentes en conformité avec le droit international. Les personnes qui ont été privées de liberté conservent leurs autres droits humains et l’Etat a la responsabilité de s’occuper des personnes dont il a la garde. Un minimum inclut un matelas, un espace suffisant pour dormir, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, de la nourriture adéquate, une communication avec le monde extérieur et la protection contre la torture. En droit international, les recours ont été clairement définis depuis les années 50, lorsque les Nations Unies ont convenu de règles minima pour le traitement des détenus. Ce sont des normes émanant des traités sur les droits humains librement consentis par les Etats y compris l’Etat centrafricain, et c’est dans ce contexte qu’Amnesty International rappelle régulièrement dans leurs Rapports aux Etats les engagements qu’ils ont eux-mêmes pris.

Ces normes comprennent, comme nous l’avons évoqué auparavant une alimentation adéquate, l’accès à l’eau potable, l’assainissement, l’espace, la communication avec le monde extérieur et la protection contre la torture. Des engagements qui sont malheureusement violés tous les jours par les responsables de la direction générale des services judiciaires et pénitentiaires, dans un pays où tout détenu est un homme politique et où tout homme politique est considéré, non pas comme un contradicteur et un adversaire, mais plutôt comme un terroriste, un ennemi public n°1, donc un homme à abattre par tous les moyens.Des histoires comme celle de ce compatriote arraché à la vie par la seule volonté de ses bourreaux et dont le seul crime est d’être musulman, il y en a des centaines, et des odyssées de morts comme celle de cet homme aussi des centaines, sans que personne n’en parle et ne s’en émeuve. Des crimes passés sous silence !

De ce qui précède, il est grand temps que le ministre d’état Djoubaye et les plus hautes autorités judiciaires qui ne cessent de parler du respect des droits de l’homme à longueur de journée et dont certains ont certainement fait la queue pour célébrer, une fois dans leur carrière de magistrat, la vie et l’héritage de Nelson Mandela, n’oublient pas que lui aussi a été victime des mêmes conditions de détention inhumaines qui ont cours actuellement en République centrafricaine. Et c’est pour honorer sa mémoire que les Nations Unies cherchent à renforcer – grâce à la création des « Règles de Mandela »– les normes sur les conditions de détention à travers le monde. Ce serait lui rendre hommage que de respecter ces règles et éviter d’avoir à répondre un jour devant la CPI des faits de crimes, à l’exemple de ce qui est arrivé, au Camp de Roux, à la veille des fêtes du nouvel an à ce Centrafricain de confession musulmane.

Donon Imangué

La rédaction

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici