Centrafrique : Tutelle ou partition ?

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LES TUTEURS

Français, Chinois, Russes et Tchadiens : tels sont désormais les parrains de la Centrafrique. Leurs services secrets se livrent à un âpre combat dans l’ombre, à l’abri des chancelleries, avec un seul but : se tailler la part du lion dans le gâteau des matières premières, en comptant sur un pouvoir centrafricain dont ils auront manigancé la mise en place.

Pour protéger leur exploitation des matières premières, ces puissances négocient ouvertement, en faisant preuve d’un cynisme qui dépasse les bornes, avec les ex-Sélékas qui règnent en maîtres absolus sur les ¾ du pays, alors qu’il s’agit de séditieux – et, pour certains, d’auteurs de crimes contre l’humanité – qui ont supplicié les populations centrafricaines.

La souveraineté et le rôle régalien des Forces armées du pays sont littéralement piétinés. Le pouvoir est devenu aphone. Il ne règne d’ailleurs plus que sur une portion d’un pays étriqué, dont la superficie se réduit comme peau de chagrin. Si on n’y prend pas garde, on ne pourra plus parler que de la République de Bangui.Désarmé et impuissant, le gouvernement centrafricain assiste, sans réagir, comme apathique, au démembrement de la Centrafrique ourdi de l’extérieur. La violation de la souveraineté d’une République, membre de l’ONU, par des puissances étrangères qui en font également partie, se fait ouvertement, avec un total mépris pour les citoyens centrafricains.

Avant que le chaos ne surgisse, le pays avait été confronté à une succession de gouvernances calamiteuses, instituées par des dirigeants cupides et prédateurs, manipulés de l’extérieur. Elles avaient fait naître de criantes injustices sociales, en même temps qu’elles garantissaient l’impunité pour ceux qui pillaient les caisses de l’Etat.

Certaines puissances étrangères ont alors œuvré pour transformer ce qui était une révolte légitime des populations du nord-est du pays, délaissées par les pouvoirs successifs, en guerre de religion, pour mieux tirer les ficelles de l’instrumentalisation.
Mais la sauce n’a pas pris. Les Centrafricains ont vu venir le piège grossier d’une manipulation étrangère destinée à les diviser, pour préparer le démembrement de leur pays en deux entités, l’une chrétienne, l’autre musulmane.

LUTTES D’INFLUENCE AU SEIN DES PUISSANCES ETRANGERES

Les Français, tuteurs historiques, ne sont-ils pas en train de perdre leur place prépondérante dans l’échiquier politique centrafricaine au profit des Russes ? Jusqu’à présent, ce sont eux qui conseillaient la présidence de la République et les ministères clés et qui assuraient aussi la garde rapprochée des présidents centrafricains.

Or, aujourd’hui, après l’intrusion massive des Russes, les choses ont sensiblement évolué. Ces sont eux qui sont désormais responsables de la sécurité du président Touadera. On les trouve partout dans les administrations clés. Les militaires russes distribuent des secours alimentaires aux populations délaissées. Ils installent dans les provinces des dispensaires de campagnes. Ils prennent langue avec les rebelles. Sont-ils mandatés par le gouvernement ?

Quant aux relations franco-centrafricaines, elles semblent fortement grippées. On dirait même qu’elles n’ont jamais été aussi détestables. Les présidents Touadera et Macron se boudent ouvertement. Il faudrait plutôt qu’ils se parlent ! La France et la Centrafrique, par la force de l’histoire, ont trop de choses en commun – la langue en particulier. Et n’oublions pas que la France assure encore l’essentiel de l’aide dont a besoin la République Centrafricaine. D’ailleurs, il n’est pas sûr que les Russes puissent remplacer les Français à court terme.

Certes, la France a une grande part de responsabilité dans le chaos centrafricain. Il faut la dénoncer. Mais ceux qui suggèrent de rompre les relations diplomatiques avec l’ancienne puissance coloniale manquent de clairvoyance.

Dans l’immédiat, évincer la France de la Centrafrique serait une aberration. Bien sûr, la RCA, Etat souverain, peut rompre avec elle. Mais à condition d’abandonner la monnaie française incarnée par le CFA ! Or, quoi qu’on en dise, le CFA assure une stabilité et une garantie dans les échanges commerciaux. Les dirigeants africains, du fait de leur gouvernance calamiteuse, ne permettent pas aux Africains de disposer, dans l’immédiat, d’une monnaie qui leur soit propre. Il est bien entendu que les Centrafricains sont libres de choisir une garantie monétaire, dans le dollar, le rouble ou le yuan, et créer leur monnaie. Mais force est de constater que, dans l’état de déliquescence et de délabrement dans lequel s’enfonce le pays, il serait suicidaire de tenter une politique monétaire hasardeuse.

Il est quasiment sûr que les Français et les Russes vont se livrer à une lutte d’influence particulièrement âpre sur le territoire centrafricain. Les étrangers risquent de prendre l’État en otage et de décider à la place de ses dirigeants. Ce qui ne pourra qu’aggraver une situation déjà chaotique. C’est donc aux citoyens eux-mêmes de redoubler de vigilance pour éviter de subir des dégâts collatéraux et de prendre en main leur destin.

La longue et terrible nuit centrafricaine ne sera illuminée que par les bougies de dirigeants patriotes visionnaires, tel Barthélémy Boganda, père fondateur de la nation.

 JOSEPH AKOUISSONNE DE KITIKI

ANI

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