Centrafrique : Mrs les accusés Touadéra, Wanzet, Lapajo, la garde présidentielle, les « Requins » et les « Autodéfense » du PK5 à la barre !

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Factionnalisation du secteur de la sécurité en raison de recrutements parallèles

En réaction à la tentative de coup d’État de la CPC, des membres du Gouvernement et des forces de sécurité ont recruté ou instrumentalisé des membres de groupes armés, semant la confusion sur le terrain. Cette nouvelle tendance risque de nuire profondément et durablement à la réforme du secteur de la sécurité et de diviser en factions le secteur de la sécurité de l’État.

La présente partie porte sur quatre études de cas concernant des milices qui ont été constituées pour agir au sein ou en appui des institutions de sécurité de l’État. Bien que ces groupes soient d’horizons différents et n’aient pas les mêmes affiliations politiques, tous ont été formés par cooptation de chefs de groupes armés et de leurs éléments. Chaque milice a reçu une aide en espèces et, pour certaines, du matériel militaire qui a été prélevé dans les réserves officielles de l’État destinés aux FACA ou aux Forces de sécurité intérieure, en violation de l’embargo. Ces milices ont également été attirées par des promesses d’intégration officielle dans l’armée ou les Forces de sécurité intérieure.

Dans le cadre de ses enquêtes, le Groupe d’experts a constaté que des membres du Gouvernement qui cherchaient à démontrer leur influence et à renforcer leur position au sein de l’administration présidentielle avaient encouragé la création de certaines de ces milices.

Garde présidentielle et milice des «requins»

Recrutement au sein de la garde présidentielle d’individus connus comme étant membres de groupes armés

Le Groupe d’experts a continué d’observer une expansion de la taille et du rôle du Groupement spécial chargé de la protection républicaine, communément appelé la garde présidentielle (voir également S/2020/662, par.72 à 74, et S/2019/930, par.146). De hautsgradés des FACA ont confirmé que la gestion et le recrutement de la garde présidentielle et des FACA se faisaient séparément. Le rôle et la procédure de recrutement de la garde présidentielle n’étaient pas définis dans le plan de défense nationale et n’étaient pas coordonnés dans le cadre de la réforme en cours du secteur de la sécurité.Diverses sources, dont de hautgradés des FACA, ont informé le Groupe d’experts que le recrutement de la garde présidentielle était une procédure discrète, et non ouverte, et visait des jeunes du quartier du Président, BoyRabe, situé dans le quatrième arrondissement de Bangui, ainsi que des fidèles de son église (église baptiste de Ngoubagara) et des membres de son groupe ethnique (MbakaMandja). Des éléments antibalaka connus ont également été recrutés.

Un exemple clef était celui de Thierry Lébéné, alias «Colonel 12 puissances», un excombattant antibalaka qui répondait aux ordres de PatriceÉdouard Ngaïssona (voir S/2014/452, annexe 5, par.5). Selon des témoignages recueillis par le Groupe d’experts auprès de membres des antibalaka et de la garde présidentielle, Lébéné était bel et bien membre de cette garde. Il s’est présenté comme tel sur son compte de médias sociaux et a publié plusieurs photos de lui «en mission portant des armes S/2021/56929/18821-06676et un uniforme de la garde présidentielle, aux côtés d’autres anciens membres connus des anti-balaka (voir annexe 4.1). 102.Le directeur général de la garde présidentielle, le général Alfred Service, a confirmé que des éléments de la garde avaient participé à des opérations menées à Boali, Mbaïki et à Bossembele dans le contexte de la crise de sécurité, mais a nié que des membres de groupes armés y aient pris part.

Les «requins »: un groupe de trolls en ligne devenu un groupe politique violent

Le groupe des «requins» a été créé en juin 2019 (voir S/2019/608, par.33) par Héritier Doneng, un fonctionnaire du Ministère de la promotion de la jeunesse et des sports. À l’origine, le groupe n’intervenait que dans les médias sociaux, en diffusant de fausses informations et en menaçant les membres de l’opposition politique. Il ne commettait pas d’actes de violence et a annoncé sa dissolution en juillet 2019 (ibid.). Cependant, à la fin de l’année 2020, les «requins» ont refait surface, accru leur nombre et élargi leur champ d’action en faisant appel à des miliciens, principalement d’anciens éléments antibalaka, opérant au sein de la garde présidentielle.

D’après divers témoignages recueillis par le Groupe d’experts, à partir de décembre 2020, les «requins» sont devenus tristement célèbres à Bangui en tant que force de l’ombre impliquée dans des opérations de sécurité extrajudiciaires (voir par.131). Agissant principalement la nuit et tirant parti du couvrefeu imposé par le Gouvernement le 7 janvier 2021, ils avaient coutume d’enlever des personnes à leur domicile ou de les soustraire à la garde de la police ou de la gendarmerie pour les amener dans un bureau situé au camp de Roux, une base militaire hébergeant les quartiers généraux des FACA et de la garde présidentielle. Ils transféraient aussi parfois leurs victimes à l’Office central de répression du banditisme (voir S/2019/608, par.95 et 96 et annexe 6.7). On trouvera à l’annexe 4.2 un complément d’informations supplémentaires sur les violations des droits humains commises par les membres de la garde présidentielle.

Selon diverses sources, dont des membres de la garde présidentielle, les «requins» ne répondaient pas à une hiérarchie bien établie, mais étaient plutôt chargés d’exécuter certaines tâches dans le cadre d’opérations extrajudiciaires précises. Les ordres étaient donnés par un groupe de conseillers présidentiels, qui utilisaient souvent le prétexte de liens présumés avec la CPC pour mener des opérations violentes et, parfois, favoriser leurs intérêts personnels. Thierry Lébéné (voir par.101) jouait un rôle central et coordonnait un groupe restreint d’éléments de la garde présidentielle qui agissaient en tant que «requins», menant leurs activités en civil mais utilisant souvent des véhicules militaires, ce qui leur permettait de se déplacer dans la ville malgré les mesures strictes imposées dans le cadre du couvrefeu.

Le directeur général de la garde présidentielle a précisé au Groupe d’experts qu’il n’était pas au courant d’une implication des éléments de cette unité dans des activités sortant du cadre de leur travail.

Groupes d’autodéfense du quartier PK5: du statut d’ennemi numéro un à celui de force auxiliaire

Le Groupe d’experts a déjà décrit les activités des groupes d’autodéfense autoproclamés du quartier PK5, lesquels se sont livrés à des combats contre la MINUSCA et les Forces de sécurité intérieure et ont commis depuis 2013 de nombreuses violations des droits humains (voir S/2018/729, par.61 à 69). Dans le cadre de ses enquêtes, il a découvert qu’en dépit des relations historiquement conflictuelles avec les forces de sécurité de l’État, des éléments connus de ces groupes avaient été secrètement recrutés par des responsables de l’État depuis janvier 2021 et se désignaient eux-mêmes comme «les volontaires».

Le Groupe d’experts a recueilli les témoignages de membres de groupes armés, de représentants d’autorités locales, de membres des FACA et de recrues, qui ont décrit le mécanisme de recrutement. La procédure a débuté à la mi-janvier et a été menée sous la supervision directe du Ministre de l’intérieur chargé de la sécurité publique, Henri Wanzet-Linguissara, par la voie d’un réseau d’intermédiaires qui avaient des relations dans le quartier PK5. La recrue la plus notoire était sans doute Mahamat Rahama, alias «LT», le principal dirigeant du groupe d’autodéfense du PK5 depuis la mort du «général» Nimery Matar Djamouss, alias «Force», en juin 2019.«LT» a mené les négociations concernant les recrutements directement avec le Ministre de l’intérieur chargé de la sécurité publique. Bien qu’ils aient précédemment participé au processus de désarmement, de démobilisation, de rapatriement et de réintégration, 58 combattants subordonnés à«LT» ont été recrutés au moyen de ce processus parallèle et, depuis janvier 2021, se battent contre la CPC aux côtés des FACA, des Forces de sécurité intérieure et des instructeurs russes, principalement le long de l’axe Bangui-Boali-Bossembele.

Selon des sources interrogées par le Groupe d’experts, les nouvelles recrues ont été réparties en trois groupes et déployées sous les ordres des personnes suivantes: «LT», égalementconsidéré comme le «chef d’état-major» des trois groupes; «Abakar», ancien «secrétaire général» de «Force», impliqué dans la campagne de dénigrement public lancée au début de 2020 contre quatre membres du personnel de la MINUSCA (voir S/2020/662, par.60); Abbas, alias «Kambatiwa», qui a pris la tête d’un groupe de combattants basés dans le quartier PK5, anciennement dirigé par «Apo» (voir S/2018/729, par.61). Chacun des trois groupes a reçu des armes, ainsi que des uniformes et un véhicule de la gendarmerie. D’après plusieurs témoins oculaires, la remise des véhicules a eu lieu à la mi-janvier devant l’ancien «Cinéma Étoile», dans le quartier PK5. Le Groupe d’experts a obtenu des preuves photographiques montrant des éléments du groupe du PK5 vêtus d’uniformes de la gendarmerie et à bord de véhicules de la gendarmerie9, ainsi que «LT», en tenue militaire et muni d’armes de guerre (voir annexe 4.3). Ces éléments apparaissaient aux côtés de personnes que les sources du Groupe ont identifiées comme faisant partie de l’équipe d’instructeurs russes, mais qui, selon certaines des recrues du PK5, s’étaient présentées comme des ressortissants syriens et libyens et avaient participé à des opérations de combat aux côtés des recrues (voir par.68). Les recrues du PK5 ont également expliqué au Groupe que l’un des domiciles de Wanzet-Linguissara, situé dans le quartier de Gobongo, dans le quatrième arrondissement de Bangui, leur servait de plateforme logistique et de résidence protégée où ils se rendaient après avoir mené des opérations et venaient chercher des munitions et des paiements.

Les éléments recrutés ont confirmé au Groupe d’experts que chaque nouvelle recrue était payée à la journée lorsqu’elle participait à des opérations aux côtés des soldats des FACA: 10000 francs CFA (18 dollars), si elle avait sa propre arme, et 2000 à 5000 francs CFA (3,5 à 9 dollars), si elle n’en avait pas. Certains ont également indiqué qu’ils avaient été payés au mois et avaient touché 100000 francs CFA (183 dollars). Les recrues interrogées par le Groupe ont déclaré qu’elles s’étaient vu promettre un enrôlement officiel dans la gendarmerie, mais elles n’ont obtenu aucun document officiel ni ordre de mission et ont reçu leur salaire en espèces.

Dans une vidéo publiée le 2 mars sur le compte officiel du Gouvernement sur les médias sociaux, le Ministre de l’intérieur chargé de la sécurité publique a déclaré que le Gouvernement utilisait l’ancien chef du groupe d’autodéfense du PK5 sur le terrain contre les rebelles. Le Groupe d’expert a compris que cette déclaration faisait référence à «LT»10. Il a adressé une lettre officielle au Ministre pour lui demander son avis sur les conclusions du Groupe, mais n’avait pas obtenu de réponse au moment de l’établissement du présent rapport. Ni le Groupe d’experts ni aucun des partenaires du Gouvernement centrafricain participant à la programmation du désarmement, de la démobilisation, du rapatriement et de la réintégration, et de la réforme du secteur de la sécurité, n’ont été informés d’un quelconque nouveau plan visant à intégrer les anciens membres des groupes d’autodéfense du PK5 dans le secteur de la sécurité.

Source : Rapport du Groupe des Experts de l’Onu du 25 juin 2021

 

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