Centrafrique : Touadéra, le monarque sans le titre

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L’ÉDITORIAL DE BANGUI FM DU 21 SEPTEMBRE 2022
Touadera, le monarque sans le titre
Avec le sens de l’humour qu’on lui connait, où l’ironie le dispute avec le caustique, mon paternel m’a déclaré ce mardi 20 septembre, sous le signe de la confidence, que bientôt, il y aura 4 rois en Afrique au lieu des trois jusqu’ici répertoriés : le roi Mohamed VI du Maroc, Mswati III du royaume d’Eswatini (ex-Swaziland), Letsie III de Lesotho et sa majesté Faustin Archange Touadera 1er de Centrafrique.
Le vieux commentait ainsi l’incident mettant aux prises l’ancien Premier ministre centrafricain, Me Nicolas Tiangaye, avec les forces du désordre oh ! pardon de l’ordre déployées à l’entrée de la Cour constitutionnelle pour empêcher les avocats de tenir leur sit-in en soutien à Danielle Darlan contre laquelle les partisans du régime vitupèrent à longueur de journée ces derniers temps.
Cette observation de mon géniteur est certes ironique, un tantinet exagérée – les Centrafricains se sont déjà soulevés contre un empire créé de toute pièce – mais elle éclaire d’un jour nouveau le tournant autoritaire de Faustin Archange Touadera qui, désormais, ne souffre ni contestation ni, encore moins, un quelconque désaccord, venant surtout de la part de l’opposition. Au point où ses ministres, ceux que les mauvaises langues de Bangui appellent « les sinistres », comme celui en charge de l’Administration du territoire, vont jusqu’à déclarer dans un forum du MCU qu’il faille jeter en prison le coordonnateur du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), Me Crépin Mboli-Goumba, dont le seul crime est de s’opposer au projet de modification constitutionnel.
En fait, M. Touadera est un monarque sans le titre. À force d’admirer son modèle Vladimir Poutine, il essaie d’importer ses méthodes sur les bords de l’Oubangui. Voilà pourquoi tous ceux qui contrarient ses plans de présidence à vie ou qui s’insurgent contre son pouvoir qu’il estime de « droit divin » se transforment en ennemis publics, livrés en pâture aux charognards de la Galaxie Nationale. C’est l’illustration d’un pouvoir personnel.
C’est ici le lieu de rappeler que dans un éditorial d’octobre 1961 intitulé « le pouvoir personnel de Bourguiba » paru dans Afrique Action, qui fait date, le défunt Béchir Ben Yahmed, a écrit que le pouvoir personnel n’est pas la dictature, qui, le plus souvent, n’est que l’hégémonie totalitaire d’une catégorie de la population sur toutes les autres et qui, de ce fait, sécrète sa propre destruction. » En revanche, dans un régime caractérisé par le pouvoir personnel, observe-y-il, « tout converge vers le détenteur du pouvoir qui, seul, existe, décide, s’exprime en même temps qu’il exprime le pays et l’incarne ». On se croirait sous le règne de M. Touadera.
Car le critère irrécusable qui permet de déterminer si on a affaire à un pouvoir personnel est de répertorier le nombre d’atteintes à l’ensemble des libertés publiques et de les passer au tamis des dispositions législatives. À cet exercice, le régime de Touadera occuperait une place de choix. Seulement, un leader qui est obligé de recourir au pouvoir personnel est bien conscient de la fragilité et la précarité de son règne. Le plus souvent, les détenteurs du pouvoir absolue finissent dans le désastre et le déshonneur.
Dernier commentaire de mon père : comment Touadera et les siens pouvaient s’imaginer qu’on allait leur laisser le pays pour qu’ils le gèrent à leur guise, avec un résultat aussi catastrophique. Ce qui me fait dire que ce monarque dénudé qui pèche ainsi par un excès de naïveté est mal barré.
Adrien Poussou
PS: j’ai reçu le toufa de mon paternel pour reprendre mes éditoriaux. Tout est dans son « comment c’est gens peuvent s’imaginer qu’on allait les laisser gérer le pays à leur sans jamais broncher? »

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