Centrafrique : Touadéra et son clan ont – ils oublié les négociations de Nairobi ?

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Centrafrique : tout savoir sur les négociations de Nairobi

15 avril 2015 à 17h47 | Par 
Photo de famille, le 14 avril à Nairobi.

Les pourparlers inter-centrafricains de Nairobi ont pris fin mercredi avec la signature par les anciens présidents Michel Djotodia et François Bozizé d’une déclaration d’engagement. Retour sur quatre mois de négociations secrètes.

C’est l’aboutissement de plus de quatre mois de tractations. Les anciens présidents Michel Djotodia et François Bozizé ont signé mercredi 14 avril une déclaration d’engagement dans laquelle ils promettent de se rallier à la feuille de route de la transition, se disent prêts à participer au Forum programmé à la fin du mois et s’engagent à ne pas perturber les futures élections. Si le document n’a pas été rendu public, son contenu devrait se rapprocher de la précédente déclaration déjà paraphée le 21 février, mais sans cérémonie officielle.

>> Lire aussi : Bozizé et Djotodia s’apprêtent à rentrer dans le rang de la transition

Cette cérémonie, plusieurs fois reportée, a finalement eu lieu à la présidence kényane en présence du chef de l’État Uhuru Kenyatta, du vice-président, Willima Ruto, du Premier ministre Ougandais, Ruhakana Rugunda, et du directeur de cabinet de Denis Sassou Nguesso, Firmin Ayessa. Plusieurs diplomates accrédités à Kampala ont accepté l’invitation. La France, pas associée et opposée à une démarche qu’elle juge non pertinente, a décliné.

« L’Afrique d’aujourd’hui, c’est comprendre que l’instabilité de nos voisins est aussi celle de nos pays », a déclaré Kenyatta en préambule appelant la communauté internationale à reconnaître l’accord. « Peu importe comment nous les avons réunis à la même table. Le plus important est qu’ils y soient et qu’ils parlent de paix ». Bozizé et Djotodia ont ensuite lu leur déclaration d’engagement avant de se serrer la main tout sourire sous les applaudissements de la salle.

Deux accords, une déclaration

En tout, les négociations de Nairobi ont donc accouché de trois textes : le premier accord signé le 22 janvier (et immédiatement rejeté par l’ensemble de la communauté internationale, par les autorités de Bangui, puis par Denis Sassou Nguesso) ; le second presque similaire signé mercredi 7 avril par les délégations des anti-balaka et de l’ex-Séléka en présence du président kényan ; et enfin, une semaine plus tard, la déclaration d’engagement de Djotodia et Bozizé.

CONTRAIREMENT À CE À QUOI ON POUVAIT S’ATTENDRE, LES DEUX ARTICLES LES PLUS CONTROVERSÉS DU PREMIER ACCORD DE JANVIER N’ONT PAS ÉTÉ SUPPRIMÉS DANS LE SECOND.

Le second texte, intitulé « accord de Nairobi sur le cessez-le-feu et la cessation des hostilités » et dont J.A. a obtenu copie (voir ci-dessous), a été signé par Noureddine Adam, Mustapha Sabone, Batoul Achta, représentants les FRPC (Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique, la faction des ex-Séléka présente à Nairobi), Joachim Kokaté, Maxime Mocome et Côme Azounou pour les anti-balaka, et des représentants de la société civile. Mais pas par Bozizé ni Djotodia. Et son contenu reste polémique.

Il comporte 23 points et aborde des thématiques allant du « DDRR » (Désarmement, démobilisation, réintégration et réinsertions), à la « protection et la promotion de la paix parmi les civils », en passant par « la mise en place de cadres institutionnels de facilitation ». Mais contrairement à ce à quoi on pouvait s’attendre, les deux articles les plus controversés du premier accord de janvier, concernant une amnistie générale et une refonte de la charte de transition, n’ont pas été supprimés.

En effet, l’article 3 du document indique que « quinze jours après la signature de l’accord, il doit être lancé des négociations en vue de la mise en place d’une nouvelle autorité nationale de transition de la RCA et la révision de la Charte nationale de transition ». Et l’article 20 d’ajouter que « les nouvelles autorités nationales de transition sont tenues d’envisager l’octroi d’une amnistie générale à toutes les personnes et les parties engagées ou impliquées dans les combats durant le conflit en République centrafricaine ». Selon nos informations, c’est la ferme opposition de Catherine Samba-Panza au processus de Nairobi et son refus de se rendre dans la capitale kényane pour assister à la cérémonie officielle qui ont poussé les autorités kényanes à ne pas tenir compte de son point de vue.

Négociations secrètes et volte-face de DSN

Pendant longtemps, les pourparlers de Nairobi ont suscité inquiétudes et interrogations. Leur initiative émane du médiateur de la crise, Denis Sassou Nguesso (DSN). Fin décembre 2014, le président congolais avait sollicité son homologue kényan pour que se tiennent, à Nairobi, des négociations informelles entre les leaders des groupes armés centrafricains – en marge de celles officiellement initiées à Brazzaville.

Le 17 janvier, un communiqué du ministère congolais des Affaires étrangères salue « les avancées enregistrées lors des discussions de Nairobi ». Mais dix jours plus tard, et alors qu’un accord a entretemps été signé à Nairobi, DSN change d’avis. Depuis, le président congolais a tout fait pour se tenir à l’écart de la démarche, arrêtant notamment le 20 mars de payer l’hébergement des délégations centrafricaines logées au Weston et au Plazza (la facture a été réglée par les Kényans) et refusant de se rendre à la signature officielle. Un comportement qui a passablement énervé les autorités kényanes qui ont été contraintes de prendre en charge une initiative dont ils n’étaient pas à l’origine.

Et maintenant ?

L’accord signé est une porte de sortie honorable pour les instigateurs des pourparlers. Mais a-t-il un avenir ? Rien n’est moins sûr. D’abord parce que la communauté internationale (ONU, Communauté des États d’Afrique centrale) n’a jamais reconnu la légitimité de cette démarche. Mais aussi parce que les délégations des anti-balaka et de l’ex-Séléka présentes dans la capitale kényane ne représentent pas l’ensemble des mouvances des deux groupes armés.

Jeune Afrique

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