Centrafrique : soutiens incontestables du Comité des Sages de l’UA au pouvoir illégitime et criminel de Bangui

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Initialement attendu en mission de travail du 21 au 24 novembre 2022, c’est finalement du 5 au 11 mars 2023 que le Groupe des sages a séjourné à Bangui en République centrafricaine.

Selon un communiqué de presse publié le 10 mars 2023, la mission a échangé avec les acteurs nationaux dont les autorités du pays à savoir le président de l’assemblée nationale, le premier ministre, la cour constitutionnelle, ainsi que les partis politiques de la majorité et de l’opposition démocratique, les organisations de la société civile dont les femmes et les jeunes, et la plateforme religieuse. Elle s’est également entretenue avec le Groupe des ambassadeurs africains et le reste de la communauté internationale ainsi que la représentante du secrétaire général des nations unies et Cheffe de la Minusca. L’objet de cette mission était de s’enquérir de la situation politique en RCA et d’évaluer le processus de paix et de réconciliation, en recueillant les avis de tous les acteurs politiques, civils et autres partenaires pour tirer les enseignements sur la meilleure manière de continuer à soutenir ce pays dans sa démarche vers le recouvrement de la paix et la réconciliation.

Comme il fallait tout naturellement s’y attendre, selon le Groupe des Sages de l’Ua, les conclusions auxquelles la mission a abouti, sont les suivantes : le cadre privilégié pour les échanges sur l’ensemble des points soulevés demeure le Comité Exécutif de Suivi de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation en RCA (APPR) et ses différents mécanismes de mise en œuvre ;La nécessité de revitaliser l’APPR par la Feuille de route conjointe de Luanda dont le travail de mutualisation est en cours ; Le besoin d’accélérer la mise œuvre rapide et intégrale de l’APPR avec le soutien des partenaires de la RCA ; et la disposition permanente du Gouvernement au dialogue avec toutes les parties sans exclusive et la main tendue du Président de la République envers toutes les filles et tous les
fils de la RCA pour la consolidation de la paix et le développement du pays.

Par conséquent, le Groupe des Sages a exhorté tous les acteurs politiques à se préparer aux échéances électorales, et à s’investir pour améliorer et renforcer un environnement propice pour leur bonne tenue, après avoir lancé un appel pour l’arrêt des violences et encouragé les autorités judiciaires à poursuivre les enquêtes sur les graves exactions et les multiples atteintes aux droits humains dont sont victimes les populations, afin de mettre fin à l’impunité.

Comme tous les démocrates centrafricains peuvent le constater aisément, cette mission n’est pas différente de toutes celles qui l’ont précédée et qui ont eu à échanger avec le pouvoir de Bangui et toutes les forces vives de la nation. Mais, depuis les catastrophiques élections groupées du 27 décembre 2020 et la reprise des hostilités entre les Faca soutenues par les mercenaires du Groupe Wagner et rwandais et les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement, au lendemain de l’attaque de la ville de Bangui, le 13 janvier 2021, c’est bien pour la première fois que l’Ua a instruit le Groupe des Sages d’effectuer une visite de travail en Centrafrique. C’est dire combien cette mission était importante pour l’ensemble du corps social centrafricain qui lui accordait une attention bien particulière. En effet, ayant joué un rôle de premier plan, par l’entremise du conseil de paix et sécurité, dans les négociations qui ont abouti, le 6 février 2019, à la signature de l’Accord de Paix entre le pouvoir et les Groupes armés, l’Ua était impatiemment attendue.

Malheureusement, tous les démocrates centrafricains ont le grand regret de faire noter que les causes profondes de la persistance de la crise n’ont pas été effleurées par le Groupe des Sages, et par conséquent, aucune priorité ne leur a été réservée dans les points inscrits dans les conclusions du communiqué de presse du 10 mars 2023. Il s’agit principalement du refus catégorique de l’Imposteur de Bangui de dialoguer avec les partis politiques de l’opposition démocratique et toutes les forces vives de la nation, les groupes armés y compris, avant, pendant et après la tenue des élections du 27 décembre 2020 ; des graves irrégularités qui les ont singulièrement marquées et qui leur ont finalement dénié tout critère de démocratie, de liberté, de sincérité, de crédibilité, de transparence, d’inclusivité, et d’incontestabilité des résultats ; de l’exclusion de 300.000 Centrafricains du droit de vote ; de la présence sur le territoire centrafricain des mercenaires du Groupe Wagner et rwandais, responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés contre des populations civiles confondues à tort aux combattants de la CPC ; de la dénonciation de l’Accord de Paix du 6 février 2019 par les principaux groupés armés signataires ; de la politique de désinformation menée contre l’Onu, la Minusca, son personnel, la France, ses ressortissants et ses intérêts stratégiques et économiques ; du limogeage de la présidente de la Cour Constitutionnelle ; et de la détermination de l’Imposteur de Bangui à modifier la constitution afin de s’octroyer une présidence à vie.

La justesse de toutes ces revendications trouve son fondement dans le respect scrupuleux de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. S’il ne souffre d’aucune quelconque contestation que les pays africains sont souverains et responsables devant leurs propres citoyens de leur gestion des affaires publiques, il n’en reste pas moins cependant qu’il existe certains principes, valeurs et « règles du jeu » définissant la manière dont les élections doivent être menées qui sont convenus aux niveaux international, régional et continental. Nombre de ces normes sont adoptées sous les auspices de l’organisation continentale panafricaine, l’Ua. Exiger leur stricte observation, c’est tout simplement demander à l’Ua, à travers le Groupe des Sages, d’examiner ce cahier de charges au regard de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

En tant qu’organisation intergouvernementale, l’Ua fait ce que ses États membres – les 55 pays africains – acceptent qu’elle fasse. Les chefs d’État ont donné à l’Ua le mandat de promouvoir l’agenda de la gouvernance en général, et par exemple d’observer des élections et d’imposer des sanctions aux États en cas de changements anticonstitutionnels de gouvernement. L’Ua a donc pour mandat de fixer des règles applicables à tout ce qui a trait à la responsabilité et à l’intégrité. Ce domaine d’action va de la liberté d’expression, à la validité des élections et à l’indépendance des tribunaux à la lutte contre la corruption, en passant par l’espace pour la société civile et les questions de conservation anticonstitutionnelle du pouvoir et de coups d’État militaires.

C’est par exemple la raison pour laquelle, début 2022, l’Union africaine (Ua) a suspendu l’adhésion du Burkina Faso, dont les dirigeants de facto venaient d’accéder au pouvoir par un coup d’État militaire. Il s’agissait du dernier exemple en date de la longue histoire des suspensions de pays de l’Ua, après la suspension du Mali à la mi-2021. Mais demander à l’Ua de jouer un rôle dans la gouvernance ne signifie pas qu’elle puisse faire respecter les règles de manière cohérente partout. Quelques semaines après le coup d’État au Mali, les militaires ont pris le pouvoir au Tchad à la mort du président Idriss Deby. Mais aucune suspension n’a été prise à l’encontre du pays : l’UA a plutôt appelé les militaires à remettre le pouvoir à un gouvernement civil. Pour la majorité des démocrates africains, cela soulève bien des questions : pourquoi ? Quelles sont les règles qui régissent les décisions de l’UA dans de tels cas ? et comment sont-elles appliquées ? Pour les démocrates centrafricains, ce ne sont tant ces questions qui les préoccupent que la non – application des dispositions formellement consacrées par la Charte.

En effet, la Charte est un traité international juridiquement contraignant qui fixe les règles que les pays africains doivent suivre en matière de gouvernance. Elle a été adoptée par les pays africains en 2007. Elle fixe les objectifs que les chefs d’État ont accepté de poursuivre et dont ils sont tenus responsables. En cas de violation de certaines de ces normes – notamment en ce qui concerne les changements anticonstitutionnels de gouvernement – ils risquent d’être fustigés publiquement, de voir leur pays suspendu de l’UA, de subir d’autres sanctions ou même (dans des cas exceptionnels) de risquer une intervention militaire de l’Union. Sur l’insistance des dirigeants de l’UA, la Charte a été « consolidée » en un traité juridiquement contraignant. Une fois le texte adopté, un certain nombre de pays l’ont signé et ratifié par le biais d’un processus qui, dans certains cas, impliquait un examen par le parlement du pays – exprimant ainsi leur engagement formel et légal envers les termes du traité.

Tel est le cas de la République centrafricaine. Alors, pourquoi l’Ua et le Groupe des Sages sont – ils restés fort silencieux sur les catastrophiques élections groupées du 27 décembre 2020, et la volonté clairement affichée du pouvoir de Bangui de modifier ? Le rôle le plus important de la CADEG n’est – il pas  celui d’un cadre de reddition de comptes ? Au niveau d’un pays, la Charte ne peut – elle pas être utilisée comme un point de référence pour évaluer la performance du régime en termes de réalisation de ses engagements ? Après la ratification, les États membres ne sont – ils pas aussi censés « domestiquer » la CADEG, c’est-à-dire la traduire et l’intégrer dans leur propre législation (nationale) ? Ne doivent – ils pas ensuite rendre compte de leur domestication et application de la Charte, et soumettre un rapport à l’UA tous les deux ans, dans lequel ils exposent leurs progrès et chantiers ouverts ?

Fort de ce qui précède, et du fait qu’au niveau le plus élémentaire, la CADEG peut être une source d’inspiration et un cadre de responsabilisation pour les gouvernements, leurs opposants et la société civile, afin d’examiner les priorités nationales, par cet article, nous osons dénoncer les soutiens apportés, à l’Imposteur de Bangui par le Comité des Sages, à l’issue de la visite de travail effectuée du 5 au 11 mars 2023, et exiger la tenue d’un dialogue politique inclusif pour un cessez – le – feu immédiat sur toute l’étendue du territoire national, d’une part, et, d’autre part, l’audit des scrutins groupés du 27 décembre 2020, avant l’organisation effective des élections locales avec la participation de tous les partis politiques de l’opposition.

La rédaction

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